Les Sorcières de Pendle Hill

Pendle Hill

Dans l’est du Lancashire, en Angleterre, se trouve une colline isolée qui a donné son nom à une région, la colline de Pendle. Célèbre pour ses sorcières, la colline de Pendle serait toujours hantée par leurs esprits et parfois, à la nuit tombée, leurs doigts glacés se glisseraient autour du cou des voyageurs, les serrant jusqu’à ce qu’ils en étouffent.

Les Sorcières de Pendle

Anne Whittle et sa fille
Anne Whittle et sa fille

L’histoire des sorcières de Pendle est particulièrement bien documentée et elle est parvenue jusqu’à nous grâce à Thomas Pott, greffier de la cour, qui en 1613 réunit tous les faits en sa possession dans un livre, Discovery of Witches, A la Découverte des Sorcières.

Au début du XVIIe siècle, les autorités considéraient Pendle Hill comme un endroit sauvage où régnaient l’anarchie et le non-droit. Ses habitants allaient à la messe mais ils suivaient les doctrines de l’église sans vraiment les comprendre et tous croyaient en la puissance de la magie. A cette époque, les sorcières étaient légion dans le Lancashire et une multitude de signes attestaient de leur présence. Les bêtes et les hommes se languissaient sous leurs charmes, parfois même ils en mouraient, la levure refusait de fermenter, le beurre de se faire, et de mystérieuses maladies, que rien ne pouvait expliquer sauf la malfaisance d’une sorcière, ravageaient les familles. Parfois, de terribles illusions apparaissaient, qui attaquaient indifféremment l’illettré et le savant, des tempêtes se levaient en mer, faisant s’échouer les navires, et des sorcières passaient en volant au-dessus des champs pour les saupoudrer de leur salive ou de distillations de leur chassie, ce qui ruinait immanquablement les cultures.

Comme toutes les sorcières, celles du Lancashire aimaient à se rassembler et quand elles se retrouvaient à la Tour Malkin, qui était le lieu de rendez-vous de certaines d’entre elles, alors des pluies torrentielles s’abattaient sur la région, qui provoquaient des inondations et faisaient déborder le fleuve Ribble. D’une curieuse manière, si ces sorcières possédaient de terrifiants pouvoirs, souvent elles étaient de vieilles femmes fluettes dont le souffle parvenait tout juste à refroidir leur potage.

A Pendle Hill, deux grandes familles de sorcières étaient rivales, les Demdike et les Chattox, qui soignaient parfois les habitants et se vengeaient d’eux à l’occasion. Deux vieilles femmes, veuves et quasiment aveugles, se trouvaient à leur tête, qui se détestaient ouvertement et se jalousaient mortellement. Elizabeth Southerns, surnommée la Vieille Demdike, était âgée d’au moins quatre-vingt ans et elle exerçait la sorcellerie depuis plus d’un demi-siècle. Elle habitait dans la grande forêt de Pendle avec sa fille Elizabeth Device, et ses petits-enfants, James, Alizon et Jennet, mais personne ne savait vraiment ce qu’ils y faisaient. De l’avis de tous, Elizabeth était l’envoyée du Diable et nul ne pouvait échapper à sa vengeance s’il s’était montré assez fou pour l’offenser. En fait, les hommes la craignaient tellement qu’aucun habitant de la région ne se serait risqué à l’approcher volontairement.

Ann Whittle, que certains appelaient familièrement la Mère Chattox, semblait plus vieille encore et elle habitait dans la forêt de Pendle en compagnie de sa fille, Anne Redferne, et de sorcières aussi mauvaises et dangereuses qu’elle. Curieusement, cette terrible assemblée vivait du commerce de la laine, un travail qu’Ann connaissait bien pour avoir été cardeuse durant sa jeunesse. Une rumeur la prétendait issue d’une longue lignée de sorcières et si quelqu’un venait à la contrarier, alors ses jours étaient comptés. Souvent elle marchait sur les chemins, remuant sans cesse les lèvres, mais d’une inquiète manière, personne ne parvenait jamais à la comprendre.

Le 18 mars 1612, sur la route qui menait à la forêt de Trawden, Alizon Device, la petite-fille d’Elizabeth Southerns, rencontra John Law, un colporteur d’Halifax, et s’approchant de lui elle exigea qu’il lui vende des épingles. Le marchand, un homme robuste, lui répondit qu’il n’avait pas envie de perdre son temps à déballer ses affaires pour une broutille pareille et lui tournant le dos il s’éloigna sur le chemin. Un chien noir apparut alors, le familier de la jeune fille, qui lui demanda en esprit:  » Que veux-tu que je fasse à cet homme?  » Alizon réfléchit un moment, ne sachant que répondre, et la voyant ainsi hésitante le chien noir proposa de le rendre boiteux, ce qu’elle lui ordonna de faire. Alors brusquement le colporteur s’effondra sur le sol et se redressant péniblement, il reprit sa route en boitant. De retour chez lui, le malheureux marchand accusa la sorcière d’être responsable de son état et comme il ne s’en remettait pas, quelques jours plus tard son fils, Abraham Law, décida d’aller trouver Alizon pour lui demander de l’accompagner au chevet de son père, qui ne pouvait plus bouger ses jambes. Une fois près de son lit, la jeune fille avoua lui avoir jeté un sort puis elle le supplia de lui pardonner, mais apparemment ses regrets n’attendrirent en rien les deux hommes car peu de temps après le fils du colporteur décida de porter l’affaire devant les tribunaux.

Le 30 mars 1612, Alizon Device, sa mère Elizabeth et son frère James furent appelés à la barre par Robert Nowell, le juge de Pendle, un homme modéré qui avait toujours refusé de se livrer à la chasse aux dissidents religieux. Quant le juge lui demanda si elle avait vendu son âme au diable, Alizon lui expliqua que deux ans auparavant, comme elle allait mendier en compagnie de sa grand-mère, Elizabeth Southerns, cette dernière lui avait conseillé de laisser un démon ou un familier lui apparaitre, lui expliquant qu’il lui sucerait un peu de son sang mais qu’ensuite elle pourrait obtenir tout ce qu’elle voudrait. Quelques jours plus tard, alors qu’elle traversait le petit village de Roughlee, lui était apparu quelque chose de semblable à un chien noir qui s’était adressé à elle, lui disant que si elle lui donnait son âme, alors il lui offrirait les plus grands des pouvoirs. Séduite par ses paroles, la jeune fille s’était assise sur le chemin et la maléfique créature lui avait sucé le sein,  » juste en-dessous des mamelles,  » lui laissant un bleu qui était resté visible pendant un an.

Interrogé sur sa rencontre avec John Law, Alizon reconnut lui avoir jeté un sort puis le juge lui parla des Chattox et voyant là une opportunité de venger sa famille, la jeune fille accusa Ann Whittle d’avoir tué cinq hommes en usant de sorcellerie, dont son propre père, John Device, qu’elle effrayait tellement que chaque année il lui livrait un certain nombre de kilos d’avoine pour qu’elle épargne sa famille. En 1600, il n’avait rien donné et l’année suivante, il était mort. Alors qu’il agonisait sur son lit, le pauvre homme avait clairement désigné Ann Whittle comme responsable de ses tourments, expliquant qu’elle l’avait ensorcelé à mort car il n’avait pas payé pour sa protection.

Le juge Nowell fit ensuite venir le frère d’Alizon, James, un pauvre garçon faible d’esprit et infirme, qui révéla que sa sœur avait ensorcelé un jeune enfant, celui d’Henry Bullcock, mais ne voulut rien dire de plus. Leur mère, Elizabeth Device, se montra moins loquace encore, admettant seulement, et avec réticence, que sa propre mère avait une trace sur le corps que certains avaient vue et qu’ils considéraient comme la marque du diable.

Le 2 avril 1612, Elizabeth Southerns, Ann Whittle et sa fille, Anne Redferne, furent appelées à comparaitre et les deux vieilles femmes firent de terribles déclarations. S’inquiétant des rumeurs qui couraient à son encontre, le juge demanda à Elizabeth si elle avait passé un pacte avec le Diable, et la vieille femme lui répondit que vingt ans auparavant, alors qu’elle revenait de la maison de la mendicité, un démon lui était apparu sous la forme d’un garçon au manteau noir et marron. La maléfique créature, qui s’appelait Tib, lui avait promis mille merveilles en échange de son âme et espérant quelque gain, la pauvresse avait consenti à la lui donner. Pendant des années, elle n’avait rien demandé à son mauvais esprit mais un dimanche matin, alors qu’elle somnolait, le démon lui était apparu sous la forme d’un chien brun et sautant sur ses genoux, il avait commencé à lui sucer le sang sous son bras gauche. Épouvantée, la malheureuse s’était alors écrié  » Jésus! Sauve-moi!  » et brusquement, la créature avait disparu. Elle en était restée terrifiée pendant les huit semaines suivantes.

Elizabeth raconta également qu’à une autre occasion, elle s’était faite menée, étant aveugle, à la maison de Richard Baldwin, pour demander le paiement de différentes tâches que sa fille avait effectuées à son moulin mais que l’homme l’avait obligée à sortir de chez lui, les traitant, sa fille et elle, de  » putes et de sorcières,  » et promettant d’en brûler une et de pendre l’autre. Alors Tib était apparu, ils s’étaient concertés pour la façon de se venger de l’odieux personnage, et peu de temps après, l’un de ses enfants était mort. La vieille femme reconnut ensuite avoir persuadé sa fille de vendre son âme au diable, laquelle avait ensuite initié sa propre fille aux subtilités des arts infernaux.

Questionnée à son tour, Ann Whittle avoua que quatorze ans plus tôt, Elizabeth Southerns l’avait séduite, la poussant à embrasser cette abominable et diabolique profession de sorcier. Peu de temps après, alors qu’elle se trouvait à la Tour Malkin, un diable lui était apparu sous la forme d’un homme qui lui avait proposé de devenir son sujet. Au début, elle s’était rebellée mais influencée par les mots mensongers d’Elizabeth et la promesse qu’elle ne manquerait de rien et qu’elle pourrait se venger de qui elle voudrait, Ann avait fini par céder. Afin de sceller le pacte, elle avait du accepter que le démon lui suce une partie de son corps, ce qui lui avait laissé une marque sur ses côtes droites, puis il lui avait demandé de l’appeler Fancy. Quelques temps plus tard, son diable s’était montré, lui proposant de nuire à l’épouse de Richard Baldwin, mais elle s’y était opposée et dépité, le démon l’avait mordu au bras avant de disparaitre.

La vieille femme expliqua qu’un jour, Robert Nutter était venue la voir, qui désirait l’une de ses filles  » afin d’en tirer du plaisir,  » ce qu’elle lui avait refusé. L’homme, qui était alors dans une grande colère, avait pris son cheval et s’en était allé, jurant que plus jamais elle ne remettrait un pied sur ses terres. Ann avait alors appelé Fancy, qui était venu à elle sous la forme d’un homme, elle lui avait expliqué vouloir se venger de Robert Nutter, et trois mois plus tard, l’homme était mort. Par la suite, son diable lui était apparu sous différentes formes, dont celle d’un ours et d’un homme à pieds fourchus, et il l’avait aidée à commettre un nombre effroyable de malfaisances, maudissant des vaches, charmant des chevaux et faisant mourir des hommes. Avant de quitter la barre, Ann accusa Elizabeth Southerns d’avoir ensorcelé plusieurs personnes et de les avoir tuées, donnant le noms de ses victimes et la manière dont elle s’y était prise.

Anne Redferne, la fille d’Ann Whittle, refusa de parler mais Elizabeth Southerns rapporta l’avoir vue façonner des statuettes d’argile et Margaret Crooke, un autre témoin, affirma que son frère était tombé malade peu de temps après avoir eu un différent avec elle. Avant de mourir, le malheureux l’avait accusée à plusieurs reprises d’être responsable de son état.

Après avoir entendu ces témoignages accablants, le juge Nowell condamna Elizabeth Southerns, Alizon Device, Ann Whittle et Anne Redferne à être emprisonnées dans les geôles du Château de Lancaster en l’attendant de leur procès pour maléficium. Comme elle ne pouvait rester sans rien faire, Elizabeth Device lança une grande convocation, invitant sa famille et ses amis à la rejoindre à la Tour Malkin le jour du Vendredi Saint. Le 6 avril 1612 à minuit, dix-sept sorcières et trois sorciers se réunirent et après avoir mangé le mouton que James Demlike avait volé à certains voisins, ils concentrèrent leurs pouvoirs vers le Château de Lancaster, tentant de faire mourir M. M’Covel, le directeur de la prison, et de faire sauter le haut du bâtiment afin de permettre à leurs sœurs emprisonnées de s’évader. Ceci étant fait, les membres de la terrible assemblée baptisèrent le nouveau familier d’Alizon puis ils s’efforcèrent d’ensorceler à mort M. Lister, un gentilhomme de Westby-in-Craven, dans le Yorkshire. Une fois leurs sinistres tâches achevées, les sorciers sortirent de la grange où s’était tenue la réunion et en arrivant à la porte, chacun monta sur son esprit familier, qui leur apparut sous la forme d’un jeune cheval et les emporta dans les ténèbres.

Ayant entendu dire qu’une réunion de sorcières s’était tenue à la Tour Malkin, les juges de paix Roger Nowell et Nicholas Bannister décidèrent de mener une enquête et le 27 avril, James Device leur fit des aveux complets. Le jeune garçon leur expliqua que deux ans plus tôt, sa grand-mère, Elizabeth Southerns, lui avait demandé d’aller à l’église pour recevoir la communion mais de ne pas manger le pain que le prêtre lui donnerait et de le confier à celui qu’il rencontrerait en retournant chez lui. Durant la messe, le jeune garçon n’avait pas jugé judicieux de suivre ce conseil mais en sortant de l’église un homme lui avait demandé le pain et apprenant que James ne lui avait rien apporté, il était rentré dans une rage folle, allant même jusqu’à le menacer. Terrifié, le garçon s’était rapidement signé et le mystérieux inconnu avait brusquement disparu.

Peu de temps après, alors qu’il se trouvait près de Newchurch, quelque chose qui ressemblait à un chien brun était apparu devant lui, qui lui avait demandé de lui donner son âme, lui promettant de l’aider à se venger de tous ceux qu’il voudrait. James, qui était satisfait de son sort, lui avait d’abord répondu que son âme n’était pas à vendre, puis, comme certains lui avaient causé du tort, il avait fini par céder. Sur les conseils de son familier, qui s’appelait Dandy, le garçon avait confectionné une image d’argile de Mme Towneley, qui l’avait traité de voleur, puis il l’avait détruite et la femme était morte. Quinze jours plus tard, James s’était souvenu de John Duckworth, qui refusait de lui donner la vieille chemise qu’il lui avait promise l’année précédente, et il avait demandé à son familier de le tuer. L’homme avait été enterré la semaine suivante.

Interrogé sur la Tour Malkin, le garçon rapporta que des pleurs, des cris et des supplications d’enfants s’en élevaient parfois et qu’une étrange créature, qui ressemblait à un lièvre et qui crachait du feu, rôdait dans la région. Décrivant les méfaits de chacune, James accusa sa sœur, sa mère et les femmes de la famille Chattox de se livrer à la sorcellerie. Il raconta que douze ans plus tôt Ann Whittle avait volé les crânes de trois personnes qui venaient d’être enterrées à Newchurch et qu’elle avait prélevé quatre dents de chaque tête. Elle en avait ensuite donné quatre à sa grand-mère, qui les avait montrées à James, mais ce qu’elle avait fait des autres, Dieu seul le savait. Quand les juges le questionnèrent sur la réunion du Vendredi Saint, le jeune garçon donna le nom des participants puis il décrivit leurs activités et le déroulement de la soirée. Suite à ces épouvantables aveux, Elizabeth Device, son fils James, Jennet et Christopher Hargraves, fils d’Elizabeth Demdike, Christopher et Elizabeth Howgate, Anne Crunckshey, Grace Hay, Alice Nutter, Katherine Hewitt, John et Jane Bulcock et Alice Gray furent accusés de sorcellerie et emprisonnés dans les geôles du Château de Lancaster. Jennet Preston, qui habitait le Yorkshire, fut envoyée à York.

Le Procès des Sorcières

Le Procès des Sorcières de Pendle
Le Procès des Sorcières de Pendle

Le 27 juillet 1612, Jennet Preston, qui vivait à Gisburn, dans le Yorkshire, fut appelée à comparaitre devant Sir Jamais Altham et Sir Edward Bromley, qui présidaient les assises de York. L’année précédente, Jennet avait déjà été entendue pour infanticide et sorcellerie et cette fois elle était accusée d’avoir assassiné Thomas Lister en usant de magie diabolique, ce qu’elle réfutait vigoureusement. Malheureusement, elle avait été emmenée voir sa présumée victime et à peine avait-elle touché son corps qu’il s’était mis à saigner devant toute l’assistance. Alors, comme les juges savaient avec certitude qu’elle avait participé à la réunion de la Tour Malkin et qu’elle y avait demandé de l’aide pour assassiner Thomas Lister, Jennet Preston fut condamnée à être pendue.

Le 18 août 1612 s’ouvrit un grand procès pour sorcellerie qui regroupait les sorcières de Pendle, celles de Salesbury, accusées d’infanticide et de cannibalisme, Margaret Pearson, la Sorcière de Padiham, qui se retrouvait devant la Cour pour la troisième fois et qui était soupçonnée d’avoir tué un cheval, et Isobel Robey de Merseyside, qui avait prétendument jeté quelque sortilège pour causer la maladie. Elizabeth Southerns était absente du banc des accusées car l’humidité de sa cellule avait eu raison d’elle avant l’ouverture du procès.

La première personne traduite devant Sir Edward Bromley, qui présidait à la cour, fut Ann Whittle, la Vieille Chattox, qui était accusée d’avoir exercé des arts mauvais et diaboliques, d’avoir appelé des enchantements, des sortilèges et des charmes sur Robert Nutter, de Greenhead, et de l’avoir traîtreusement tué par la force de sa magie. Après avoir lu les aveux qu’elle avait faits au juge Nowell, il apparut qu’en raison d’une insulte faite à sa fille, Anne Redferne, les deux femmes avaient conspiré pour lancer un mauvais sort à Robert Nutter, dont il était mort, que John Device avait été terrassé après avoir cessé de lui verser un tribu, qu’elle avait ensorcelé la boisson de John Moore, ce qui l’avait tué, et qu’elle avait mystérieusement produit une bonne quantité de beurre d’un plat de lait écrémé! Devant une telle abondance de preuves, Ann Whittle ne s’inquiéta plus pour sa vie mais elle pria humblement les juges de se montrer miséricordieux envers sa fille. Malheureusement, ses prières furent vaines.

Elizabeth Device, qui était accusée des meurtres de James Robinson et de d’Henry Mitton, fut ensuite appelée à comparaitre. Thomas Potts, le greffier de la cour, en fit une description épouvantable, rapportant que les yeux de cette odieuse sorcière n’étaient pas alignés, que l’un regardait vers le bas et l’autre vers le haut, déformant si terriblement son visage que ceux qui étaient rassemblés là affirmèrent qu’ils n’avaient jamais rien vu de semblable. Le principal témoin à charge était sa propre fille Jennet, une enfant de neuf ans dont le témoignage, au lieu de remplir la cour d’effroi, fut l’objet d’applaudissements et d’admiration.

Quand Jennet se leva pour détailler les accusations qu’elle portait contre sa mère, Elizabeth se mit à crier, maudissant sa fille, ce qui obligea les juges à la faire sortir de la salle d’audience. Debout sur une table, afin que tous puissent la voir, la fillette rapporta que sa mère lui avait appris les arts sombres et que grâce à son familier, qui apparaissait sous la forme d’un chien noir et qui s’appelait Ball, elle avait réussi à envouter à mort un certain nombre de personnes, parmi lesquelles John Robinson, James Robinson et James Mitton, le premier parce qu’il avait traitée de putain et le dernier parce qu’il avait refusé de donner un sou à sa grand-mère quand elle lui avait demandé l’aumône. Son frère James témoigna également contre sa mère, rapportant l’avoir vue sculpter une figurine en argile de l’une de ses victimes, John Robinson, avant de l’émietter. Alors, devant tant d’évidences, Elizabeth Device fut condamnée à être pendue.

James Device fut ensuite appelé, mais il était si chétif et si faible qu’il fallut le soutenir. Le garçon était accusé des meurtres d’Anne Towneley et de John Duckworth et il plaidait non coupable, mais sa sœur Jennet déclara l’avoir vu invoquer et comploter avec son familier, un chien noir du nom de Dandy, elle rajouta qu’à une occasion, elle l’avait observé alors qu’il ensorcelait une figurine représentant Mme Anne Towneley afin de la tuer, et son témoignage causa la perte du garçon.

Le 18 août 1612, se tint le procès des sorcières de Salmesbury, qui étaient accusées d’une multitude de méfaits par Grace Sowerbutts, une vagabonde aux mœurs douteuses qui affirmait sans pouvoir le prouver que Jane Bierley, Ellen Bierley et sa propre grand-mère, Jane Southworth, lui tiraient les cheveux durant son sommeil, se montrant sous leur propre forme ou sous celle d’un grand chien noir. La jeune femme expliqua que les trois femmes l’avaient obligée à rejoindre leur assemblée maléfique, et que quatre choses noires, qui ressemblaient à des hommes sans visage, s’y montraient parfois, dansant avec elles, leur faisant traverser la rivière, etc… Elle accusa également les sorcières d’avoir envouté et tué l’enfant de Thomas Walshams en plaçant un clou dans son nombril puis d’avoir déterré son cadavre pour en manger sa chair et fabriquer une horrible pommade de ses os bouillis. Après avoir écouté cette surprenante histoire, l’incrédulité du juge et des membres du jury fut telle que toutes les sorcières de Samlesbury furent acquittées.

En fin d’après-midi, Anne Redferne fut entendue pour le meurtre de Robert Nutter mais les preuves contre elle ayant été jugées insuffisantes, elle en fut innocentée. Le lendemain, elle dut répondre du meurtre du père de Robert Nutter, Christopher. La déposition qu’Elizabeth Demdike avait faite au juge Nowell, qui accusait Anne d’avoir modelé des figurines d’argile de la famille Nutter, fut lue à la cour puis différents témoins furent appelés à la barre, qui affirmèrent que l’accusée était une sorcière plus dangereuse encore que sa mère, et Anne fut condamnée.

Jane Bulcock et son fils John, qui étaient accusés du meurtre de Jennet Deane, nièrent avoir participé à la réunion de la Tour Malkin mais Jennet Device vint les contredire, affirmant que Jane s’y trouvait et que son fils avait fait tourner la broche pour cuire le mouton volé, et ils furent tous les deux reconnus coupables de meurtre par sorcellerie.

De part son apparente richesse, une femme se différenciait des autres, qui s’appelait Alice Nutter. Elle fit aucune déclaration, ni avant le procès ni pendant, mais accusée d’avoir aidée Elizabeth Southerns et sa fille à assassiner Henry Mitton, elle clama son innocence. Deux témoins s’opposaient à elle, James, qui prétendit avoir entendu sa grand-mère la citer en parlant du meurtre, et sa sœur Jennet qui affirma l’avoir vue à la réunion de la Tour Malkin. Ces deux déclarations suffirent à la perdre.

Katherine Hewitt et Alice Grey avaient toutes les deux participé à la réunion de la Tour Malkin et elles s’y étaient vantée avoir tué une enfant du village de Colne, Anne Foulds. James et Jennet témoignèrent de leur présence et rapportèrent leurs propos mais pour une obscure raison si Katherine Hewitt fut déclarée coupable, Alice Grey put repartir librement.

Alizon Device, dont la mésaventure avait déclenché les événements menant au procès, était inculpée de blessure par sorcellerie. Confrontée à sa victime, John Law, elle tomba à genoux et s’effondra en larmes, semblant regretter amèrement ses actes. Malheureusement, ces remords furent vains car elle fut condamnée à mort comme les autres.

Pendaison des Sorcières de Pendle
Pendaison des Sorcières de Pendle

Le 20 août 1612, les dix condamnés furent exécutées à Lancaster pour avoir  » ensorcelé à mort par des pratiques diaboliques et des moyens infernaux  » pas moins de seize habitants de la forêt de Pendle. Les noms de ces sorciers étaient: Ann Whittle, sa fille Anne Redferne, Elizabeth Device, son fils James et sa fille Alizon, Alice Nutter, Jane Bulcock et son fils John, Katherine Hewitt et Isabel Robey.

La Hantise de Pendle Hill

La Ferme Tynedale
La Ferme Tynedale

De nos jours, la colline de Pendle est réputée hantée par une multitude d’esprits, ceux des sorcières, des enfants, des aviateurs, des bandits ou des illustres inconnus qui sont morts à cet endroit, et si les habitants de la région s’y promènent à la lumière du jour, aucun ne s’y risque après le coucher du soleil. Durant la journée, les amateurs d’histoire viennent visiter les anciennes maisons des sorcières mais à la nuit tombée les chasseurs de fantômes les remplacent, qui investissent les lieux dans l’espoir d’apercevoir leurs silhouettes sombres ou de communiquer avec leurs esprits maléfiques.

Selon certains documents, la Tour Malkin aurait été détruite en 1612, peu de temps après le procès, mais personne ne connait son véritable emplacement. En 2011, un cottage du 17e siècle en bon état de conservation a été découvert par des archéologues, qui pourrait être l’ancienne Tour Malkin. A l’intérieur du bâtiment, les os d’un chat ont été retrouvés, dissimulés dans une petite cache scellée. Apparemment, l’animal avait été enterré vivant afin de protéger ses habitants des mauvais esprits. Un jour, alors que des enquêteurs du surnaturel se livraient à une séance de spiritisme sur le site, une dent serait tombée sur le plateau du Ouija dont ils se servaient, qui semblait venir de nulle part et n’appartenait à aucune des personnes présentes. Comme elle était vraisemblablement humaine, les membres du groupe l’auraient faite analysée et il serait apparu que la dent, qui était ancienne, appartenait à un adulte d’une quarantaine d’années.

L’Éventuelle Tour Malkin
L’Éventuelle Tour Malkin

La ferme Tynedale appartenait autrefois à Alice Nutter, ses descendants viennent tout juste de la vendre, et selon la rumeur les manifestations inexplicables étaient si fréquentes que leurs invités refusaient d’y rester. Une femme fantomatique hanterait le couloir du rez-de-chaussée, faisant entendre son pas lourd, et des gémissement et des cris perçants s’élèveraient du premier étage, où les visiteurs se sentiraient fréquemment étranglés. Certains affirment qu’une femme habitait là autrefois, qui faisait des images d’argile dans son sous-sol puis les émiettait ou les brûlait afin d’apporter mort et douleur à ses victimes. Certaines nuits, les âmes tourmentées d’Elizabeth Demdike et d’Alice Nutter se laisseraient deviner et une petite fille âgée de 7 ou 9 ans aurait été observée, qui portait une chemise de nuit blanche et pleurait dans une chambre à l’étage. D’après les médiums, cette fillette serait Jennet Device, celle qui a causé la perte de sa famille lors du procès de 1612.

Nul ne sait quand a été construite la Lower Well Head, une ferme aujourd’hui abandonnée, mais les enregistrements municipaux laissent à supposer qu’elle date du XVIIe siècle. De nombreux phénomènes étranges y auraient été observés, de grandes formes sombres autour des bâtiments, des chuchotements dans la salle à manger et des bruits de pas trainants dans le couloir du premier étage. Parfois, des mains invisibles tenteraient d’étrangler les visiteurs, et dans la chambre parentale un fantôme agité manifesterait sa présence, ouvrant les tiroirs et arrachant les portes des mains.

La Lower Well Head
La Lower Well Head

Dans le petit village de Hurst Green se trouve une taverne de sinistre réputation, The Punch Bowl, qui serait l’un des endroits les plus hanté du Lancashire. La légende raconte qu’au XIXe siècle un bandit de grand chemin, Ned King, terrorisait la région mais qu’un jour où il se trouvait à l’auberge, des hommes audacieux le capturèrent. Traduit en justice, Ned King fut reconnu coupable et conformément à la sentence, son corps fut suspendu aux chaines d’une potence érigée dans les environs de Gallows Lane. Peu de temps après, certains rapportèrent qu’à la nuit tombée, son fantôme traversait le village sur son cheval noir et la taverne où il avait été arrêté devint le théâtre de phénomènes inexplicables. Puis, comme les manifestations se faisaient de plus en plus violentes, un exorcisme fut réalisé, mais ce fut en vain.

The Punch Bowl
The Punch Bowl

Apparemment, l’esprit du bandit de grand chemin traversa les siècles car en 1942 l’activité paranormale était si intense qu’un prêtre de Stonyhurst dut être appelé pour éradiquer le phénomène. Malheureusement, s’il crut naïvement avoir réussi sur le moment, quelques temps plus tard, de nouvelles manifestations vinrent le détromper. Aujourd’hui encore, l’esprit de Ned King continuerait à hanter l’auberge, faisant tomber les bouteilles des étagères, ouvrant les pompes des tonneaux de bière et faisant claquer les chaises sur le sol.

Pour Halloween 2004, l’émission de télévision Most Haunted a consacré un long épisode aux phénomènes de hantise de la colline de Pendle. L’équipe a passé trois jours sur place pour neuf heures de direct et Yvette Fielding, la présentatrice de l’émission, a déclaré que cet épisode était  » le plus effrayant qu’ils aient jamais tourné.  » Au cours de leur enquête, les membres de l’équipe auraient été suivis par un certain nombre d’esprits aux pensées hideuses, en particulier deux vieilles dames qui récitaient des incantations et les maudissaient, parlant de les scalper et de leur briser les doigts. L’une d’entre elles, qui se serait présentée comme étant Elizabeth Southworth, aurait pris possession de Derek Acorah, la médium qui accompagnait le groupe, et proférant les pires menaces elle aurait tenté de l’étrangler avec une corde invisible, comme lors d’une pendaison. A un certain moment, des silhouettes sombres auraient commencé à apparaitre, qui auraient été rapportées par certains des nombreux téléspectateurs qui regardaient les images en direct. Alors, l’un après l’autre, trois des membres de l’équipe auraient commencé à étouffer, prétendait sentir quelque chose se resserrer autour de leur gorge.

Si la plupart des esprits se montraient agressifs, d’autres semblaient dans de meilleures dispositions. Ainsi l’infortunée Alice Nutter serait venue clamer une nouvelle fois son innocence, une femme prisonnière d’un mur aurait été entendue qui pleurait toujours sa mort, une petite fille nommée Alison aurait fait bouger une table, un ancien croisé et un serviteur noyé se seraient brièvement manifestés, et Ned King en personne aurait fait une courte apparition, laissant apercevoir sa silhouette blanche.

A la fin de l’émission, quand le direct a été coupé, les manifestations seraient devenues plus effrayantes encore. Un verre aurait alors traversé la pièce en volant, se brisant en retombant sur le sol, puis une table se serait mise à se balancer violemment avant de se renverser sur le sol, les pieds arrachés.

Sources: Pendle Witches etc…

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