Gustave Geley était né le 13 avril 1868 à Montceau-les-Mines, en France. Il avait suivi de brillantes études à la faculté de médecine de Lyon, d’où il était sorti lauréat, puis, après son internat, il s’était installé à Annecy où il avait exercé la profession de médecin jusqu’en 1918. Au cours de ses années d’exercice, le Dr Geley s’était construit une excellente réputation et il était devenu un médecin respecté non seulement à Annecy, mais dans toutes la région. Personne ne pensait qu’il abandonnerait un jour ce métier qu’il aimait tant, et pourtant…
Le Dr Gustave Geley était fasciné par le spiritisme, qu’il étudiait depuis plus de vingt ans, se montrant particulièrement intéressé par les phénomènes de lucidité, de somnambulisme et de prémonition. Depuis 1850, les plus grands esprits se penchaient sur cette science nouvelle, qui était également un véritable phénomène de mode, ce qui attirait de nombreux escrocs. Dans tous les salons du monde les tables tournaient et partout les faux médiums se donnaient en spectacle, faisant sortir de curieux ectoplasmes de tissu de leurs bouches sous les yeux d’une assistance sidérée.
De 1916 à 1918, le Dr Geley se livra à une série d’expériences avec Eva Carrière, une médium qui donnait des spectacles d’un gout pour le moins douteux, proposant à une centaine de savants de venir assister à l’une ou l’autre d’entre elles. Ses tests étaient si stricts qu’il en disait: » Je ne dirai pas simplement qu’il n’y a pas de fraude. Je dirai qu’il n’y a pas eu la possibilité d’une fraude. «
En 1918, il abandonna son cabinet de médecin et l’année suivante, il ouvrait avec le professeur Rocco Santoliquido et Jean Meyer, qui étaient animés par la même passion pour le spiritisme que lui, un laboratoire de recherches, l’Institut Métapsychique International, dans un hôtel particulier situé au 89 de l’avenue Niel, à Paris. A la demande de ses collègues, Gustave Geley prit alors la direction du centre, qui fut reconnu d’utilité publique.
A peine installé, le Dr Geley fit venir de Pologne Franek Kluski, un médium réputé, avec lequel il entreprit diverses expériences. Au cours de ces séances, se produisirent de nombreux phénomènes inexplicables qui fascinèrent le scientifique. Le médium avait le pouvoir de produire des matérialisations lumineuses qui présentaient une forme humaine, bougeaient, et possédaient une sorte de densité qui leur donnait de l’épaisseur et du relief. Comme il souhaitait apporter une preuve tangible et irréfutable de ces manifestations, le Dr Geley eut alors la brillante idée d’en réaliser des moulages et, pour contrer toute manœuvre frauduleuse, il mit en place de telles conditions que les résultats de ses expériences ne purent être mis en doute.
Du 8 novembre au 31 décembre 1920 Gustave Geley organisa à Paris 14 séances extraordinaires supervisées par les professeurs Ch. Richet, de Grammont, et par lui-même. Dans une pièce éclairée de quelques bougies, le médium s’asseyait sur une chaise puis il rentrait en transe. Un bac rempli d’une eau très chaude à la surface de laquelle flottait une couche de paraffine fondue était alors amené près de lui. Afin d’éviter toute substitution du produit initial le Dr Jeley rajoutait secrètement à la paraffine un colorant ou quelque substance qui pouvait aisément se retrouver dans le produit final, et durant l’expérience, les mains du médium étaient tenues en permanence par des contrôleurs, qui s’assuraient continuellement de la position de ses jambes et de ses pieds.
Lorsqu’une entité se manifestait, elle était invitée à plonger une main, un pied, ou une partie de son visage dans la paraffine. Se formait alors un moule, qui durcirait à l’air ou qui était refroidit dans un bac d’eau froide, puis l’entité se dématérialisait, abandonnant le moule aux expérimentateurs.
Selon le Dr Jeley: » Les moulages se formaient sur demande pendant la séance. L’opération commençait généralement après vingt minutes en moyenne, mais était rapidement conduite, une à deux minutes, parfois moins. L’opération, dont on suivait les phases par le bruit de brassage du liquide, se faisait en deux ou trois temps. La main agissante se plongeait dans le bassin, en sortait et venait avec les doigts imprégnés de paraffine chaud toucher les mains des contrôleurs, puis replongeait dans le bassin. Après quoi, le gant de paraffine encore chaud, mais déjà solide, était déposé généralement contre la main d’un des contrôleurs. «
Par la suite, il était demandé à des mouleurs professionnels de couler du plâtre dans le récipient ainsi formé, puis la paraffine qui l’entourait était généralement fondue en plongeant l’ensemble dans de l’eau chaude, laissant le membre de plâtre intact. Au cours de cette expérience, outre des apparitions, dont l’une d’entre elles fut formellement reconnue, les chercheurs parvinrent à obtenir huit moulages, parmi lesquels sept mains, un pied d’enfant, admirable de netteté dans ses contours, et un bas de visage sur lequel il était possible de distinguer les lèvres, une fossette et un menton barbu.
Étrangement, si les mains étaient formées comme des mains d’adultes, la plupart avaient la taille de celles d’un enfant de cinq à sept ans et les doigts étaient positionnés de telle manière qu’il aurait été impossible à qui que ce soit de sortir la main du moule sans le briser. Toutes ces preuves furent ensuite soumises pour analyse à M. Bayle, directeur de l’Identité Judiciaire à Paris et dans un rapport, M. Gabrielli et son fils, mouleurs experts, attestèrent de authenticité des moulages ainsi obtenus:
» Je soussigné, Charles Gabrielli, mouleur expert, 6, rue de Cheroy, certifie avoir expertisé des moules de paraffine remplis de plâtre qui m’avaient été confiés à cet effet par le Dr Geley, directeur de l’Institut Métapsychique international. Après un examen rapide dans le laboratoire du Docteur Geley, nous avons emporté ces pièces dans notre atelier pour une étude approfondie. Nous avons été immédiatement frappés par les trois remarques suivantes :
1° L’opération de coulage du plâtre dans les moules de paraffine révèle des fautes de technique qui prouvent objectivement, en dehors de toute autre considération, le manque de compétence de l’opérateur, en même temps que sa bonne foi. Par exemple, dans le document n°1, les extrémités des doigts sont restées pleines d’air, ce que l’on voit nettement par transparence. Le plâtre n’a donc pas pu atteindre ces extrémités. Cette défectuosité qu’un mouleur expérimenté eût très facilement évitée, est la preuve formelle que le plâtre a bien été coulé dans les moules et que la pièce n’est pas un moule de plâtre qui a été plongé dans de la paraffine fondue. Du reste, le plâtre n’a pas rempli entièrement les moules de paraffine. Sur les parcelles des gants de paraffine qui débordent des plâtres, on trouve l’impression des détails anatomiques dont nous parlerons plus loin.
Donc aucun doute possible sur la manière dont les documents soumis à notre examen ont été obtenus ; ce sont bien des moules de paraffine qui ont été remplis de plâtre.
2° La seconde remarque que nous avons faite est celle de la minceur extrême de la couche de paraffine constituant les moules. Les parois n’atteignent nulle part un millimètre. Elles ont la minceur d’une feuille de papier. Cette minceur est telle qu’on voit à travers la couche de paraffine, sur le plâtre sous-jacent, tous les détails anatomiques, plis de la peau, sillons, lignes, ongles.
3° La troisième remarque est celle de la finesse et de la vérité des détails anatomiques. On sent positivement la vie en dessous de ces moules étranges et décevants. Ce sont, de toute évidence, des mains vivantes qui ont servi à ces moulages. Nous retrouvons non seulement les détails anatomiques, mais aussi des traces de contractions musculaires explicables seulement par des mouvements volontaires. Il y a des froissements de la peau qui ne laissent aucun doute à ce sujet.
Après ce premier examen, nous avons procédé au démoulage en nous servant d’un jet de vapeur qui nous permit d’enlever la paraffine, écaille par écaille, sans altérer le plâtre sous-jacent. Nous retrouvâmes sur les plâtres les détails perçus à travers la couche de paraffine. De notre examen minutieux et prolongé, nous sommes à même de conclure :
Des moulages aussi parfaits, avec une telle finesse de détails, avec des indices de contractions musculaires actives et les plis de la peau, n’ont pu être obtenus que sur une main vivante. Ce sont des moulages de première opération, des originaux et non des surmoulages. Nous avons alors recherché comment il serait possible d’obtenir, par les procédés les plus divers, des moulages analogues à ceux que nous venions d’examiner. Nous avons étudié spécialement les deux procédés indiqués par le Dr Geley, dans la Revue Métapsychique, n° 5.
1° Le procédé du démoulage par section d’une partie des moules de paraffine et raccord, après sortie de la main opérante, n’a sûrement pas été employé dans les pièces que nous avons expertisées.
a) En effet, nous n’avons constaté ni traces de soudures, ni grattages, ni aucune des déformations inévitables avec ce procédé. Il n’y a pas de raccords dans les gants que nous a soumis le docteur Geley. Il y a çà et là des cassures ou des affaissements, par places, des gants, cassures et affaissements explicables par la fragilité extrême de ces gants, mais il n’y a rien qui ressemble à un raccord, qui puisse être confondu avec un raccord.
b) En tout état de cause, l’opération du démoulage d’une main vivante n’eût pas été réalisable avec des gants aussi minces. Ces gants se seraient infailliblement brisés à la moindre tendance de retrait. C’est ce dont chacun peut s’assurer facilement. La sortie d’une main vivante d’un moule de paraffine n’ayant qu’une épaisseur moindre d’un millimètre est une impossibilité.
c) Même avec des moules épais, le démoulage d’une main vivante de certaines des pièces que nous avons examinées, même après section à la base, eût été impossible; c’était le cas des pièces n° 1, 4, 5, 6.
2° L’autre procédé indiqué par le Dr Geley, dans la revue, consiste dans l’usage d’une main fusible et soluble (sucre, gélatine ou autre). Cette main serait plongée dans un bain de paraffine, puis dissoute dans un baquet d’eau froide, ce qui permettrait d’obtenir un moule de paraffine complet, sans raccord, et aussi mince qu’on le voudrait. Le procédé est fort ingénieux, mais, à notre avis, il n’a pas servi aux documents qui nous ont été soumis par le motif déjà exposé plus haut:
Un surmoulage ne saurait offrir la même finesse de détails qu’un moulage de première opération. Des traces délicates disparaissent inévitablement dans les surmoulages. Un artiste spécialiste ne confondra jamais un moulage de première opération avec un surmoulage. A notre avis, formel et sans réserve, les pièces que nous avons étudiées sont, nous le répétons, des moulages de mains vivantes.
Nous nous sommes demandés si l’usage de mains de cadavres eût pu, à la rigueur, être employé. Nous avons conclu par la négative. Les traces de contractions musculaires prouvent qu’il s’agissait de mains vivantes. Du reste, il y aurait eu impossibilité à sortir des mains de cadavres de moules tels que ceux-là, quel que fût l’artifice employé. Nous avons fait de nombreuses tentatives pour produire artificiellement, par les moyens les plus divers, des gants analogues à ceux qui nous avaient été soumis. Elles ont complètement échoué. Nous concluons qu’il nous est impossible de comprendre comment les moules de paraffine du Dr Geley ont été obtenus. C’est pour nous un mystère. «
Signé : Gabrielli Père et Fils.
En 1922 et en 1923, le Dr Geley organisa une série de démonstrations à l’Institut parisien, utilisant les plus sévères conditions de contrôle. Plusieurs personne de qualité, dont la plupart affichaient un complet scepticisme, furent invitées à assister à ces séances. Se trouvaient parmi eux des membres de l’Académie Française, de l’Académie des Sciences, de l’Académie de médecine, des docteurs en médecine, en droit, des écrivains, des ingénieurs, et des experts de la police. Après de longues investigations, ils affirmèrent leur croyance en l’authenticité des phénomènes observés et signèrent un rapport prudent mais catégorique, Le Manifeste des 34.
Malheureusement, le 15 juillet 1924, alors qu’il revenait de Varsovie où il avait assisté à quelques séances de matérialisations, Gustave Geley, 56 ans, périssait dans un accident d’avion. Quelques années plus tard, dans les années 1930, malgré les résultats encourageants de l’Institut métapsychique International et de diverses expériences et, le mouvement spirite était peu à peu délaissé, discrédité par les nombreux charlatans qui n’avaient de médiums que le nom.
Personne n’a jamais pu prouver qu’un quelconque procédé frauduleux avait été utilisé pour créer les moulages ectoplasmiques du Dr Geley. Un siècle plus tard, ces fascinantes mains de plâtre gardent toujours leur mystère. L’Institut Métapsychique International existe toujours. Sa devise est pleine de promesses: » Le Paranormal nous n’y croyons pas, nous l’étudions. «