Le Diable au Moyen-âge

Au Moyen-âge, le Diable, tout comme les enfers, étaient des vérités indiscutées. A cette époque, Satan n’était pas perçu comme un être passif attendant désespérément dans ses Enfers lointains les âmes corrompues de quelques malheureux égarés mais comme une créature malfaisante qui parcourait la Terre en compagnie de sa cohorte de démons et qui intervenait activement dans les affaires des hommes. Comme le Diable détestait l’humanité plus que tout et que sa seule préoccupation était de nuire à ses représentants, aussi bien à leurs corps qu’à leurs âmes, aussi les tentait-il sans relâche, leur faisant des promesses que jamais il tenait, espérant entrainer leurs âmes immortelles dans une éternité de souffrances. Les religieux et les démonologues, qui ne connaissaient que trop bien les ruses du Malin, se servaient de cette menace pour inciter les fidèles à la vertu, ce qui se révélait relativement efficace.

Le dieu Pan, que l’on adorait encore dans certaines campagnes, était un exemple de débauche et de luxure aussi s’était-on servi de sa description pour imaginer le Diable, dont on ignorait l’aspect. Cet astucieux stratagème avait permis de donner une image à Satan, mais également de diaboliser Pan, à la plus grande satisfaction des prédicateurs qui désespéraient en constatant que malgré tous leurs efforts, certains anciens dieux païens étaient toujours honorés.
La plupart du temps, le Diable était représenté comme une immonde créature aux pattes poilues, aux sabots fourchus et aux griffes acérées. Sa queue et ses oreilles étaient pointues, son nez crochu, son crâne s’ornait de deux petites cornes et quelquefois, il possédait des ailes noires, vague souvenir de ses origines angéliques. Sa voix était rauque et sauvage et il était connu pour dégager une odeur pestilentielle. Raoul Glaber, moine et chroniqueur dans les années 1000, rapporta l’avoir rencontré à trois reprises et il en donnait une curieuse description :  » Je vis paraitre devant moi un petit monstre hideux qui avait à peine figure humaine. Il me semblait avoir, autant que je pus m’en assurer, une taille médiocre, un cou grêle, une figure maigre, les yeux très-noirs, le front étroit et ridé, le nez plat, la bouche grande, les lèvres gonflées, le menton court et effilé, une barbe de bouc, les oreilles droites et pointues, les cheveux sales et raides, les dents d’un chien, l’occiput aigu, la poitrine protubérante, une bosse sur le dos, les fesses pendantes, les vêtements malpropres; enfin tout son corps paraissait d’une activité convulsive et précipitée. « 
Le Diable était réputé physiquement immonde car il s’adonnait à de nombreux vices et que la laideur de ses actes transparaissait à travers ses traits. Il se devait de posséder une aussi terrible apparence pour effrayer ceux qui auraient été tentés d’agir comme lui: sa monstrueuse figure était un avant-gout de l’enfer qui les attendait.

Bien évidemment, quand Satan se présentait devant des mortels, il prenait grand soin de masquer sa véritable identité, dissimulant autant que possible sa démoniaque nature sous des vêtements. Il apparaissait alors sous la forme d’un homme de grande taille portant une cape noire, des bottes, des gants de cuir et parfois un chapeau. Sa couleur favorite semblait être le noir, couleur des ténèbres, mais il lui arrivait également de porter du rouge, l’autre couleur diabolique. Il pouvait également, au gré de ses caprices, prendre l’apparence de divers animaux comme celle du crapaud, du loup, de la mouche, du chat noir, du chien noir, du bouc, du corbeau ou celle du serpent, forme qui avait généralement ses faveurs car elle lui rappelait son éclatante victoire au jardin d’Éden, mais il aimait aussi à se montrer sous l’apparence d’une créature fantastique, comme le dragon, ou se couvrir d’écailles comme un poisson et respirer comme eux. Il pouvait aussi se dissimuler sous les traits d’un homme au physique particulièrement ingrat, ou affligé de diverses tares, probablement pour inspirer la pitié et s’attirer les faveurs des âmes les plus nobles, et il arrivait parfois qu’il prenne le corps d’un mort, d’un pendu ou d’un soldat tombé sur le champs de bataille. Il emportait le cadavre, lui communiquait le mouvement et s’en servait comme s’il était vivant aussi longtemps que cela lui convenait.

Mais le démon ne se montrait pas toujours sous des aspects épouvantables. Le Malin connaissait toutes les ruses du déguisement et du masque et quand il voulait séduire, il empruntait à la femme tous ses artifices. Ainsi paré, il tentait fréquemment d’inciter au péché prêtres et moines, qui étaient pour lui des proies de choix. Parfois, ces ruses ne suffisaient pas à faire succomber les plus vertueux aussi se mêlait-il à eux pour mieux les corrompre. Pierre le Vénérable, abbé de Cluny au XIe siècle, décrivait la lutte des moines dans son Livre des Miracles (Liber Miraculorum). Le monastère y était présenté comme une véritable forteresse qui tentait de résister comme elle le pouvait aux attaques du Malin:
 » Un moine qui méditait dans son lit sur les Psaumes vit soudain une procession de démons traverser le dortoir. Ils avançaient lentement, la tête cachée sous un capuchon, effrayants par leur nombre, leur gravité, leur silence. Cette robe monastique, Satan la revêt parfois pour mieux tromper. « 

Le Diable, qui aimait à se moquer des hommes mais aussi de leurs croyances, leur apparaissait aussi sous la forme du Saint-Esprit, de la Vierge Marie ou des plus grands Saints, comme nous l’apprend cette histoire racontée par Geoffroi, un véritable moine, à Guibert de Nogent en 1107 :  » Un jeune homme avait couché avec une femme hors du mariage puis il était parti en pèlerinage vers Saint-Jacques, dont il était dévot. En chemin, le Saint lui était apparu et lui avait reproché d’avoir entrepris ce voyage sans s’être suffisamment purifié. Le pèlerin avait reconnu ses torts puis, consterné, il avait demandé au Saint homme comment se racheter. Saint-Jacques lui avait alors ordonné de se couper le membre avec lequel il avait péché puis de se trancher la gorge. Ainsi, lui avait-il dit, en te punissant toi-même, tu deviendras martyr. La nuit, à l’auberge, le malheureux avait accompli le geste fatal et au petit matin, ses compagnons l’avaient retrouvé mort. On lui avait fait des obsèques mais là, devant l’assistance stupéfaite, il avait ressuscité. Il avait ensuite raconté son histoire, rajoutant que ça n’était pas Saint-Jacques qui lui était apparu comme il le croyait, mais le diable. Après sa mort, l’âme du pèlerin avait été emportée par les démons au tribunal céleste, présidé par la vierge, mais la le véritable Saint-Jacques avait pris sa défense et l’homme avait du retourner sur Terre pour se corriger et dénoncer le démon. « 

Au Moyen-âge, Satan, toujours à l’affût d’une âme à pervertir, apparaissait dès qu’il entendait son nom aussi prenait-on garde à ne jamais le nommer véritablement. Pour éviter une visite indésirable, on le surnommait de diverses manières: Le Malin, l’Ennemi, le grand Bouc, le Cornu, le Vilain, Il etc…
Le Diable était décrit comme un être fourbe, cruel, rusé, envieux, cupide, orgueilleux, et menteur. Tellement menteur que l’on disait même de lui qu’il était le père du mensonge. Il haïssait les hommes et travaillait sans relâche à causer leur perte, entretenant en leurs cœurs passions et convoitises, des excès qu’il savait exciter grâce à son intelligence pénétrante et sa longue expérience. Son pouvoir, ses signes et ses prodiges mensongers étaient tels que tous ceux qui ne suivaient pas scrupuleusement les voix de Dieu et les recommandations de l’Église s’y laissaient prendre.
Le Diable aimait à transgresser les règles établies et courir les fêtes. Parfois, quand les réjouissances se terminaient après minuit, Satan s’invitait et, sous la forme d’un bel homme, il charmait les jeunes filles. Fort heureusement, les hommes, qui se méfiaient inévitablement d’un étranger aussi séduisant, remarquaient vite ses pieds fourchus et prévenaient ces demoiselles. Sitôt démasqué, Satan disparaissait dans un nuage de fumée, laissant derrière lui une odeur de souffre ou, s’il refusait de partir, se faisait exorciser.

Selon leur importance, il était des tâches que le démon laissait effectuer par ses troupes, et d’autres dont il s’occupait lui-même. Pour entrer en commerce avec l’homme, le Diable choisissait de préférence les plus désespérés, ceux qui étaient abattus par le chagrin, la solitude, la misère ou la maladie. Le tentateur décidait habilement de son heure. Il compatissait faussement à leurs malheurs, leur promettant de les venger, de les aider, de leur apporter fortune, santé, honneurs, renommée, amour etc… Il les enlaçait, les subjuguait pour mieux en faire ses esclaves… avant de leur faire souffrir mille tourments dans le feu des enfers.

Les personnes qui aimaient les plaisirs faciles et y cédaient sans vergogne avaient également ses faveurs car leurs âmes se trouvaient tout naturellement propices à écouter ses paroles doucereuses. Au XIIIe siècle, Ranulphe de la Houblonnière dressait la liste des péchés réputés attirer le démon: l’orgueil, la colère, l’envie, l’avarice, la luxure et la gourmandise. Il indiquait également que le diable s’installait, de préférence, dans le cœur des orgueilleux, dans la bouche des coléreux, chez les avares cupides, et dans tous les corps des luxurieux et des gourmands. Pour influencer leurs mauvais penchants, le démon tourmentait leurs corps et soufflait dans leurs esprits, qu’il lisait aisément, les plus odieuses des pensées. Les femmes, qui étaient réputées faibles et crédules, cédaient plus facilement aux tentations du Malin que les hommes, ce qui expliquait le grand nombre de sorcières sévissant dans les campagnes.

Si le Diable devait souvent généralement déployer les plus perfides ruses pour arriver à obtenir de nouveaux adeptes, parfois, ceux-ci se proposaient d’eux-mêmes. Étrangement, alors qu’il était réputé pour apparaitre facilement quand on parlait de lui, Satan ne montrait plus réticent à répondre aux appels.

Pour invoquer Satan, il convenait de se rendre, à la nuit tombée, jusqu’à un carrefour à quatre chemins car même si l’Église y plantait régulièrement des croix, c’était là que le Malin se manifestait le plus souvent. Bien évidemment, si aucun carrefour n’était disponible dans les environs, un autre lieu pouvait être choisi. Après avoir tracé un cercle protecteur, il fallait se placer à l’intérieur et n’en sortir sous aucun prétexte. Parfois, le Diable se montrait récalcitrant et il envoyait des démons inférieurs, des esprits ou de terrifiantes créatures tourmenter l’invocateur, aussi fallait-il ne point faiblir. Au bout d’un moment, Satan se montrait, généralement sous la forme d’un cavalier noir chevauchant un cheval noir, et une négociation pouvait alors être entamée.

Quand il gagnait un nouvel disciple, le Diable lui apposait sa marque en une certaine partie du corps, qui variait suivant ses humeurs mais qui se trouvait souvent du côté gauche, et il lui faisait signer un pacte, que l’on appelait fort à propos le Pacte avec le Diable. Les Pactes avec le Diable étaient fort à la mode au Moyen-âge, aussi en signait-on souvent. Dans ce document, qui était irrévocable, le fidèle renonçait aux sacrements et à son âme immortelle en échange de quoi le Malin s’engageait à satisfaire tous ses désirs pendant un certain nombre d’années. Durant cette période, le Malin devenait le vassal de son disciple, se laissant enfermer dans des coffres, des fioles, des anneaux ou se changeant en divers animaux pour rester auprès de lui. Mais quand le temps accordé se terminait, alors le Diable venait chercher l’âme de son disciple, à son plus grand effroi. L’exemple le plus célèbre de Pacte avec le Diable est probablement celui de Faust, immortalisé par Goethe.
Tous les adeptes de la magie passait un Pacte avec le Diable, qu’ils le veuillent ou non. Quand une sorcière signait directement un Pacte avec Satan ou évoquait des démons et leur offrait quelque chose, son sang, une poule, ses intentions étaient claires et le Pacte était Explicite mais la pratique même de la magie impliquait quelques relations de réciprocité entre le Diable et le magicien, aussi considérait-on qu’il y avait entre eux un Pacte Tacite. Il arrivait également que certaines femmes, après avoir subi les assauts de leurs maris en un jour saint par exemple, vouent l’enfant à venir aux forces démoniaques. Pour cela, il leur suffisait de le maudire et quelques années plus tard, Satan venait le réclamer. Fort heureusement, cette malédiction ne semblait pas inéluctable et ces malheureux enfants trouvaient souvent un moyen d’échapper, de par leur piété, aux griffes du démon.

Au Moyen-âge, le pouvoir du Diable était réputé immense et l’on disait que si Dieu ne l’avait pas arrêté, il aurait pu bouleverser l’univers. Les démonologues visaient donc à démasquer tous les signes et tous les prodiges du Diable, qui étaient toujours vils et sans noblesse, afin de pouvoir s’élever contre ses monstrueux projets, empêchant ainsi le monde de tomber sous son emprise.
A la demande de ses sujets, Satan pouvait les transformer en loups-garous, déchainer des orages, exciter des tempêtes ou faire tomber la grêle et la foudre. Il était également capable de causer un sommeil profond, plonger en extase, révéler des événements lointains ou à venir, rendre un homme invulnérable, lui donner la capacité de se rendre invisible, le transporter dans les airs, faire disparaitre des objets, soit en condensant d’épaisses vapeurs, soit en les enlevant subtilement, rendre malade, tantôt en altérant l’organisme, tantôt en transportant des miasmes contagieux, et même guérir, ce qu’il faisait très rarement, le bien n’étant pas son fort.
Les soldats qui bénéficiaient d’une protection diabolique étaient aisément reconnaissables. On les voyait, indemnes sur les champs de bataille,  » secouer de leurs manches les balles qui s’y étaient amassées, comme on fait tomber des pois de leur cosse. » Bien évidemment, aucune ne les atteignait jamais.
Le Diable servait également les intérêts de certains savants avec lequel il avait passé quelque arrangement. Il leur expliquait comment se procurer ceci ou cela, ce qui était écrit dans les livres, même dans ceux qui avaient été détruits ou brûlés, et les choses obscures qu’aucun homme ne sait. Il pouvait aussi leur révéler des trésors cachés, ou en montrer d’inexistants, mais sa haine envers l’homme était si violente qu’il refusait très souvent d’accorder cette faveur. Habituellement, le démon ne donnait que très peu d’argent, même à ses suppôts. Il abusait les yeux de celui qui croyait en recevoir, et ce dernier ne trouvait ensuite comme monnaie dans sa bourse que des pierres, des feuilles sèches ou des ordures.

Satan aidait parfois ses serviteurs à maléficier, mais uniquement dans le but d’en tirer quelque avantage. Il aimait à semer la confusion dans les esprits et pour cela il faisait souvent disparaitre les preuves de ses prodiges de telle sorte que les plus sceptiques ne voyaient dans ses manifestations que les chimères d’esprits troublés. De ce fait, les démonologues, qui connaissaient bien les manigances du Malin, devaient se battre contre lui, mais également contre ses suppôts, les sorciers, les magiciens et même les incrédules, qui servaient sa cause sans le savoir. Ces différences d’opinions occasionnaient de fréquentes querelles qui réjouissaient le Diable, qui appréciait particulièrement de semer la discorde.
Si les fléaux et les maléfices que le Diable infligeait étaient véritables, les bénéfices qu’il offrait n’étaient que fantasmes. Quand Satan promettait à un homme quelque amélioration de sa personne, comme augmenter son intelligence par exemple, et qu’il semblait par la suite au bénéficiaire que le Malin avait tenu ses promesses, alors le malheureux se fourvoyait. Dès que le démon cessait d’intervenir, l’homme redevenait aussi bête qu’avant, s’il avait un jour cessé de l’être, ce qui restait à prouver. L’homme étant une création divine personne ne pouvait le changer, pas même le Diable.
Si le commerce charnel entre le Diable et ses sujets était bien connu, il ne pouvait cependant en naitre des enfants et, si cela arriva un jour, comme l’affirmèrent certaines, ce fut par un  » mystérieux transport de germes  » effectué par le démon. Mais comme il existait d’autres manières, bien plus simples, d’expliquer les conceptions cette hypothèse trouvait de nombreux détracteurs.

Les disciples du Diable organisaient parfois de grandes fêtes en son honneur, les Sabbats Diaboliques. De Lancre, le célèbre démonologue, décrivait les Sabbats ainsi:  » Danser indécemment, Festiner ordement. S’accoupler diaboliquement, Sodomiser exécrablement, Blasphémer scandaleusement, Se venger insidieusement. « 
Satan choisissait lui-même ses invités et leur annonçait la date du Sabbat par un signe discret qu’eux seuls pouvaient reconnaitre. S’il se trouvait parmi eux quelque grande sorcière, alors le Démon pouvait se déplacer pour aller la chercher et l’amener au Sabbat en la transportant dans les airs mais c’était un privilège qu’il n’accordait que rarement.
Les sorcières se rendaient au Sabbat en compagnie de leur familier, et elles y amenaient souvent quelques jeunes enfants qui étaient ensuite servis lors du banquet.
Le Diable, qui présidait aux réjouissances assis sur son trône, s’y montrait souvent sous la forme d’un grand bouc noir cornu et puant et tous les fidèles devaient lui témoigner leur soumission en embrassant le visage qui se trouvait sur son derrière. Lors de cette cérémonie, les convives se moquaient de l’Église et de ses préceptes, ils jetaient des maléfices, faisant tomber la grêle et autres joyeusetés sur leurs ennemis, ils mangeaient des mets immondes, des enfants non-baptisés, du chien, du chat, du crapaud ou de la viande avariée, ils dansaient avec frénésie au son d’instruments discordants, et ils se livraient à toutes les débauches en compagnie de démons, d’incubes et de succubes. Pour son plaisir personnel, le Diable choisissait parmi les sorcières sa favorite, généralement la plus belle de toutes, et ils s’adonnaient à la dépravation. Cependant, le sexe du démon était recouvert d’épines et la malheureuse affirmait en souffrir terriblement.
Certains Sabbats étaient réels, ils se déroulaient en divers endroits sordides et isolés, alors que d’autres n’étaient qu’imaginaires: les adorateurs de Satan s’y retrouvaient alors en esprit ou en rêve. Lorsque le coq chantait alors tout disparaissait, et les participants s’empressaient alors de rentrer chez eux le plus discrètement possible, ne laissant derrière eux qu’une terre brûlée où plus rien ne s’avisait de pousser.

Au Moyen-âge, les gens avaient peur du Diable et ils tentaient donc de s’en protéger comme ils le pouvaient. La protection divine était automatiquement accordées aux fidèles de Dieu, mais Satan était si perfide qu’il parvenait parfois à détourner les hommes les plus pieux. Si la meilleure des protections contre le Diable était une âme pure, bien peu pouvaient se vanter d’en posséder une aussi les hommes se tournaient-ils fréquemment vers d’autres moyens. Au moment d’aborder la nuit, ils pouvaient implorer la protection divine contre les tentations sans cesse renouvelées du prince des ténèbres ou utiliser une croix pour le tenir éloigné. Le moyen le plus courant pour empêcher Satan de pénétrer dans une maison était de placer une croix de paille sur la porte d’entrée mais y brûler des branches de genévrier au nouvel an était également supposé la protéger.
Si ces méthodes se révélaient insuffisantes, ou si le fidèle était la proie du démon alors qu’il se trouvait à l’extérieur, le trèfle à quatre feuilles était réputé pour être un puissant talisman contre le Diable, tout comme l’ail et l’agate.
Satan détestait le sel, c’était un fait notoire et tout le monde savait qu’aucun des plats servis au Sabbat n’était jamais salé, aussi porter un petit sac de sel autour du cou était l’assurance de tenir le Malin à distance.

Malgré toutes ces précautions il arrivait parfois que le Diable parvienne à investir un corps sans la permission de son propriétaire, que ce soit de son propre chef ou à la demande d’un sorcier, et à certaines périodes l’activité du Malin était telle qu’une multitude de gens semblaient être affectés par ce qu’il convient d’appeler une véritable épidémie de possession diabolique. Mais il ne faut pas oublier qu’au Moyen-âge, la plupart des maladies mentales étaient considérées comme des possessions démoniaques.
Certains prédicants, et d’autres gens plus ou moins respectables, se faisaient une spécialité de chasser les démons. Ils gagnaient beaucoup d’argent grâce à ce métier qui nécessitait, disaient-ils, une voix solide.
Les signes de possession démoniaque étaient variés et nombreux. Parmi ceux-ci, se retrouvaient bien évidemment les grands classiques, l’accès aux connaissances cachées, parler ou comprendre des langues inconnues, des changements drastiques dans l’intonation vocale et la structure du visage, l’apparition soudaine de blessures, une force surhumaine et la lévitation, mais également le blasphème, des accès de colère, un comportement étrange, des haines irréfléchies, des grimaces, des paroles ineptes, des tremblements, des mouvements d’aversion profonde etc…
Quand le Diable possédait un homme, il conduisait son bras, cherchant à satisfaire ses propres haines et il fallait bien souvent enchainer le malheureux pour l’empêcher de nuire, aux autres comme à lui-même. Les gestes pieux mettaient généralement le possédé dans une rage folle, le conduisant à blasphémer horriblement. L’amnésie de la possession était fréquente, et souvent constante.

Pour obliger le Diable à quitter un corps, il existait diverses méthodes dont certaines ne nécessitaient pas l’intervention de l’Église. L’une d’entre elles consistait à rouer de coups le possédé ou à lui infliger divers sévices cruels afin d’inciter le démon à partir. Les amulettes pouvaient également constituer de véritables moyens d’exorcisme, agissant d’elles-mêmes par la seule vertu de leur consécration ou des formules qui s’y trouvaient inscrites.
Quand aucun de ces moyens ne fonctionnait, alors il fallait demander l’aide d’un prêtre. La prière et le jeune étaient considérés comme les moyens les plus efficaces pour venir à bout du démon mais quelques fois, le prêtre pouvait utiliser de l’eau bénite ou souffler sur le possédé. Lors de ces cérémonies, qui se tenaient dans des lieux publics, il arrivait que le Diable se défende et refuse de sortir du corps du malheureux ou qu’il soit accompagné de nombreux démons, ce qui entrainait de violents combats au cours desquels le possédé pouvait se montrer violent, en paroles ou en gestes.

Le départ du Malin se remarquait à certains signes que l’exorciste guettait lors de la cérémonie. Parfois, il sortait de la bouche du possédé en poussant de cris, d’autres il se transformait en mouche et se mettait à tournoyer autour de lui, ou il apparaissait brusquement sous la forme de l’un de ses animaux fétiches comme le serpent ou le corbeau. Le prêtre devait veiller à ne pas se laisser abuser par les ruses du Malin, qui pouvait faire croire momentanément à sa disparition. Pour s’assurer de la réalité de son départ, l’exorciste apposait un crucifix ou une sainte relique sur la tête ou sur la poitrine du possédé et si ce dernier supportait son contact sans broncher, alors il était considéré comme véritablement délivré. Mais il arrivait parfois que le démon, frustré de son échec, tente de retourner dans le corps de son hôte ou se réfugie dans un animal de compagnie, que l’on prenait alors grand soin d’exorciser.
Chaque exorcisme réussi était une victoire éclatante remportée par le Christ sur l’enfer mais quand il ne donnait aucun résultat, c’était, à n’en point douter, la preuve que l’une des deux parties, l’exorciste ou le possédé, manquait cruellement de foi ou que le prétendu exorciste était loin de posséder les talents de chasseur de démons qu’il affirmait.

Quand le diable ne rôdait pas sur Terre à la recherche d’âmes, ne prenait pas du bon temps au Sabbat ou ne possédait pas quelque innocent, il déchainait son sadisme en enfer, infligeant mille tortures infernales aux damnés. L’entrée des enfers était souvent représenté comme un léviathan qui avale les âmes perdues dans sa gueule ouverte.

En enfer, des démons ricanants enfonçaient des clous rougis ou des pointes de fer ardentes dans la chair fumante de pécheurs suspendus à des arbres de feu par les pieds, les mains, la langue, les cheveux, les oreilles ou les bras. Ils étaient flagellés et des roues de feu entrainaient leurs âmes dans un tourbillon de souffrance. Les malheureux ne pouvaient espérer aucune délivrance et se devaient de subir leur châtiment pour l’éternité. Tel était le terrible destin de ceux qui succombaient au Diable au Moyen-âge, et ce tableau des enfers terrifiait les hommes. Il faudra attendre le XVIe siècle et Rabelais pour commencer à se moquer du Diable.

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