Le Poltergeist de Battersea

La Maison d'Eland Road

Une Enquête d’Harry Price

En 1927, à Battersea, un quartier ouvrier londonien sans grande distraction, se trouvait une petite villa qui était le théâtre d’un poltergeist. Cette maison était habitée par M. Henry Robinson, un homme malade de 85 ans qui l’avait occupée durant 25 ans mais qui avait été placé en maison de repos à la demande de sa famille lorsque les étranges manifestations avaient commencé. Avec M. Robinson, vivait son fils de vingt-sept ans, Frederick, et ses trois filles, Mlle Lillah Robinson, Mlle Kate Robinson, et Mme George Perkins, une veuve qui avait un fils de quatorze ans, Peter. Les demoiselles Robinson étaient toutes les deux institutrices et leur frère était tuteur.

La grande bâtisse était des plus banales, elle ressemblait à des milliers d’autres maisons de la métropole avec ses deux étages et son jardin à l’arrière, qui donnait sur les fenêtres d’un asile privé dont s’occupait un médecin. Harry Price avait entendu dire que les hommes souffrant de traumatismes dus aux bombardements étaient ses principaux patients. Les fenêtres de l’établissement se trouvaient approximativement à quatre-vingt mètre de la  » maison du mystère « , comme l’avait surnommée la presse, et il était impossible pour qui que ce soit d’arriver à propulser, même au moyen d’une catapulte, de petits objets comme des pièces de monnaie ou des morceaux de charbon avec une force suffisante pour briser les fenêtres des maisons d’en face.

Juste avant Noël, Harry Price apprit, d’une source privée, que des événements étranges se déroulaient sur Eland Road mais il n’accorda guère d’importance à cette histoire, qui ne différait guère de toutes celles qui lui parvenaient habituellement. Après quoi, il n’entendit plus aucune rumeur jusqu’au 15 janvier 1928, lorsque des articles sur les extraordinaires événements furent publiés dans la presse. Alors, il décida de mener une enquête.

Le 19 janvier, à 9h30, l’enquêteur londonien se présenta à la maison. Il pensait être arrivé assez tôt, mais une journaliste, free-lance et bavarde, se trouvait déjà là, et ce fut elle qui lui ouvrit la porte, tentant de le bluffer pour lui faire abandonner son enquête. Comme il n’était pas facilement influençable, Harry Price négocia son entrée avec la cerbère de la  » maison du mystère « , pénétra dans le bâtiment, puis, après une discussion de quelques minutes, il se retira, promettant de revenir. A son retour au Laboratoire National de Recherche Psychique, l’enquêteur découvrit un message de l’éditeur du journal londonien The Evening News qui lui demandait s’il voulait bien permettre à un journaliste de l’accompagner à la maison, ce à quoi il consentit. L’après-midi même, à 15h, une voiture lui fut envoyée et pour la deuxième fois de la journée, il retourna sur Eland Road. A ce moment-là, Mlle Kate et M. Fred Robinson étaient les seuls membres de la famille présents dans la maison, et M. Price et le reporter qui l’accompagnait obtinrent l’histoire complète des perturbations.

 » Mis à part Percy, leur apprit M. Robinson, nous avons vécu dans la maison pendant 25 ans, heureux et en paix. Puis, le 29 novembre, des morceaux de charbon, de soude et des pennies ont commencé à tomber sur la véranda, à l’arrière de la maison. Le phénomène s’est arrêté pendant quelques jours, puis il a commencé de nouveau au début du mois de décembre. Il m’a semblé extrêmement curieux, à l’époque, que ces morceaux de charbon, qui étaient très petits, aient cassé la vitre.

Les choses sont alors devenues si préoccupantes que j’ai décidé d’appeler la police. Je pensais qu’une personne jetait des choses par-dessus le mur du jardin et rien d’autre. Un agent de police est arrivé, ensemble nous nous sommes rendus dans le jardin et nous avons attendu. Des morceaux de charbon se sont écrasés à quelques centimètres du toit de la véranda, mais nous ne pouvions suivre leur vol. Un morceau de charbon a frappé le casque du connétable, qui a couru vers le mur du jardin mais il n’y avait personne. Le 19 décembre, notre blanchisseuse nous a dit qu’elle refusait de travailler plus longtemps dans la maison. Elle est venue à moi terrifiée, et m’a désigné un tas de cendres brûlantes dans les dépendances. Il n’y avait aucun feu à proximité, comment étaient-elles arrivées là? Une fois encore, j’ai appelé un agent de police, et nous avons décidé de regarder dans la cuisine. Deux pommes de terre ont été lancées pendant que nous étions assis là.

Mais ce lundi, à neuf heures du matin, un point culminant a été atteint et toute la famille en a été terrifiée pendant une heure. Il y avait des craquements forts dans toutes les pièces de la maison. Ma sœur a couru prévenir le magistrat. Le panneau de la fenêtre dans la chambre de mon père a été brisé, et il se trouvait dans un tel état de peur que j’ai décidé de le faire sortir de la maison. J’ai appelé un homme de la rue, et ensemble, nous l’avons porté hors de la pièce. Mais, au moment où nous l’emmenions, une lourde commode s’est écrasée sur le sol de sa chambre. Juste avant, ma sœur avait vu le meuble dans l’entrée se balancer et m’avait appelé. Je l’avais attrapé avant qu’il ne tombe, mais un certain pouvoir étrange semblait vouloir me l’arracher des mains, et il était tombé dans l’escalier, se brisant en deux parties. « 

M. Bradbury, l’homme qui avait été appelé pour aider à déplacer le vieux monsieur, confirma l’histoire de Fred Robinson. Il expliqua:  » M. Robinson m’a demandé de venir chez lui et quand je suis arrivé, à environ dix heures, il y avait un poissonnier et un marchand de légumes qui discutaient avec lui de ce qui s’était passé. J’ai vu plusieurs femmes dans la maison, et elles semblaient avoir très peur. M. Robinson m’a amené jusqu’à une chambre à coucher, où il m’a dit que son père avait dormi, et il nous a montré une commode renversée. L’une des femmes a expliqué qu’elle avait peur de rester dans la maison, mais qu’elle avait également peur d’aller dans sa chambre pour emballer ses vêtements. Nous sommes allés avec elle dans sa chambre, et elle nous a dit qu’elle avait été réveillée par de gros coups sur la porte et le fracas du verre. Nous y sommes restés jusqu’à ce qu’elle ait emballé ses affaires dans son sac puis nous sommes ensuite retournés à la chambre de derrière, où M. Robinson nous a montré quelques centimes et du charbon sur le toit de la véranda. Nous étions quatre -tous les hommes- à regarder cela quand tout à coup, d’une autre chambre, est venu un grand fracas et nous avons entendu une femme crier en bas. Nous avons couru à la chambre et nous y avons vu une commode gisant sur le sol. C’était très étrange. Puis M. Robinson nous a emmenés à la cuisine pour nous montrer les dégâts à cet endroit. « 

Après avoir entendu l’histoire des perturbations depuis son commencement, Harry Price et le journaliste firent le tour de la maison, inspectant soigneusement les dommages, qui étaient considérables. Plusieurs vitres avait été brisées, et deux présentaient de petits trous, comme si des pierres avaient été jetées sur elles. Certaines des vitres de la toiture de la serre avaient été cassées et sur celles qui restaient se trouvaient des cailloux, des pennies, des morceaux de charbon, des pommes de terre, des morceaux de soude, etc…
A l’intérieur, le verre ou le bois de plusieurs portes avaient volé en éclats. Sur le plancher de la chambre de derrière, trainaient les morceaux épars de différentes décorations, et une commode en piteux état, qui semblait s’être abimée lors d’une chute. Dans le hall, les deux hommes remarquèrent un porte-manteau cassé en deux morceaux, les restes de deux portes de chambres, un plateau à thé aux poignées arrachées, ainsi qu’un certain nombre de photos, qui étaient tombées sur le sol.

Tout comme le toit de la serre, le petit jardin était parsemé de différents objets, de morceaux de soude, de charbon etc.. M. Robinson porta alors leur attention sur deux des fenêtres des maisons voisines qui avaient, elles-aussi, reçu l’indésirable attention du poltergeist et qui présentaient d’étranges petits trous, comme si des pierres avaient été envoyées sur elles à l’aide d’une catapulte miniature.

Après avoir fait le tour de la propriété, M. Price et M. Grice, le représentant du journal The Evening News, retournèrent à la cuisine où ils bavardèrent un moment avec Mlle Kate Robinson et son frère. A ce moment-là, personne d’autre ne se trouvait dans la maison. Les deux hommes s’apprêtaient à partir quand brusquement, un objet dur tomba derrière eux, retentissant dans le passage qu’ils venaient d’emprunter. De la cuisine, un petit couloir menait à l’arrière-cuisine, qui s’ouvrait directement sur le jardin par une porte qu’ils venaient juste de refermer. L’objet, un allume-gaz métallique avec un manche en bois qui mesurait une vingtaine de centimètres, était couché dans le petit passage entre la cuisine et l’arrière-cuisine. Sans doute avait-il été projeté derrière eux, frappant le mur dans son vol. Le petit groupe fouilla immédiatement les deux pièces, puis le jardin, sans découvrir personne. Mlle Robinson expliqua à ses invités que le briquet à gaz, qui pesait une cinquantaine de grammes, était habituellement posé sur la cuisinière à gaz, dans l’arrière-cuisine. Hors, personne ne se trouvait dans la pièce au moment où il avait été jeté. L’enquêteur pensa un moment que l’objet avait peut-être été placé au-dessus de la porte ouverte qui séparait la cuisine du couloir, mais l’expérience lui prouva qu’à moins de le placer en parfait équilibre, une poussée considérable était nécessaire pour le faire tomber. De plus, même si Harry Price et le journaliste n’avaient pas remarqué le briquet, Mlle Robinson et son frère leur garantirent l’avoir vu sur la cuisinière lorsqu’ils les avaient amenés visiter l’arrière-cuisine. Ce curieux incident fit un excellent titre pour les journaux du soir, qui s’en firent l’écho.

Le lendemain matin, ayant appris qu’un certain de nombre de phénomènes avaient été observés depuis leur précédente visite, Harry Price et l’envoyé de The Evening News visitèrent une nouvelle fois les lieux. Apparemment, de nouveaux morceaux de charbon, des pennies, de la soude et des pierres avaient été jetées sur la maison, brisant l’une des fenêtres. Ils y restèrent pendant une heure sans que rien ne se produise d’inhabituel. Vers 11h30, Harry Price retourna au laboratoire de recherche mais une demi-heure plus tard, l’éditeur du journal The Evening News le prévint par téléphone que les autorités avaient fait emmener Fred Robinson pour le mettre en observation. L’enquêteur londonien fut fort surpris de ce nouveau développement. Il avait eu une conversation d’une heure avec lui la veille et il l’avait trouvé tout à fait normal et très intelligent. Apparemment, la police pensait qu’il pouvait être responsable des manifestations, et il avait été envoyé à l’hôpital Saint-John de Battersea pour y être examiné.

Le lundi 23 janvier, dans l’après-midi, Harry Price, toujours accompagnée de M. Grice, retourna à la maison, ce qui lui permit d’avoir un long entretien avec Mme Perkins, la veuve. Le fait que M. Frederick Robinson ne soit pas présent dans la maison ne faisait aucune différence quand aux phénomènes allégués. En effet, Mme Perkins leur apprit que durant le week-end les manifestations avaient été violentes et variées. Outre les pluies habituelles de morceaux de charbon et de diverses choses, il y avait eu  » une grande activité parmi les meubles « . Le samedi les chaises avaient, de leur propre gré,  » marché dans le couloir l’une à la suite de l’autre « , puis elle l’avait empêchée de mettre la table. D’une incroyable manière, dès qu’elle s’approchait avec les assiettes, alors les chaises s’entassaient sur la table, l’arrêtant dans ses préparatifs. A la troisième tentative, Mme Perkins avait fini par sortir dans la rue et elle avait demandé à un agent de police qui se trouvait là de rentrer dans la maison pour observer le phénomène. Malheureusement, le policier était originaire de Londres, naturellement flegmatique, et comme il n’y connaissait rien en poltergeist, il l’avait accusée d’empiler elle-même les chaises sur la table puis il était parti. Mlle Robinson, la sœur de Mme Perkins, leur expliqua qu’après que son frère ait quitté la maison, un attaché-case avait volé à l’étage, qu’un parapluie avait sauté du porte-manteau pour retomber sur le sol de la cuisine, qu’un huilier s’était écrasé sur le plancher et que la table, que les deux femmes avaient finalement réussi à préparer pour le diner, s’était renversée toute seule.

Poursuivant son histoire, Mlle Robinson leur expliqua qu’elles avaient tellement eu peur qu’elles avaient décidé d’aller à l’extérieur. A ce moment-là, par la fenêtre de la cuisine, elles avaient vu toutes les chaises tomber et des pierres étaient tombées sur le toit. Un peu plus tard, quand elles avaient voulu les remettre en place, les chaises leur avaient semblé particulièrement lourdes. Cette information ne surprit guère Harry Price car il n’était pas sans ignorer que les objets supposément déplacés par un poltergeist se trouvaient souvent plus lourds qu’à l’ordinaire. Trois personnes avaient été témoins du mouvement spontané présumé des meubles. Mme Perkins, Mlle Robinson, et Peter Perkins, le jeune garçon de quatorze ans qui avait eu tellement peur qu’il refusait de s’asseoir sur l’une de ces chaises, craignant qu’elles ne se remettent à bouger. L’incident l’avait tellement impressionné qu’au cours des jours qui suivirent sa mère l’envoya à la campagne pour récupérer.

Après avoir écouté le récit des événements du week-end, Harry Price et M. Grice firent une nouvelle inspection de la maison, qui semblait être dans le même état que le vendredi précédent, puis ils retournèrent à la cuisine. Ils discutaient avec Mme Perkins et Mlle Robinson quand soudain, un bruit sourd, comme si un objet pesant était tombé derrière eux, retentit dans la pièce. Pour l’enquêteur londonien, le son ressemblait à la chute d’une lourde botte ou d’une brosse et aussitôt il se mit à chercher un tel article, aidé par le représentant du journal. Une ou deux minutes plus tard, il remarqua quelque chose de sombre sous une chaise rangée dans un angle et s’approchant de la masse obscure, il reconnut une paire de chaussures noires de dame.

Ramenant les chaussures à la lumière, il remarqua un petit objet dur dans celle de droite, un petit ornement de bronze en forme de chérubin, qui pesait environ 100 grammes. Les cris d’étonnement, réels ou simulés, par lesquels les dames saluèrent sa découverte furent renouvelés quand elles remarquèrent que l’ornement était celui de la cheminée du salon où il reposait depuis 25 ans, en compagnie d’un autre chérubin. Les deux femmes leur assurèrent que jamais ces chérubins n’avaient bougé de leur place auparavant, et que personne ne les avait retirés du salon. Harry Price continua à inspecter la cuisine, mais il ne découvrit rien d’autre. Si l’ornement de bronze était réellement venu de la pièce voisine, il avait fait deux tours en angle droit puis il était passé au-dessus de leurs têtes. Il était concevable qu’il ait pu être lancé par l’une des femmes, mais l’enquêteur se trouvait à quelques centimètres d’elle, et il n’avait remarqué aucun mouvement suspect de leur part, pas plus que M. Grice. De plus, l’ornement était plutôt froid lorsqu’il avait été retrouvé et s’il avait été tenu en main par Mme Perkins ou Mlle Robinson, il aurait conservé une partie de leur chaleur.

Les deux hommes fouillèrent toutes les pièces une nouvelle fois, sans rien trouver de nouveau, puis ils demandèrent à passer la nuit suivante dans la maison, et ce privilège leur fut accordé. Malheureusement, un peu plus tard dans la journée, Harry Price apprit que poltergeist et les nombreux curieux qui venaient rôder devant  » la Maison du Mystère  » avaient fait fuir les deux sœurs, de telle sorte qu’il dut abandonner l’idée de dormir chez elles. Durant tout le week-end  la police avait du intervenir pour retenir la foule qui s’était agglutinée sur la route et qui regardait, bouche bée, les vitres brisées, puis le samedi soir, des hooligans du quartier avaient menacé de pénétrer de force dans la maison s’ils n’étaient pas autorisés à  » enquêter  » sur les phénomènes. Le lundi après-midi, quand Harry Price était sorti du bâtiment, un bandit costaud à l’accent russe l’avait abordé, lui proposant  » d’inspecter les lieux  » pour lui, et l’enquêteur avait refusé ses services, sans le remercier, se disant que l’homme aurait eu sa place dans un bar à vodka de Minsk.

Le lendemain, Mlle Robinson et sa sœur trouvèrent le courage de retourner chez elles et l’éditeur du Daily Express demanda à Harry Price s’il voulait bien amener une médium dans la maison afin d’avoir ses impressions, ce à quoi il consentit. La psychique en question était Mlle X., amatrice du paranormal, la fille d’un professionnel londonien bien connu. Le mercredi 25 janvier, aux environs de quinze heures, Harry Price, la médium et M. FGH Salusbury, le représentant du Daily Express, se présentèrent chez les Robinson mais en ce milieu d’après-midi, seule Mme Perkins était présente. L’enquêteur amena Mlle X. dans chacune des pièces, espérant qu’elle ressentirait quelque chose, mais la jeune femme ne découvrit rien, déclarant simplement que l’endroit la faisait se sentir « misérable « . Cette information n’était pas particulièrement éclairante car de nombreuses maisons de banlieue faisaient le même effet à Harry Price, sans que rien ne s’y trouve. Puis brusquement, dans la cuisine, Mlle X. déclara qu’elle avait  » frisquet « , alors qu’elle se trouvait la seule pièce chauffée. Ni M. Price ni M. Salusbury n’avaient froid dans cette salle où brûlait un bon feu, bien au contraire, ils la ressentaient comme bien plus chaude que le reste de la maison, mais Mlle X. semblait glacée, ses mains étaient gelées et elle tremblait littéralement. Les deux hommes lui proposèrent de s’asseoir près du feu, d’où elle pouvait regarder Mme Perkins effectuer ses tâches ménagères, puis ils continuèrent leurs recherches, refermant soigneusement la porte de la cuisine derrière eux.

Ils fouillèrent toutes les pièces du rez-de-chaussée, examinant minutieusement chaque meuble et chaque décoration, notant même leur position exacte, puis ils montèrent au premier étage, mais à peine étaient-ils arrivés que M. Salusbury crut entendre quelque chose tomber quelque part en-dessous. Pour sa part, Harry Price n’avait rien entendu, mais ils visitèrent une nouvelle fois tout l’étage, sans rien pouvoir trouver de différent. La porte de la cuisine était toujours fermée, et en réponse à leur question, ces dames leur apprirent qu’elles n’avaient rien remarqué de spécial.

Après avoir refermé la porte de la cuisine, les deux hommes remontèrent au premier. Les chambres étaient divisées par un couloir qui allait de l’arrière à l’avant du bâtiment. Lors de leur inspection, M. Price et M. Salusbury durent traverser ce passage étroit et bien éclairé au moins six ou sept fois, et aucun d’entre eux ne remarqua quoi que ce soit. Ils se trouvaient dans l’une des chambres quand brusquement, ils entendirent un objet tomber quelque part dans la maison. Les deux hommes firent immédiatement demi-tour mais en arrivant dans le couloir, ils aperçurent un savon jaune, de ceux utilisés pour le lavage des vêtements. Il se trouvait sur le plancher, droit devant eux, à environ 2 mètres de la porte de la chambre. Pour Harry Price, tout comme le correspondant du Daily Express, il était tout à fait impossible qu’ils soient passés sept fois près du savon sans le voir ou sans marcher dessus. Mais curieusement, s’il était tombé, ils n’avaient rien entendu.

Sans toucher au savon, les deux hommes descendirent à la cuisine, dont la porte était toujours fermée. Mme Perkins et Mlle X. déclarèrent qu’elles n’avaient pas bougé de la pièce et que la porte de la cuisine n’avait pas été ouverte. Personne n’aurait pu entrer dans la maison, sauf par la porte d’entrée, qui ne s’ouvrait que de l’intérieur, ou par le jardin, qui menait à la buanderie et à la cuisine. Mme Perkins les accompagna à l’étage supérieur, où se trouvait le savon, qui, dit-elle, appartenait à l’arrière-cuisine et dont elle ne pouvait expliquer la présence au premier étage. Les dames ayant, elles-aussi, entendu quelque chose tomber dans la maison, tout le monde en convint que le bruit ne sonnait pas du tout comme la chute d’un morceau de savon, qui d’ailleurs ne montrait aucun signe de coup. Harry Price, M. Salusbury et Mlle X., qui se sentait toujours glacée et qui frissonnait, attendirent une demi-heure de plus puis, comme rien ne se passait, ils décidèrent de partir.

Quelques jours plus tard, quand M. Frederick Robinson retourna chez lui, il apprit que plus aucun phénomène ne se produisait dans la maison. Comme l’avait deviné Harry Price, M. Robinson s’était avéré tout à fait normal et il était absurde qu’il ait été obligé de quitter son domicile. L’affaire Battersea, celle de la  » Maison du Mystère « , se termina ainsi, de manière fort satisfaisante mais peu concluante. L’aïeul de la famille, M. Robinson, mourut à l’hôpital, ce qui obligea ses descendants à quitter la maison qu’ils occupaient depuis vingt-cinq ans.

Les Conclusions de l’Enquête

Portrait Harry Price

En commençant son enquête, Harry Price ignorait si les phénomènes étaient naturels ou s’ils étaient dus à une personne mal intentionnée. Au début, il avait pensé que les anciens soldats de l’asile jetaient les différents missiles qui brisaient les vitres de la maison, il y avait d’ailleurs eu des frictions entre les pensionnaires et les Robinson, mais aucune force extérieure n’aurait pu casser la vaisselle et briser le mobilier à l’intérieur.

L’enquêteur avait ensuite soupçonné certains des membres de la famille Robinson de vandaliser délibérément leur maison et d’attribuer les phénomènes au paranormal. Il avait tout d’abord pensé à Peter, mais le jeune garçon ne semblait rien connaitre des perturbations, il était absent lors de la plupart des phénomènes et il ne possédait pas la force physique nécessaire pour infliger les dommages que présentait une partie du mobilier. De plus, avec une maison remplie de gens suspicieux, la moindre action bizarre de sa part aurait instantanément été remarquée. En fait, la seule fois où Harry Price l’avait croisé, Peter semblait terrifié. Souvent, les phénomènes de type poltergeist étaient associés aux adolescents, mais l’enquêteur était persuadé que cette fois, il n’y avait aucun lien entre le garçon et les manifestations.

Certains des visiteurs de la  » Maison du Mystère  » avaient suggéré à Harry Price que les perturbations pouvaient avoir été délibérément planifiées par certains des membres de la famille pour effrayer le vieux M. Robinson, sans toutefois en préciser la raison, mais cette théorie ne tenait pas l’analyse. Bien que le plus violent des phénomènes se soit produit lorsque le vieil homme se trouvait encore dans la maison, les manifestations avaient été, par la suite, si nombreuses, que son fils avait été soupçonné d’en être à l’origine, ce qui l’avait mis dans une situation des plus délicates. De plus, l’enquêteur spirite supposait qu’aucune famille n’aurait été assez bête pour détruire sa propre maison afin d’en chasser l’un de ses membres, en particulier quand il s’agissait du chef de famille, qui était responsable du toit qui les abritait. En outre, les Robinson avaient été soumis à l’attention du public, de la police et de la presse, ce qui avait été pour le moins pesant.

Cependant, les incidents de l’allume-gaz, du chérubin et du savon laissaient Harry Price perplexe. Comme il n’avait pas vu les objets se déplacer sous ses yeux, jamais il ne pourrait être tout à fait sur qu’une explication normale n’aurait pas pu être trouvée. Il lui fallait néanmoins admettre que le mystère Battersea présentait des caractéristiques très inhabituelles. L’enquêteur était convaincu, même s’il n’en avait aucune preuve, que les anciens soldats de l’asile psychiatrique avaient été à l’origine des premiers troubles. Il pensait qu’ensuite, l’inquiétude causée par ces perturbations avaient eu des répercutions sur certains membres de la famille Robinson, qui avaient alors réagi d’une certaine manière. La nature de cette réaction était une question de spéculation mais l’enquêteur considérait l’hypothèse paranormale comme la plus probable.

En 1941, M. Frederick Robinson lui-même fit le récit des événements de la maison d’Eland Road dans la revue psychique Two Worlds, révélant qu’il avait été témoin du  » plus merveilleux des phénomènes psychiques que quelqu’un puisse observer « , à savoir l’apparition de petits morceaux de papiers blancs dans les escaliers et dans les chambres. Pour une raison inconnue, cet incident n’était jamais apparu dans la presse, et Harry Price lui-même l’ignorait. Tenus à la lumière, ces petits morceaux de papier révélaient une écriture fine, comme si elle avait été faite à l’aide d’une épingle. Ces messages étaient parfois menaçants, parfois plus neutres.

M. Robinson se souvenait qu’une nuit, après une série de coups anormalement virulents, un message sur un bout de papier était descendu de nulle part pour tomber sur son lit. Après l’avoir déchiffré, il avait lu ceci:  » Je ne suis pas bien ici. Je ne peux pas me reposer. Je suis né sous le règne de Guillaume le Conquérant..  » Le message était signé du nom horrible de Tom Blood mais d’autres portaient le nom de Jessie Blood. Les lecteurs qui connaissent la hantise du Presbytère de Borley se souviendront que des messages similaires avaient été trouvés un peu partout dans la maison. Et les écrits muraux de Borley étaient, à bien des égards, uniques.

Selon M. Robinson, qui avait été témoin de près de cent manifestations, la plupart des phénomènes avaient lieu lorsque son jeune neveu se trouvait dans la maison, sous surveillance ou en sécurité dans sa chambre.
Une nouvelle fois, ce détail rappelait à Harry Price la Hantise du Presbytère de Borley, dans laquelle les Wesley étaient impliqués. L’enquêteur était sur que Mlle Hetty Wesley était le moteur primaire ou inconscient des manifestations. Elle était alors âgée de dix-neuf ans, et les phénomènes continuaient même quand elle dormait. Alors son visage se vidait, elle gémissait et se tournait dans son sommeil. Si le deux affaires se ressemblaient en certains points, le Poltergeist de Battersea restait cependant très inhabituel, en particulier concernant l’intervention de la police et le traitement extraordinaire de M. Frederick Robinson, qui avait été envoyé en observation.

Source: Poltergeist Over England, par Harry Price.

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