Vers la fin du XIXe siècle, un vieux manoir se dressait à la périphérie de Perth, en Écosse. M. William Whittingen venait de l’acheter à un certain Tyler pour une somme ridiculement modeste. Les travaux allaient lui couter une petite fortune, mais il était plus que satisfait de son affaire. La maison datait du XVIIe siècle, elle était immense, imposante et bien située, et il n’aurait pas pu en trouver une autre semblable même en y mettant le double du prix. M. Whittingen aurait pu s’alarmer de cette trop belle occasion, et il l’aurait sûrement fait si M. Tyler ne lui avait expliqué, sous couvert de la confidence, que jamais il n’aurait bradé sa maison ainsi s’il ne s’y était trouvé obligé. Le malheureux avait un tel besoin qu’il avait demandé à être payé comptant pour pouvoir régler ses problèmes au plus vite, et M. Whittingen s’était empressé de le contenter. Il lui avait fait un petit chèque, et le manoir était devenu sien.
Au mois de juin de la même année, par une belle journée de printemps, M. et Mme Whittingen, leurs deux fils, Ernest et Harvey, et leurs trois filles, Ruth, Martha et Mary, s’installèrent dans leur nouvelle maison. William Whittingen et sa femme étaient tous deux cultivés, intelligents, bien éduqués, distingués, et ils possédaient cette qualité extrêmement utile et si caractéristique des écossais des basses-terres : la prudence. M. Whittingen avait, pendant des années, tenu une épicerie à Jedburgh, et il avait été élu maire à deux reprises. Son entreprise était si rentable qu’à sa retraite ses amis, et il en avait de nombreux, l’avaient gentiment taquiné sur ses poches « pleines à craquer. »
Sur les conseils de sa femme et de ses filles, qui rêvaient de distinction sociale, il avait envoyé Ernest à Oxford, à la condition qu’il rentre dans les ordres à la fin de ses études, tandis qu’Harvey, qui avait souvent travaillé à la boutique de son père et qui avait montré un grand esprit d’entreprise en lui subtilisant du sucre pour le revendre aux amies de ses sœurs, avait suivi des études dans une école privée. Il y était assez longtemps pour obtenir son diplôme d’avocat, puis il avait monté son propre cabinet, et il était prospère.
Ses trois filles, Ruth, Martha et Mary, avaient également reçu une solide instruction. Elles avaient passé des années dans un institut pour jeunes filles de bonne famille, puis elles étaient parties pendant douze mois en France et en Allemagne pour perfectionner leurs accents. Ces demoiselles étaient toujours célibataires, et si elles tiraient parfois les cartes pour leur demander des détails sur leurs futurs maris, elles le faisaient uniquement par jeu. En attendant le grand jour, elles profitaient de leur nouvelle maison, de ses magnifiques pelouses de tennis et de ses grandes pièces dorées, qui accueilleraient bientôt, elles en étaient sûres, toute la bonne société du Pethshire. Ruth avait proposé à son père de baptiser la propriété Donaldgowerie, un nom qu’elle avait trouvé dans un roman romantique qu’elle venait de lire, et à force d’insistance, il avait fini par céder.
En septembre, la famille eut la joie d’accueillir Ernest et sa jeune épouse. Le jeune homme n’avait pas, comme ses parents l’avaient espéré et prématurément annoncé dans toute la ville, épousé la fille d’un pair mais celle d’un riche drapier de Bristol, dont le fils avait été l’un de ses nombreux amis à Oxford. La venue des jeunes mariés fit souffler un vent de gaité sur la maison. De nombreux divertissements raffinés furent alors organisés, des diners, des concerts, des danses, des parties de tennis, des garden-parties, etc., et tous les notables du comté furent invités à y assister. Ce splendide étalage de richesse et d’hospitalité n’était pas désintéressé. M. et Mme Whittingen espéraient ainsi intégrer la bonne société et trouver de respectables prétendants à leurs filles.
Leurs plans se déroulaient à merveille mais un jour, à l’occasion d’une réception en plein air, un incident vint gâcher la fête. Un après-midi, après un jeu de croquet particulièrement animé, Martha, Mary et deux de leurs courtisans s’assirent autour d’une table pour boire une limonade et se rafraichir. Ils badinaient insouciamment quand le prétendant de Mary demanda à voir certaines photos d’elle qu’elle se vantait avoir prises. Rosissant de plaisir, la jeune fille s’enfuit aussitôt vers la maison avec un petit rire d’embarrassé et quelques minutes plus tard, comme elle ne revenait pas, Martha partit à sa recherche. L’album, elle le savait, se trouvait dans un boudoir, tout au bout d’un long couloir sombre du premier étage. Agacée par la nonchalance de sa sœur, elle se hâtait de remonter le corridor quand soudain, elle vit la silhouette d’un homme en kilt, avec une cornemuse sous le bras, sortir par la porte entrouverte du boudoir et avancer vers elle en glissant bizarrement sur le plancher.
La jeune fille en resta stupéfaite. Qui était cet homme ? Comment diable était-il arrivé là ? Que faisait-il dans la maison ? Puis, comme il se rapprochait, elle remarqua la teinte grisâtre de son visage livide et la lueur sinistre et menaçante de ses yeux, qui ne la quittaient pas du regard. Horrifiée, elle ouvrit la bouche pour crier, mais aucun son ne sortit de sa gorge et malgré ses efforts désespérés, ses pieds refusèrent de bouger. Alors l’homme arriva sur elle, et sans dévier de sa route, il glissa à travers elle. Martha se retourna machinalement et elle le vit disparaitre par la fenêtre entrouverte de l’escalier, qui se trouvait au-moins à six mètres au-dessus du sol. La jeune fille, qui ne savait que penser d’un aussi épouvantable spectacle, courut vers le boudoir mais quand elle pénétra dans la pièce, son cœur se figea. Mary était allongée sur le sol, les joues cendreuses, les lèvres bleues. Elle courut aussitôt vers la cloche, la secoua violemment, et quelques minutes plus tard, son père et la moitié des invités pénétraient dans le boudoir.
Mary reprit rapidement conscience puis tout le monde commença à la questionner et elle s’emporta, demandant d’une voix indignée pourquoi un homme aussi abominable que ce joueur de cornemuse avait été autorisé non seulement à rentrer dans la maison, mais également à venir dans sa chambre, l’effrayant presque mortellement.
« Je venais juste de prendre mon album quand sentant une présence dans la chambre, je me suis retournée. C’était le joueur de cornemuse, là, à trois mètres de moi, » expliqua-t-elle en désignant un point sur le sol. « Il avait, à mon avis, l’aspect le plus terrible que l’on puisse imaginer. J’ai été trop surprise pour dire quoi que ce soit et pour une inexplicable raison, je n’ai pas réussi à bouger avant qu’il ne me touche l’épaule d’une de ses mains glacées. Puis il a commencé à jouer. Il montait et descendait sur le sol, se promenait en arrière et en avant, fixant mon visage de son regard haineux et jouant sans cesse la même mélodie lugubre. Finalement, incapable de supporter plus longtemps la pression et convaincue d’avoir affaire à un fou venu ici pour me tuer, mais pourquoi un tueur agirait de cette manière, j’ai fait une violente crise de nerfs et je me suis évanouie. Maintenant, dites-moi qui il était et pourquoi il a été autorisé à me faire peur de cette manière ? »
Mary s’arrêta de parler et elle se mit à tambouriner le sol de ses pieds comme une enfant gâtée. Un long silence suivit son discours, qui l’exaspéra. Elle réitéra sa demande, les joues rouges de colère, et comme personne ne lui répondait, elle s’en prit au valet de pied. En entendant son histoire, M. Whittingen en était resté muet de surprise. L’idée qu’un mystérieux joueur de cornemuse avait eu la double effronterie d’entrer dans sa maison et dans le sanctuaire sacré de ses très respectables filles lui coupait le souffle. Il ne pouvait en croire ses oreilles.
— Qu’est-ce… Mais qu’est-ce que ça signifie ? balbutia enfin en regardant le malheureux valet de chambre. Un joueur de cornemuse ! Et sans aucune invitation de ma part. Comment avez-vous pu le laisser rentrer ?
— Je n’ai rien fait de tel, monsieur. Personne de semblable ne s’est présenté quand j’étais dans le hall.
— Et personne n’est venu quand j’y étais, renchérit le second valet de chambre.
Tous les domestiques secouèrent vigoureusement la tête en guise d’acquiescement, et regardant Mary avec un air de reproche, ils affirmèrent d’une même voix : « On n’a pas vu ni entendu de joueur de cornemuse, monsieur. » M. Whittingen se retrouva particulièrement embarrassé. Face à une telle unanimité, que pouvait-il dire… S’il accusait les domestiques de mentir, alors ils lui donneraient tous leur congé et les bons serviteurs étant rares, à Perth comme ailleurs. Alors il choisit la prudence.
— Tu es vraiment sûre d’avoir vu un joueur de cornemuse ? demanda-t-il à sa fille en se tournant vers elle.
— Certaine ! Pourquoi cette question ? Évidemment que je le suis ! Ne vous ai-je pas raconté comment il se promenait ici en jouant de sa dégoûtante cornemuse, brisant pratiquement le tambour de mes oreilles ?
— Je l’ai vu aussi, Pa, rajouta Martha. Je l’ai rencontré dans le couloir, il avait ses tuyaux sous le bras et une expression des plus terribles sur le visage. Je comprends que Mary ait eu peur.
— Mais où est-il allé ? demanda leur père d’une voix suppliante.
— Vous ne me croiriez pas si je vous le disais, affirma Martha en rougissant. Il a eu l’air de passer à travers moi, puis il a traversé la fenêtre de l’escalier et il a disparu. Je n’ai jamais été aussi bouleversée de ma vie.
Martha s’effondra alors sur le canapé en riant hystériquement et sa sœur s’empressa de lui amener un verre à vin de sels volatiles.
— Mon Dieu ! C’est très étrange, s’écria M. Whittingen. Elles ne peuvent avoir rêvé toutes les deux ! Il faudrait que l’homme ait été fantôme, mais de telles choses n’existent pas. Seuls les enfants et les nourrices croient en eux de nos jours. Dès que vous vous serez remises, mes enfants, nous retournerons dans le jardin et je pense que vu les circonstances, hem… Il serait préférable de rien dire à votre mère. Est-ce que vous me comprenez ? demanda-t-il en regardant les serviteurs avec insistance. Ne dites rien à votre maîtresse.
L’affaire se termina ainsi. Pendant quelques jours, plus rien ne vint troubler la paix de la famille mais une semaine après l’apparition du joueur de cornemuse, Mary fut victime d’un grave accident. Elle traversait le terrain de croquet en courant pour parler à sa belle-sœur quand elle trébucha sur un cerceau, que quelqu’un avait probablement laissé là par inadvertance. En tombant, elle se blessa aux vertèbres cervicales et un empoisonnement du sang s’en suivit. Quinze jours plus tard, elle était morte. Personne n’associa la mort de Mary au joueur de cornemuse, à l’exception de Martha. Elle avait été choquée par l’expression sinistre de ses yeux, qui semblaient promettre le pire, et elle le soupçonnait d’avoir, d’une manière ou d’une autre, provoqué l’accident qui avait coûté la vie à sa sœur.
Noël approchait quand un autre incident mystérieux vint à se produire. Un dimanche soir, alors que l’heure du thé venait juste de passer, toute la famille était assise près du feu et ils parlaient de la disparition de Mary, qui les avaient tous profondément affectés, quand ils entendirent le grondement lointain d’une lourde calèche sur la grande route. Peu à peu le bruit se rapprocha, puis il y eut un violent crissement de gravier devant la porte de la loge et le cocher se mit à pousser les chevaux sur le sentier.
— Quel fou pourrait ainsi entrainer son attelage à une telle vitesse ! Qui est-ce ? Sûrement pas un visiteur ! s’exclama M. Whittingen.
L’attelage s’arrêta devant la porte d’entrée, et pendant un moment le martèlement des sabots des chevaux fit bruyamment vibrer l’air de la nuit. Une ou plusieurs personnes parurent ensuite descendre de la calèche, et une série de coups résonna à la porte. M. et Mme Whittingen s’interrogèrent du regard, brusquement inquiets. Quelque chose dans les cognements, qu’ils n’auraient su expliquer, frappait leurs esprits de terreur et les glaçait d’effroi. Ils attendirent avec angoisse qu’un serviteur aille ouvrir la porte, mais aucun ne se déplaça. Les coups recommencèrent, un peu plus forts encore, puis les gongs de la porte grincèrent et des pas lourds commencèrent à se rapprocher lentement du salon, où ils se trouvaient réunis. Terrifiés, Mme Whittingen poussa un petit halètement étouffé, Ruth se mit à crier et Harvey enfouit son visage dans ses mains. M. Whittingen se leva puis il tenta de se diriger vers la cloche mais malgré ses efforts désespérés, ses jambes refusèrent de bouger. Au même moment, Martha se précipita vers la porte de la salle de dessin, puis elle la ferma à clef et d’un commun accord, tout le monde se mit à prier.
Les pas s’arrêtèrent devant la porte, qui s’ouvrit lentement, et les contours flous de silhouettes abominables apparurent sur le seuil. Elles portaient un objet grotesquement dessiné entre elles, que personne ne parvint à distinguer nettement, à l’exception de Ruth. Pendant quelques secondes, un silence sinistre flotta sur la maison, puis elle glissa de sa chaise, inconsciente, et elle s’effondra sur le sol dans un bruit sourd. Les silhouettes sombres firent solennellement demi-tour et elles repartirent vers la porte d’entrée, qui s’ouvrit violemment à leur approche et se referma dans un bruit de tempête, laissant s’engouffrer une rafale de vent glacé qui balaya le couloir comme un ouragan. En entendant l’attelage s’éloigner, M. et Mme M. Whittingen se précipitèrent vers leur fille, laquelle gisait toujours sur le sol, inconsciente.
Au début, l’eau fraiche et les sels volatiles ne semblèrent lui faire aucun effet, mais après un certain temps, elle commença lentement, très lentement, à reprendre conscience. A son réveil, elle demanda catégoriquement à ce qu’aucune allusion à cet incident ne soit jamais faite en sa présence. « Ils sont venus pour moi ! » leur expliqua-t-elle d’une voix si tourmentée que ses parents en frissonnèrent. « Je sais qu’ils sont venus pour moi. Ils ont tous regardé dans ma direction. Dieu me garde, je vais mourir comme Mary ! »
Ses parents et son frère ne comprirent pas un mot de ce qu’elle disait, mais elle semblait avoir vu les apparitions plus nettement que les autres, et ils cédèrent à ses prières sans lui poser de questions. Les domestiques furent interrogés, mais il s’avéra qu’ils n’avaient rien vu et ni entendu de spécial cette nuit-là. Quinze jours plus tard, Ruth eut une appendicite, qui dégénéra rapidement en péritonite, et elle mourut durant l’opération. M. et Mme Whittingen commencèrent alors à regretter d’être venus à la Donaldgowerie, mais comme ils ne voulaient pas effrayer les domestiques et les gens de ville, ils ne firent aucune allusion à la hantise.
Un an s’écoula sans autre catastrophe et ils commençaient à espérer que leurs horribles visiteurs les avaient définitivement abandonnés quand un drame se produisit. Ernest, son épouse et leur bébé étaient venus séjourner chez eux pour Pâques. L’enfant, un garçon, était gras et joufflu, l’image même de la santé et du bonheur. Mme Whittingen et Martha l’adoraient et elles rivalisaient d’attentions envers lui.
Un après-midi, alors que les domestiques prenaient leur thé, Martha se retrouva seule à l’étage avec son neveu. Son père était allé à Edinbourg pour consulter son avocat d’affaires et sa mère était partie se promener avec frère et sa belle-sœur. Le temps était magnifique. Martha, qui était une fille de la ville, n’appréciait guère la nature mais comme elle regardait par la fenêtre de la nurserie, elle admira un moment le coucher du soleil, qui noyait le ciel de rose et de pointes d’or. Une légère brise flottait à travers les pins, et leurs gémissements se mêlaient aux croassements discordant des corbeaux. Elle contemplait rêveusement le jardin quand soudain, l’atmosphère lui sembla changer. Quelque chose s’était subtilement glissé dans le bruit des arbres, dans le chant des oiseaux, dans le vent, dans les fleurs parfumées. Quelque chose de sombre, de foncièrement mauvais.
Au même moment, un léger bruit attira son attention et comme elle se retournait, Martha fut surprise de constater que la pièce se trouvait maintenant plongée dans l’obscurité. Avant, elle se raillait les fantômes, mais depuis les événements terribles de l’année précédente, elle en avait peur. Soudain, son regard s’arrêta sur la grande armoire qui trônait dans un coin de la pièce, et elle se raidit d’effroi. Une silhouette se dessinait sur la surface lisse du gros meuble. Elle avait toujours détesté les armoires, en particulier celles aux surfaces brillantes et aux curieux reflets. Elle parcourut rapidement la nurserie des yeux pour essayer de trouver l’origine de l’ombre, et brusquement elle comprit. La nurse avait laissé son châle sur le dos d’une chaise, et l’ensemble dessinait une silhouette presque humaine. La jeune fille se laissa alors retomber sur sa chaise et elle se mit à rire. Elle aurait continué longtemps, elle avait l’impression que le rire avait le pouvoir de chasser les fantômes, si quelque chose n’avait pas attiré son regard.
Un objet scintillait diaboliquement devant ses yeux. Fascinée, Martha se leva et elle se dirigea vers la lueur. En s’approchant, ses contours se firent plus précis et elle se remit à rire. L’infirmière avait laissé là ces ciseaux, qui brillaient d’une lueur hideuse. Elle les ramassa les sans savoir pourquoi, puis elle caressa les lames de son pouce et des pensées affreuses déferlèrent dans son esprit. Elle essaya de les chasser, mais elles revinrent rapidement. Il lui fallait couper… trancher la gorge du bébé, l’égorger. Elle eut un petit rire hystérique à l’idée. Soudain, quelque chose, qui ressemblait à un bras d’ombre, s’enroula autour de sa taille. Elle regarda craintivement autour d’elle, et elle rencontra les yeux malveillants et joyeux du sinistre joueur de cornemuse, qui pressait étroitement son corps contre le sien.
Martha lutta désespérément contre lui, comme si l’avenir de son âme était en jeu, mais ce fut en vain. Il semblait posséder chaque molécule de son corps de sa volonté. Il la poussa à avancer, centimètre après centimètre, et à s’approcher du berceau. Sa voix infernale lui murmurait des choses terribles. Elle se pencha sur le bébé, et elle commença à s’extasier. Quel adorable petit ange ! Si doux, si innocent ! Combien ils l’adoraient, combien il allait leur manquer, à sa mère, à son frère et à elle ! Le visage gris qui se tenait près d’elle eut alors un petit rire. Ses charmants petits orteils roses, ses mignonnes petites joues roses et sa gorge blanche, sa gorge divinement blanche, comme de la neige ! La jeune fille joua un moment avec les petits doigts dodus de l’enfant, puis elle jeta un regard furtif sur les ciseaux et un sourire se dessina sur son visage.
Une fois son ignoble tâche terminée, le joueur de cornemuse au visage gris dansa un menuet en l’honneur de Martha puis il lui joua un funèbre chant d’adieu et marchant lentement vers l’arrière, il disparut par la fenêtre, les yeux brillants de jubilation. La jeune fille se mit alors à hurler et elle continua pendant longtemps, attirant toutes personnes présentes dans la maison.
Malheureusement, personne ne pouvait plus rien pour elle. Son père et sa mère crurent en son histoire mais son frère, sa belle-sœur et tous les serviteurs attribuèrent son geste à de la jalousie et les autorités judiciaires à de la folie. Martha se retrouva immédiatement emmenée dans un asile d’aliénés pour criminels, où le souvenir de ses actes s’effaça peu à peu. M. Whittingen vendit la Donaldgowerie, qui fut alors rasée, et une nouvelle maison fut construite à la place.
Source : Scottish Ghost Stories by Elliott O’Donnell.