O-Kiku, Poupée Japonaise

O-Kiku, Poupée Japonaise

En 1918, Eikichi Suzuki, un jeune garçon de dix-sept ans, se rendit à Sapporo, sur l’île d’Hokkaidō, au Japon, pour visiter une exposition maritime. Il traversait Tanuki-Kojin, une célèbre rue commerçante, quand il se figea de surprise. Une grande poupée était exposée dans la vitrine d’un magasin, qui ressemblait étrangement à sa petite sœur, Okiku. Avec son kimono, son visage rond, ses joues roses, ses grands yeux sombres, et ses cheveux noirs coupés aux épaules, elle était ravissante. Alors, comme il pensait qu’elle lui plairait, il décida de la lui acheter.

Une fois de retour chez lui, Eikichi lui offrit le jouet, et il ne fut pas déçu de sa réaction. Okiku se prit immédiatement de passion pour sa nouvelle poupée, qu’elle baptisa de son prénom. Elle la traînait partout avec elle, jusque dans son lit. Elle l’adorait. Malheureusement, l’année suivante, Okiku succomba à une forte fièvre, probablement due à la grippe espagnole. Elle avait trois ans à peine. Ses parents avaient prévu de faire incinérer sa poupée préférée avec elle, mais le moment venu, submergés par l’émotion, ils oublièrent de la glisser dans son cercueil. Alors, pour honorer sa mémoire, ils décidèrent de la placer dans leur butsudan, une petite armoire en bois que les bouddhistes japonais conservaient autrefois dans leur maison et qui contenait des chandeliers, des brûleurs d’encens, des cloches, des coupelles, et des souvenirs de leurs défunts parents.

Quelques mois plus tard, M. et Mme Suski remarquèrent que les cheveux de la poupée semblaient s’être allongés. Elle avait toujours eu les cheveux aux épaules, coupés au carré, mais maintenant ils lui arrivaient à la taille, et leur longueur était inégale. Au cours des mois suivants, ses cheveux continuèrent à pousser et ils finirent par atteindre ses genoux. M. et Mme Suski en conclurent alors que l’esprit de leur malheureuse enfant s’était réfugié dans la poupée qu’elle avait tant aimée. Ils furent grandement troublés… et quelque peu réconfortés.

En 1938, ils déménagèrent à Sakhalin, et comme ils ne voulaient pas emporter la poupée avec eux mais qu’ils la croyaient toujours possédée par l’esprit de leur fille, ils la confièrent au temple Mannenji, dans la ville d’Iwamizawa, expliquant que ses cheveux poussaient tous seuls, qu’ils les lui avaient coupés à de nombreuses reprises, mais qu’ils finissaient toujours par repousser. Les moines ne crurent pas un mot de leur histoire, mais ils acceptèrent néanmoins de veiller la poupée. Ils s’aperçurent rapidement de leur erreur.

Les moines du temple Mannenji s’occupent toujours de la poupée. Ils racontent qu’à l’origine, ses cheveux étaient courts, mais qu’avec le temps, ils ont poussé de vingt-cinq centimètres, atteignant le bas de ses genoux. Ils les lui ont alors coupés, mais ils se sont remis à pousser. Chaque année une cérémonie est célébrée en mémoire d’Okiku. A cette occasion, les cheveux de la poupée sont coupés au carré et ornés de fleurs, mais ils ne cessent de repousser. Personne n’est jamais parvenu à résoudre ce mystère. Un chercheur japonais a récemment analysé les cheveux, et il en a conclu qu’ils appartenaient à une petite fille de dix ans. Malheureusement, cette révélation reste anecdotique. La plupart des poupées étaient autrefois fabriquées avec de vrais cheveux, mais ils restaient, à ma connaissance, toujours à la même longueur.

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