Popper le Poltergeist

Famille Herrmann

En 1958, à Long Island, la famille Herrmann se retrouva confrontée à un poltergeist qu’ils surnommèrent Popper car il aimait à faire sauter les bouchons des bouteilles. Ses manifestations attirèrent l’attention des médias et bientôt, dans tout le pays, les téléspectateurs purent contempler Popper se livrer à ses facéties.

James Herrmann, sa femme Lucille et leurs deux enfants, Jimmy et Lucille, âgés de 12 et 13 ans, occupaient une petite maison blanche et verte au 1558 RedWood Path, à Seaford, non loin de New York. Située dans un quartier calme de la ville, elle proposait trois chambres, une cuisine, une petite salle à manger, un salon et un sous-sol où se trouvait une buanderie et une salle de jeux.

La Maison des Herrmann
La Maison des Herrmann

Le 3 février, vers 15h30, Lucille Herrmann, qui était infirmière, se trouvait chez elle quand ses enfants revinrent de l’école mais à peine étaient-ils rentrés dans la cuisine qu’un invraisemblable vacarme ébranla la maison. Faisant le tour des différentes pièces, elle s’aperçut alors que certaines bouteilles s’étaient débarrassées de leur bouchon et que leur contenu en jaillissait comme sous l’effet d’une brusque pression. Le phénomène semblait avoir affecté tout le bâtiment, faisant s’ouvrir sans distinction une bouteille d’amidon liquide dans la cuisine, une bouteille d’eau de javel dans la buanderie, plusieurs flacons de shampooing et de médicament dans la salle de bain et une petite bouteille d’eau bénite dans la chambre parentale, qui s’était renversée, laissant son contenu s’écouler sur le col.

Troublée, Mme Herrmann téléphona aussitôt à son mari, qui travaillait pour Air France à New York, afin de lui rapporter l’étrange phénomène et il en parut tout aussi surpris qu’elle. Il ne put d’ailleurs lui donner aucune explication mais comme personne n’avait été blessé, il se dit que le problème pouvait attendre et décida de s’en occuper à son retour. Quand il sortit du travail, M. Herrmann prit le train pour Long Island et durant le trajet, il réfléchit à l’appel de sa femme. Même s’il n’avait pas encore trouvé la réponse au mystère, il était sur de pouvoir en venir à bout. Peut-être une réaction chimique avait-elle fait sauter tous les bouchons en même temps, ou peut-être était-ce tout simplement une coïncidence que plusieurs bouteilles se soient ouvertes au même moment. En arrivant chez lui, vers 19h, il inspecta soigneusement les différents récipients, et remarquant qu’ils étaient tous fermés par des bouchons à vis, il se sentit déconcerté. Ils n’avaient pas pu être sauter sous un effet quelconque comme auraient pu le faire des capsules, ainsi qu’il l’avait supposé.

Les deux jours qui suivirent ne connurent aucun incident puis brusquement le jeudi suivant, au moment où les enfants rentraient de l’école, une demi-douzaine de bouchons de divers récipients se retrouvèrent propulsés dans les airs, parmi lesquels un flacon de vernis à ongles, une bouteille d’eau de javel, une bouteille de détergent, une autre d’amidon, et une fois encore, la bouteille d’eau bénite qui trônait sur la commode de la chambre. Le vendredi soir, le même phénomène se produisit à nouveau, et M. Herrmann commença à suspecter son fils James, qui aimait particulièrement les sciences, d’avoir piégé ces bouteilles afin de les effrayer. Il se demandait s’il n’avait pas déposé des capsules gazeuses à l’intérieur, les préparant pour que les explosions se produisent exactement à son retour de l’école, juste à temps pour pouvoir contempler l’expression de surprise sur le visage de sa mère.

Comme il s’attardait sur cette théorie, M. Herrmann passa le week-end à observer discrètement Jimmy, qu’il était déterminé à prendre sur le fait. Le samedi fut des plus paisibles mais le dimanche matin, le 9 février, plusieurs bouchons, ceux de l’amidon, de la térébenthine et de l’eau bénite se retrouvèrent propulsés au même moment, faisant chanceler les bouteilles.

Jimmy Herrmann

M. Herrmann en fut sidéré. Il avait surveillé attentivement son fils et il ne comprenait pas comment il avait pu arriver à préparer un tel événement sans qu’il s’en aperçoive. Énervé, il se précipita dans la salle de bain, où Jimmy se brossait les dents, et l’accusa d’avoir piégé les bouteilles. Le garçon protesta énergiquement, et à ce même moment, semblant confirmer ses dires, un flacon de médicament commença à glisser le long du lavabo, finissant sa course dans la cuvette, puis ce fut au tour d’une bouteille de shampoing de se déplacer, qui chuta sur le sol dans un bruit sourd. Stupéfait, M. Herrmann inspecta immédiatement la salle de bain, cherchant des fils cachés qui auraient pu expliquer les incidents, puis, comme il ne trouvait rien, il commença à réaliser qu’il se passait des choses qui dépassaient l’entendement.

Ne sachant vers qui se tourner, il décida de confier le problème à la police du comté de Nassau mais en entendant son histoire, le lieutenant E. Richardson lui demanda s’il lui faisait une blague ou s’il avait trop bu. Les deux hommes discutèrent un long moment, et à force d’insistance, M. Herrmann finit par lui faire comprendre qu’il était tout à fait sérieux. Convaincu de sa bonne foi, le lieutenant Richardson lui promit d’envoyer quelqu’un pour constater les faits et peu de temps après, l’officier James Hugues se présentait au 1558 RedWood Path. L’agent de police était pour le moins sceptique, mais quand visitant la maison, plusieurs bouteilles firent sauter leurs bouchons et les projetèrent dans sa direction, il reconnut qu’il se passait vraiment quelque chose de bizarre. Une enquête fut alors décidée, dont le détective Joseph Tozzi fut chargé. Après avoir pris connaissance du rapport de son collègue, et même s’il voulait éviter de porter un jugement avant d’avoir visité l’endroit, le policier était pratiquement sur qu’un phénomène naturel était responsable des perturbations ou que les Herrmann s’imaginaient des choses.

Joseph Tozzi

Le 11 février, l’enquêteur visita la famille, prit leurs témoignages et inspecta les lieux. Dans la soirée, un atomiseur de parfum s’ouvrit et se renversa dans la chambre de Lucille, sans que la jeune fille s’y trouve, puis bizarrement, les jours suivants, l’activité sembla principalement se centrer autour de la bouteille d’eau bénite qui se trouvait dans la chambre parentale. Le 15 février, alors qu’il venait d’entendre le bouchon de la bouteille d’eau bénite sauter une nouvelle fois, M. Herrmann se précipita dans la pièce et la ramassant, il la trouva étrangement chaude. Peu de temps après, alors que les enfants regardaient la télévision dans le salon en compagnie de Marie Murtha, leur cousine, une figurine de porcelaine posée à l’extrémité de la table près du canapé commença à bouger puis, levant ses deux pieds en l’air, elle se précipita sur le sol dans un terrible fracas. Quand ils le penchèrent pour la ramasser, ils découvrirent à leur grande stupéfaction qu’elle était toujours intacte.

Comme la police restait perplexe, les Herrmann, qui étaient de fervents catholiques, décidèrent de se tourner vers l’église. Le Père McLeod visita alors la maison, priant et aspergeant toutes les pièces d’eau bénite, mais rien n’y fit. Popper, comme ils l’avaient surnommé, n’avait apparemment aucune envie de partir.

James et Lucille Herrmann étaient fatigués d’éponger les liquides renversés par la force invisible et de ramasser les objets brisés qu’elle laissait derrière elle, mais ce qui les attendait était bien pire encore. Le phénomène n’était apparu que depuis deux semaines quand les journaux, la radio et la télévision rapportèrent la nouvelle. L’histoire fut alors reprise par de grands magasines, où elle connut un énorme succès, et bientôt de nombreux curieux vinrent rejoindre les journalistes, photographes et caméramans qui campaient toute la journée devant la maison.

Les Herrmann commencèrent alors à recevoir des lettres et des appels de nombreux anonymes, qui pensaient les aider de leurs conseils ou tenaient simplement à déverser leur haine. La plupart d’entre eux proposaient des explications logiques, mais certains avançaient les plus folles théories, affirmant que des Martiens avaient atterri près de chez eux ou que les Russes creusaient un tunnel sous Long Island afin d’envahir New York. Certaines de ces lettres étaient à peine lisibles et elles condamnaient les membres de la famille pour leurs péchés, les accusant d’avoir volontairement invité  » ces trucs de Satan  » à rentrer chez eux. Les Herrmann étudiaient attentivement toutes les suggestions qui leur parvenaient, et ils se montraient particulièrement patients, parvenant à rester polis même quand le téléphone sonnait à minuit et que leur interlocuteur leur criait d’une voix terrifiante  » Repentez-vous! » ou  » Les Spoutniks sont ici! « 

Journal Popper

Des envoyés de différentes religions, parfois terriblement douteuses, effectuaient des rituels étranges sur la pelouse, devant la maison. Un jour, un homme dans un costume bleu, qui se prétendait un saint homme, s’agenouilla dans la cour et pria pendant 10 minutes puis se levant, il annonça  » Tout va bien, vous avez été pardonnés.  » Malheureusement, Popper dut l’entendre différemment car rien ne changea. Parmi les différentes théories proposées, celle du chef indien en colère connaissait un grand succès et elle servit d’ailleurs de base au film Poltergeist en 1982. La légende rapportait que de nombreux amérindiens avaient été massacrés à Long Island et certains prétendaient que l’esprit de Sachem Tackapausha, un chef indien réputé, hantait la maison.

Peu de temps après, Robert Ziden, un physicien du Brookhaven National Laboratory de Long Island, se rendit au domicile des Herrmann, et après avoir sondé la propriété à l’aide de tiges de radiesthésie il déclara que des ruisseaux souterrains passaient probablement sous la maison, créant un  » champ magnétique monstre.  » Le détective Tozzi examina longuement cette idée séduisante, qu’une étude géologique s’empressa de démentir.

L’enquêteur notait tous les témoignages qu’il parvenait à recueillir, sans parvenir à déterminer la cause des perturbations. Un jour, il descendait les escaliers du sous-sol en compagnie de Jimmy quand brusquement, une statue en bronze de 45 kg traversa la cave, venant le frapper aux jambes. Le garçon se trouvait près de lui, personne d’autre n’était dans la pièce et il ne parvenait pas à comprendre comment l’incident avait pu se produire. Pensant que le bang supersonique des avions pouvait être à l’origine des incidents, il vérifia auprès des forces aériennes, qui étudièrent alors leurs plans de vol et réfutèrent cette hypothèse. Il contacta également la Radio Corporation of America, qui avait mis en place un oscilloscope sensible dans le sous-sol, mais aucune vibration souterraine n’avait été enregistrée durant cette période. Des inspecteurs en bâtiment de la ville de Hempstead étudièrent la maison et la déclarèrent structurellement saine, puis le Service des Incendies de Seaford vint inspecter un puits qui se trouvait à proximité, supposant que des changements dans le niveau de l’eau pouvaient avoir des répercutions dans le bâtiment, mais ils constatèrent qu’il était stable depuis au moins cinq ans. Si l’enquêteur voyait ses tentatives d’explication échouer les unes après les autres, il restait déterminé et comptait bien découvrir la source du phénomène.

Arriva alors une lettre porteuse d’espoir, celle d’Helen Connolly, de Revere, dans le Massachusetts. Elle affirmait avoir observé des événements bizarres dans son salon, où des meubles se déplaçaient, et être parvenue à résoudre le mystère d’une singulière manière. En effet, un fort courant d’air ascendant passait par la cheminée, et lorsqu’une turbine métallique rotative était venue la coiffer, les tables et les chaises s’étaient aussitôt arrêtées de voler. Pensant pouvoir résoudre le problème de la même manière, M. Herrmann s’empressa de faire installer un dispositif identique sur sa propre cheminée mais à peine les ouvriers avaient-ils terminé de le poser qu’une statuette de porcelaine s’envolait d’une table pour s’écraser contre un bureau. La statuette avait parcouru 3m50 et elle avait été projetée avec une telle force qu’elle avait laissé une trace dans le bois.

Le 20 février, les manifestations devinrent plus violentes encore. Une autre statuette se fracassa contre le même bureau, puis une bouteille d’encre se débarrassa de son bouchon et s’élevant dans les airs, elle navigua dans la pièce, éclaboussant le sol et les murs, après quoi un bol de sucre se mit à léviter sous les yeux sidérés du détective Tozzi. Las de tous ces phénomènes, les Herrmann décidèrent d’aller passer la nuit chez un parent, laissant l’enquêteur seul dans la maison. Au cours des 24h qui suivirent, aucun incident ne survint mais le lendemain soir, quand ils regagnèrent leur domicile, le sucrier s’envola de la table et se brisa en tombant sur le plancher. Le 24 février, l’enquêteur se retrouva brusquement réveillé par un énorme bruit dans la chambre de Jimmy. Se précipitant dans la pièce, il s’aperçut que même si personne ne se trouvait à proximité, une grande bibliothèque était tombée sur le sol, face contre terre. Le lendemain soir, alors que le garçon faisait ses devoirs dans sa chambre, son tourne-disque se souleva mystérieusement, se déplaçant de 4m50 avant de retomber sur plancher. Peu de temps après, dans la chambre parentale, une petite statue de la Vierge vola sur plus de 3m50, frappant le cadre d’un miroir accroché au mur, puis une bibliothèque remplie d’encyclopédies fut bouleversée, et une lourde plaque de verre, qui recouvrait la table de la salle à manger, s’envola de son support, et se précipitant sur une armoire, elle fit sauter un peu de sa moulure avant de tomber sur le sol.

Le Tourne-Disque de Jimmy
Le Tourne-Disque de Jimmy

Au cours de la même journée, un globe terrestre surgit de la chambre de Jimmy, ratant de peu le détective Tozzi, et des flashs appartenant à John Gold, un photographe du London Evening News, décollèrent de la table où ils étaient posés et s’envolant dans les airs ils se précipitèrent sur un mur. A cette même période, Popper commença à taper contre les parois dans ce qui semblait être une tentative de communication, même si rien de cet ordre n’avait jamais été tenté.

Jusqu’à présent, les perturbations s’étaient limitées à des incidents anecdotiques, mais la nature des manifestations semblait changer, ce qui inquiétait l’enquêteur. Il avait exploré toutes les explications qui lui étaient venues à l’esprit et il ne savait plus quoi penser. De part son obsession pour l’eau bénite de la chambre parentale, certains soutenaient que les différentes manifestations étaient l’œuvre d’un fantôme, mais les chercheurs du laboratoire de parapsychologie de l’Université de Duke, en Caroline du Nord, qui s’intéressaient eux-aussi à l’affaire, avaient une hypothèse tout à fait différente. Ces scientifiques, qui travaillaient sous la direction du Dr JB Rhine, pensaient que certaines personnes, dans des circonstances appropriées, pouvaient influencer le comportement des objets sans les toucher. Ils avaient rassemblé de nombreuses preuves soutenant leur hypothèse, qu’ils appelaient la psychokinésie.

Comme le phénomène semblait s’intensifier, l’assistant du Dr Rhin, le Dr J. Gaither Pratt, vint visiter la famille Herrmann le 26 février, persuadé que l’un de ses membres se trouvait involontairement à l’origine des manifestations. Souvent, dans les cas de poltergeist, un adolescent vivait dans la maison, généralement une fille, aussi suspectaient-ils Jimmy, qui était présent lors de la plupart des incidents, quand il n’en était pas le seul témoin, d’en être inconsciemment responsable, le détective Tozzi l’ayant suffisamment observé pour pouvoir le disculper de toute action volontaire.

Le Dr Pratt
Dr Pratt

Le Dr Pratt passa beaucoup de temps en compagnie de Jimmy, bavardant avec lui, jouant aux cartes, ou l’aidant à faire ses devoirs. Étrangement, en sa présence, Popper ne se livra à aucune de ses facéties habituelles et la maison fut des plus calmes. Le Dr Pratt demanda alors à l’un de ses collègues, le Dr William G. Roll, de le rejoindre, et ensemble, ils interrogèrent les membres de la famille, tentant de déterminer si l’un d’eux n’était pas à l’origine d’une supercherie. Cependant, comme le soulignait un journaliste du Pratt united Press  » La famille était trop secouée pour que ce soit un colossal canular  » et bientôt les scientifiques en furent eux-aussi convaincus.

Au cours des jours qui suivirent, le poltergeist refusa de se montrer, comme indisposé par la présence des deux invités, puis brusquement le 2 mars, il décida de se manifester à nouveau. Au moment de son retour, tous les membres de la famille Herrmann se trouvaient dans la cuisine et ils assistèrent au spectacle. Tout d’abord, un plat s’envola de l’armoire à vaisselle et se brisa sur le sol puis une table de nuit se retourna dans la chambre de Jimmy. Deux jours plus tard, un bol de fleurs glissa vers le bord de la table de la salle à manger et sauta en l’air, et une bibliothèque se retourna complétement à la cave.

Le 10 mars, James Herrmann était parti en voyage d’affaires, sa femme et leurs deux enfants se préparaient à aller se coucher, quand soudain les Dr Pratt et Roll entendirent claquement dans la cave. Immédiatement, ils se précipitèrent au sous-sol, où ils constatèrent qu’une bouteille d’eau de javel, posée dans une boite en carton, avait fait sauter son bouchon de plastique. Ce fut la dernière manifestation de Popper. Entre le 3 février et le 10 mars, il y avait eu 67 incidents. La maison avait été visitée par des détectives, des inspecteurs en bâtiment, des électriciens, des plombiers, les pompiers, des parapsychologues, et la moitié des dingues de la Côte Est, mais aucun d’eux n’avait été en mesure de proposer une explication satisfaisante.

Dans les semaines qui suivirent, des experts continuèrent à enquêter, avançant diverses théories sans jamais rien prouver, puis les Herrmann déclarèrent qu’ils voulaient retrouver une vie normale. Maintenant que plus rien ne se produisait, ils se moquaient de connaitre la raison des troubles, et Mme Herrmann déclara aux journalistes:  » Je ne pense pas qu’il y ait une raison précise. C’était juste l’une de ces choses sans rime ni raison. Mais il y avait une certaine force physique derrière elle. « 

Personne ne parvint jamais à expliquer les phénomènes de la maison de Seaford, ni la nature du fameux Popper, et aujourd’hui encore, le phénomène reste un mystère.

Source: Troy Taylor.

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