La Passion Dévorante de Gordon Truesdale

Phrénologue

En février 1880, à South Bend, dans l’Indiana, la tombe de Sarah Platts, une jeune femme qui était morte de consomption, l’ancien nom de la tuberculose, fut retrouvée perturbée et un examen révéla que la tête du cadavre avait disparu. Des recherches furent alors menées pour retrouver la tête manquante, qui conduisirent à la découverte d’une mâchoire humaine par Fred Auer, un agriculteur qui habitait près du cimetière du comté, à environ douze kilomètres de la ville, où le corps avait été enterré.

Comme seule la tête avait été dérobée, tous les regards se tournèrent vers Gordon Truesdale, un grand et beau gaillard aux larges épaules qui habitait une petite ferme dans les environs avec sa femme et ses quatre filles, dont l’aînée était âgée de huit ans. M. Truesdale avait reçu une certaine éducation mais il était réputé pour sa paresse et son apathie et il consacrait tout son temps libre à sa grande passion, la phrénologie, une théorie selon laquelle les bosses du crâne humain reflètent le caractère de son propriétaire. Son goût pour la phrénologie était bien connue des habitants de la région, il donnait des conférences sur le sujet dans les écoles environnantes, et souvent il leur parlait de son ultime ambition: posséder une grande collection de crânes. Le cimetière où avait été enterrée Sarah Platts se trouvait près de chez lui, et s’il fut soupçonné, personne n’osa l’accuser formellement d’avoir profané la tombe de la jeune fille.

Trois semaines plus tard, au mois de mars, M. Truesdale alla voir un médecin et il lui demanda innocemment s’il était possible de s’empoisonner en manipulant un cadavre. Le docteur répondit par l’affirmative à sa curieuse question, et s’il ne fit aucun commentaire, le phrénologue amateur en parut fort troublé. Le lendemain matin il commença à se plaindre et expliquant à sa femme que son nez lui faisait terriblement mal et qu’il faisait probablement de l’érysipèle, une infection de la peau d’origine bactérienne, il tenta d’y appliquer des cataplasmes de pain et de lait, sans aucun succès. Au cours des heures suivantes son visage se mit à enfler et en moins de trois jours sa tête avait doublé de volume. Elle n’avait maintenant plus rien d’humain. Horrifiée, Mme Truesdale fit alors appeler un médecin, contrariant fortement son mari qui ne voulait pas en entendre parler.

Le docteur découvrit un homme en grande souffrance. Ses paupières étaient horriblement tirées, ses gencives se rétractaient loin de ses dents et la peau de son nez était tellement tendue qu’elle paraissait pouvoir céder à tout instant, promettant de laisser s’écouler la substance purulente qui se devinait juste en dessous. Ses globes oculaires étaient abominablement gonflés, ils semblaient sur le point d’être éjectés de leurs orbites, et comme ils s’étaient retournés sous l’effet de la douleur, seul le blanc en était visible.

Après un examen minutieux, le médecin en conclut qu’un terrible poison imprégnait lentement mais sûrement l’ensemble du système nerveux du malheureux. Prenant son scalpel, il lui ouvrit la peau depuis le centre de son nez jusqu’à la racine de ses cheveux, puis il fit une autre incision sur son front, qui allait d’une tempe à l’autre, et une masse répugnante se mit à suinter. L’odeur était si terrible que toutes les personnes qui assistaient à cet épouvantable spectacle, sauf une, sortirent de la maison en courant.

D’une main sûre, il lui lacéra ensuite le cuir chevelu, lequel avait été préalablement rasé, en divers endroits, et la même immonde substance se mit à couler sans discontinuer. Il continua ainsi jusqu’à de que la tête et le visage supposé de son patient, il ne l’avait jamais vu auparavant, aient approximativement retrouvés leur aspect habituel puis il tenta de nettoyer les plaies en y injectant de l’eau mais d’une abominable manière, quand il voulut remplir la grande incision du front, le liquide ressortit aussitôt par des trous du cuir chevelu. D’après l’un des témoins:  » Il semblait que toute la chair entre la peau et l’os avait été corrompue et qu’elle s’était désagrégée.  »

Quand il apprit qu’il ne s’en sortirait pas, M. Truesdale demanda à voir sa femme et il lui avoua avoir profané la tombe de la jeune Sarah Platts. Il lui raconta qu’une nuit, celle où il avait refusé de lui dire où il allait, il avait creusé à la tête la tombe, puis il avait brisé le cercueil et prenant son couteau, il avait découpé toute la chair autour du cou du cadavre, jusqu’à l’os. Ceci étant fait, il avait placé l’un de ses pieds sur sa poitrine, et prenant sa tête dans ses mains, il l’avait tirée et tordue de toutes ses forces, jusqu’à ce qu’elle cède. Comme il n’avait pas besoin de la mâchoire inférieure il l’avait tout simplement arrachée et il l’avait jetée au loin, là où Fred Auer l’avait trouvée. Il termina sa confession en lui disant que le crâne pouvait être trouvé sous la paille d’une certaine mangeoire dans l’étable. Les restes de la jeune fille furent retrouvés où il l’avait dit et rendus à sa famille.

Les trois derniers jours de Gordon Truesdale furent terribles, autant pour lui que pour ceux qui le vinrent le visiter. Le poison de quelque cadavre, il avait avoué une seule profanation mais tout le monde pensait qu’il s’était livré à plusieurs récemment, était vraisemblablement rentré dans son nez et circulant à travers ses veines, il s’était répandu dans tout son organisme. Son apparence était terriblement choquante, et la chaleur et l’odeur de son souffle étaient si incommodants que personne ne pouvait rester près de lui très longtemps. Les hommes qui le veillaient étaient obligés de porter des gants car il était impossible à ceux qui l’approchaient sans protection d’enlever l’odeur de leurs mains. A un certain moment, un homme voulut rapprocher sa main de la bouche du malheureux pour voir s’il respirait encore mais poussant un cri de surprise il la retira aussitôt, prétendant que son souffle était si toxique qu’il avait piqué sa peau comme des centaines d’orties. Au moment de sa mort, ses yeux étaient tellement putréfiés qu’il en était devenu aveugle et sa chair était si corrompue qu’il semblait qu’elle allait tomber de ses os au moindre mouvement.

Un cercueil l’attendait depuis deux jours, le médecin avait donné l’ordre d’y placer le corps et de l’enterrer sans attendre, mais aucun des hommes n’eut la témérité de le toucher de peur d’être empoisonnés à leur tour. Après une brève concertation, ils attrapèrent prudemment les coins du drap de leurs mains gantées, puis ils le soulevèrent et le transportèrent ainsi. Le cercueil fut rapidement vissé mais avant que le charriot ne puisse l’emporter le cadavre se mit à gonfler, faisant sauter le couvercle. Les deux parties du cercueil furent solidement attachées ensemble puis la voiture prit le chemin du cimetière mais malgré cette précaution le couvercle se retrouva une nouvelle fois projeté au loin, révélant le corps démesurément enflé du défunt. La puanteur fétide de la masse putride était telle que personne ne put s’en approcher et le cadavre continua à gonfler sous le regard de l’assistance horrifiée. Finalement, une bâche fut jetée sur le cercueil, qui mit un terme à ce sinistre spectacle, et le cortège put repartir.

Le lendemain de l’enterrement, ou plutôt de l’enfouissement tant l’affaire avait été expédiée rapidement, Mme Truesdale, qui s’était réfugiée chez un voisin, mit au monde une fille pour la cinquième fois. La maison de la famille Truesdale, qui avait gardé l’odeur de la putréfaction, resta inoccupée pendant des années et toutes les tentatives pour la fumiger se révélèrent inefficaces. D’une inexplicable manière, ses portes et ses fenêtres étaient laissées ouvertes jour et nuit mais l’odeur restait toujours aussi forte. Un témoin rapporta:  » Il semble toujours que vous pourriez couper l’air de cette maison avec un couteau.  »

Personne ne sut jamais de quoi était mort Gordon Truesdale. Certains supposèrent qu’il avait attrapé quelque maladie mystérieuse en se livrant à ses sombres activités, d’autres qu’il avait été victime de la vengeance de ceux dont il avait troublé le repos, mais finalement la raison leur importait peu car ils s’accordaient tous un point: son châtiment était amplement mérité. Que cette cruelle histoire serve d’avertissement aux profanateurs de sépultures éventuels… et aux phrénologues amateurs.

Source: Andersonville Intelligencer du 22 April 1880.

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