La Mort du Sorcier

Colline Meon HillEn 1945, dans un petit village anglais, Charles Walton, un vieil homme que tout le monde considérait comme un sorcier, fut assassiné de la plus horrible des manières. L’inspecteur Fabian, l’un des meilleurs enquêteurs de Scotland Yard, s’occupa personnellement de l’affaire, et s’il ne parvint jamais à démasquer le meurtrier, il découvrit un autre monde. Un monde où des chiens fantomatiques noirs errent dans la campagne, annonçant la mort à ceux qui les aperçoivent.

Né à Lower Quinton, en Angleterre, Charles Walton avait passé toute sa vie dans le même petit village de quatre-cent-quatre-vingt-treize habitants. Depuis qu’il avait quitté l’école il travaillait comme ouvrier agricole, et malgré ses soixante-quatorze ans et ses rhumatismes qui l’obligeaient à utiliser une canne, il acceptait encore de petits travaux. Il était plutôt excentrique, mais néanmoins populaire. Des rumeurs couraient qu’il était un peu sorcier, et peut-être disaient-elles vrai.

Les oiseaux venaient spontanément manger dans sa main, il savait comment apprivoiser des chiens sauvages en se servant uniquement du son de sa voix, et il connaissait mille choses secrètes. Certains, qui s’en méfiaient et le craignaient, disaient qu’il était capable de jeter le mauvais œil et qu’il gardait chez lui des crapauds calamites comme animaux de compagnie. Quand il voulait se venger de quelqu’un, alors il amenait son troupeau de crapauds dans le champ de sa victime, faisant flétrir ses cultures et périr son bétail. Ils le soupçonnaient d’un nombre invraisemblable de malfaisances, comme par exemple, d’avoir ruiné les récoltes et tué la génisse de son employeur l’année précédente.

Le mercredi 14 février 1945, Charles regarda par la fenêtre. La pluie était tombée durant toute la semaine, mais le ciel était maintenant dégagé et la journée semblait prometteuse. Il prit sa fourche à foin, sa serpe, un morceau du gâteau aux fruits que lui avait préparé sa nièce, Edith Isabel Walton, et il partit pour Meon Hill, où il devait tailler des haies. Charles avait adopté Edith à l’âge de trois ans, après la mort de sa mère, trente ans auparavant. Ils vivaient ensemble dans une petite maison à colombages qu’il louait pour trois shillings par semaine. Il touchait une pension de dix shillings par semaine, sans compter ses petits travaux des champs. Il payait tout le nécessaire, le charbon comme la nourriture, et il lui donnait un peu d’argent pour les travaux domestiques qu’elle effectuait en plus de son travail d’assembleuse pour l’imprimerie de la Royal Society of Arts, qui s’était installée à Lower Quinton durant de la guerre.

Charles Walton et son Cottage
Charles Walton et son Cottage

Peu de temps après le départ de son oncle, Edith se rendit à l’usine et elle y resta jusqu’à dix-huit heures. En fin d’après-midi, elle retourna au cottage. Un brouillard épais s’était levé, enveloppant la campagne comme un linceul. En poussant la porte, elle remarqua que son oncle n’était toujours pas rentré, et elle s’en inquiéta. Il avait ses habitudes. Les mois d’hiver, quand les soirées obscures rendaient le travail en extérieur difficile, il revenait tous les jours à seize heures. L’idée la traversa qu’il s’était peut-être arrêté quelque part, mais elle la repoussa aussitôt. Il avait peu d’amis, et il n’allait jamais au café. De plus, il savait combien elle s’alarmait rapidement, et il se serait forcément débrouillé pour la faire prévenir.

Affolée, elle courut précipitamment chez leur voisin, Harry Beasley, pour lui demander s’il ne l’avait pas vu. Elle se disait qu’il était peut-être malade, ou qu’il avait eu un accident et qu’il gisait quelque part, au bord de la route. M. Beasley n’avait pas croisé son oncle de la journée, mais en la voyant ainsi bouleversée, il prit son manteau et proposa de l’aider à le chercher.

Ensemble, ils remontèrent le chemin jusqu’à la ferme d’Alfred Potter, l’agriculteur qui employait Charles depuis plus de neuf mois. Edith lui demanda si son oncle s’était arrêté chez lui sur le chemin du retour, et il lui répondit qu’en début de journée, il avait aperçu sa silhouette sur la colline, mais qu’il ne l’avait pas revu depuis. M. Potter, qui trouvait lui-aussi cette disparition inquiétante, leur proposa de se joindre aux recherches, et il leur distribua des lampes torches. Ainsi équipés, ils se dirigèrent tous les trois vers Meon Hill, pour inspecter le dernier endroit où Charles avait été vu.

En arrivant en haut de la colline, le petit groupe découvrit le corps du malheureux sous un saule. Il gisait dans une mare de sang, et son visage semblait déformé par une indicible terreur. Il avait été frappé à la tête avec sa propre canne, et égorgé avec sa serpe. Sa fourche avait été enfoncée si profondément dans sa gorge que ses dents étaient rentrées de quinze centimètres dans la terre, le clouant sur place. Sa chemise était ouverte, son pantalon défait, et sa braguette déboutonnée. Une grande croix avait été gravée sur sa poitrine, apparemment avec sa propre serpe, qui était plantée dans son cou.

Meurtre de Charles Watson
 Charles Watson

Horrifiée, Edith se mit aussitôt à hurler. M. Beasley l’éloigna au plus vite de la scène, et il tenta de la calmer. Au même moment, un villageois passait derrière les buissons. M. Potter l’interpella, et il lui demanda d’aller prévenir la police. Après s’être rapidement concertés, les deux hommes décidèrent que M. Potter monterait la garde pendant que M. Beasley aiderait Edith à redescendre de la colline. Quelques minutes plus tard, Michael James Lomasney, un agent de la police locale, se présenta sur les lieux, suivi des enquêteurs de Straford-upon-Avon, une ville voisine, et du professeur James M. Webster, du laboratoire médico-légal du West Midlands.

L’autopsie révéla plusieurs côtes cassées, ainsi que de graves blessures à la nuque, à la poitrine et à la trachée. Elles avaient été causées par un instrument tranchant, probablement sa fourche et sa serpe, et il avait été frappé si violemment à la tête que du sang et des cheveux étaient restés collés à son bâton de marche. Les contusions qui ornaient ses mains et ses avant-bras laissaient à penser qu’il s’était défendu.

Une enquête fut immédiatement lancée, qui était menée par Alec Spooner, inspecteur à la brigade criminelle, mais en l’absence d’indice son supérieur hiérarchique lui conseilla de prévenir Scotland Yard, dont les moyens étaient autrement plus conséquents. « Le chef de la police m’a conseillé de demander de l’aide à Scotland Yard pour une affaire d’assassinat brutal qui a eu lieu hier, » disait son message. « Le défunt est un homme du nom de Charles Walton, soixante-quinze ans, et il a été tué avec un instrument connu comme une serpe. L’assassinat a été commis soit par un fou soit par l’un des prisonniers Italiens qui se trouvent dans un camp à proximité. Je pense que l’assistance d’un interprète Italien sera nécessaire. Le Dr Webster estime qu’il a été tué entre treize et quatorze heures hier. Une montre en métal a disparu du corps. »

Le 16 février, l’inspecteur Robert Fabian et son assistant, le sergent Albert Webb, prirent le train de nuit en partance de Londres pour Lower Quinton. Le lendemain, ils rencontrèrent Alec Spooner, lequel leur livra toutes les informations en sa possession. Le sergent Webb, qui était un policier expérimenté, commença alors à spéculer sur l’identité du meurtrier. « Je pense que ce crime est l’œuvre d’un fou. Qui donc aurait pu attaquer et mutiler un vieux travail agricole ? » dit-il à haute voix. L’inspecteur Fabian acquiesça, mais Alec Spooner, qui avait effectué des recherches avant leur arrivée, était d’un avis tout à fait différent.

Dans un livre, Folklore, Vieilles Coutumes et Superstitions du Shakespeareland, écrit en 1929 par un pasteur local, J. Harvey Bloom, il avait découvert une affaire en tous points semblable. Après avoir exposé son point de vue, il sortit l’ouvrage pour montrer à ses collègues le passage qu’il avait souligné. Il racontait comment, en 1875, John Hayward, un jeune homme faible d’esprit et passablement éméché, avait tué Ann Turner avec une fourche à foin parce qu’il croyait qu’elle l’avait ensorcelé. Interrogé, il avait expliqué qu’il avait agi pour le bien de la communauté en tuant la sorcière qui avait envoûté les bovins et les terres des agriculteurs locaux. Pour être sûr de s’en débarrasser, il avait suivi un ancien rituel qui conseillait de sabrer la gorge de la maléfique créature avec une fourche et à planter ses dents dans le sol pour l’empêcher de se relever d’entre les morts.

De son propre aveu, il était loin d’avoir fini sa tâche car il avait juré de mettre un terme à l’existence des seize sorcières de Compton, et Ann n’était que la première d’entre elles. Alec Spooner montra ensuite à l’inspecteur Fabian un autre livre, Warwickshire, de Clive Holland. Dans ses chroniques du comté de Warwickshire, l’auteur relatait en détail l’assassinat d’Ann Turner, le procès de John Hayward, qui avait été reconnu coupable du crime et pendu, et la mésaventure de Charles Walton, un jeune laboureur qui avait croisé un grand chien noir sur Meon Hill[1] pendant neuf jours consécutifs en rentrant de son travail. La dernière fois qu’il l’avait vu, le chien était accompagné d’une femme sans tête dont la longue robe noire bruissait dans le vent. Le lendemain, sa sœur était morte.

Dans les zones rurales, de telles histoires n’étaient pas rares. L’inspecteur Spooner n’avait pas été troublé par l’histoire du chien, mais par le nom du garçon, qui était le même que celui de la victime. En fait, il se demandait si les deux hommes n’étaient pas une seule et même personne. Tout habitués qu’ils étaient au mal, l’inspecteur Fabian et le sergent Webb ne purent s’empêcher de frissonner en écoutant l’histoire de leur confrère. Les similitudes entre les deux affaires étaient troublantes, mais les yeux de la nation étaient rivés sur eux et ils se devaient de trouver un coupable du XXe siècle, un homme animé, du moins l’espéraient-ils, par des motivations plus terre à terre.

La police de Stratford-upon-Avon avait mis une pièce spéciale à leur disposition. L’inspecteur Fabian accrocha une grande carte à l’un des murs, et il plaça une tête d’épingle pour chacun des suspects afin de mieux visualiser leur position au moment du drame. Un avion de la Raf de Leamington survola la colline de Meon Hill pour en prendre des photographies. Les tâches de sang étaient clairement visibles sur les clichés, qui étaient très précis mais ne révélèrent rien d’autre. Des policiers locaux, aidés par des soldats des Royal Engineers équipés de détecteurs de métaux, fouillèrent soigneusement la zone pour essayer de retrouver la montre à gousset de Charles Walton. L’inspecteur Fabian trouvait la disparition de la montre, un modèle en étain sans grande valeur, des plus étranges. Il espérait que le tueur l’avait touchée, et qu’il avait laissé ses empreintes digitales sur le métal. Il fit transmettre une description de l’objet à tous les prêteurs sur gages et bijoutiers de la région, en vain.

Inspecteur Fabian
Robert Fabian

Le 17 février, l’inspecteur Fabian commença à s’intéresser à Alfred Potter, qui était la dernière personne à avoir vu Charles Walton en vie. Le jour du drame, il disait avoir passé la matinée en compagnie d’un agriculteur, Joseph Stanley. À midi, il l’avait quitté pour s’occuper de quelques moutons et nourrir ses veaux. En arrivant sur le terrain, vers midi vingt, il avait aperçu son employé sur la colline, à environ cinq cents mètres de lui, et il avait été surpris de le voir en manches de chemise. « Eh bien, il travaille dur aujourd’hui, » en avait-il conclu. Il aurait voulu aller lui parler, mais une de ses génisses était tombée dans un fossé, et il devait se dépêcher. L’inspecteur Fabian savait qu’il mentait. Sa génisse s’était noyée dans un fossé le 13 février. Il s’en était occupé le lendemain, mais pas directement après avoir nourri ses animaux, comme il prétendait. En fait, il y était allé à quinze heures trente, soit trois heures plus tard. De plus, certains de ses ouvriers lui avaient confié qu’il avait parfois du mal à les payer, et il se demandait si Charles Walton ne lui avait pas prêté de l’argent pour rembourser d’éventuelles dettes, une somme qu’il n’aurait jamais réussi à lui rendre.

Une enquête auprès de différents organismes bancaires balaya ses doutes. Alfred Potter avait peut-être un secret, mais il n’avait pas de problème financier. Pendant que l’inspecteur Fabian s’interrogeait sur les contradictions d’Alfred Potter, le sergent Saunders, qui était arrivé de Londres la veille et qui parlait couramment Italien, s’occupait des prisonniers de guerre. Ils bénéficiaient d’une grande liberté. Ils se déplaçaient dans toute la région à leur guise, à pied ou à vélo. Officiellement, ils se devaient de travailler certains jours et disposaient des autres à leur convenance, mais concrètement, il n’existait aucun rapport sur leurs allées et venues. Le 14 février, certains des prisonniers s’étaient rendus à Stratford pour voir une pièce de théâtre, d’autres étaient allés au cinéma, mais aucun ne semblait avoir de raison d’assassiner Charles Walton.

Quelques jours plus tard, un prisonnier de guerre italien au manteau taché de sang fut interpellé alors qu’il se cachait dans un fossé de Meon Hill. Quand elle apprit son arrestation, Mme Potter, qui craignait que son mari ne soit accusé du meurtre de Charles Walton car il avait touché sa serpe et éventuellement sa fourche en arrivant sur les lieux du crime, montra un tel soulagement qu’elle en devint presque hystérique. Lors de son interrogatoire, il apparut cependant que le détenu était simplement un braconnier qui sortait régulièrement du camp pour compléter son alimentation en chassant quelques lapins. L’homme fut alors renvoyé au centre de détention et les recherches reprirent.

Tous les habitants du village reçurent la visite des deux enquêteurs Londoniens, qui les invitèrent à rendre compte de leurs faits et gestes le jour de l’assassinat. Ils se montraient terriblement méfiants. La plupart d’entre eux refusaient de leur parler, et quand l’inspecteur Fabian s’arrêtait au café, alors l’établissement se vidait. Imperturbable, il en conclut : « Les natifs d’Upper Quinton, de Lower Quinton et des environs sont d’un caractère secret et ils ne parlent pas facilement aux étrangers. »

Les poliers fouillèrent ensuite le passé de Charles Walton, sans rien découvrir de spécial sauf la disparition d’une certaine somme d’argent. À sa mort, en 1927, sa femme lui avait laissé deux cent quatre-vingt-dix-sept livres, un joli montant à l’époque. Trois ans plus tard, il avait placé la plus grande partie de son argent, soit deux cent vingt-sept livres, à la banque. En 1945, il ne lui restait plus que onze livres sur son compte. Tout au long des années, il avait effectué de petits retraits, qui n’avaient jamais excédé dix livres. Pourtant, il avait toujours travaillé, il ne dépensait pratiquement rien, et sa vie était des plus austères. Interrogée, Edith expliqua que son oncle n’avait jamais prêté d’argent à quiconque, et qu’elle n’avait jamais vu de reconnaissance de dettes. Soixante shillings furent découverts dans sa maison, mais jamais aucune explication ne put être trouvée quant à la somme manquante.

La police avait recueilli plus de quatre cents témoignages, et réalisé de nombreuses analyses, d’empreintes, de cheveux, etc., sans résultat. L’enquête piétinait. En désespoir de cause, l’inspecteur Fabian décida de se pencher sur la théorie d’Alec Spooner et de se renseigner sur la sorcellerie locale. D’après certaines rumeurs, Charles Walton avait été tué à cause de ses sortilèges maléfiques. Il avait été sacrifié de manière à ce que son sang soit absorbé par la terre, une pratique qui était censée lui redonner sa fertilité. Se plongeant dans des livres, l’inspecteur Fabian découvrit rapidement que le 14 février était le meilleur jour pour un sacrifice de sang car la terre commençait tout juste à se remettre du froid de l’hiver. Apparemment, pratiquer un rituel à cette époque de l’année était l’assurance d’une bonne récolte.

Troublé, il tenta de questionner les habitants du village sur la sorcellerie et ses pratiques, mais il se heurta à un mur de silence. En passant près de Meon Hill, il avait remarqué un cercle de pierres de trente-trois mètres de diamètre, les pierres de Rollright,[2] dont personne ne connaissait l’origine mais qui datait probablement du néolithique. L’endroit était connu pour ses rituels occultes, et la victime avait été tuée non loin de là. Une femme, qui se disait experte dans les affaires de sorcellerie, lui confia : « Il n’y a rien de surprenant dans tout cela. Rappelez-vous, février a toujours été le mois sacrificiel. L’assassinat de Charles Walton est un sacrifice druidique. »

Les Pierres de Rollright
Les Pierres de Rollright

Un homme lui rapporta qu’un homme avait déclaré que maintenant que le sorcier était mort et enterré, il n’avait plus rien à craindre, mais il ne voulut rien lui révélé de plus. Alors, comme il n’avait aucune preuve que Charles Walton avait vraiment été sacrifié lors d’un rituel et que personne ne semblait rien savoir de plus, l’inspecteur Fabian se retrouva obligé d’abandonner cette piste. Finalement, il n’avait rien. Avant son départ, il marcha jusqu’à la colline pour examiner la scène du crime, « un endroit sombre et isolé, » une dernière fois. Il regardait autour de lui, cherchant d’éventuels indices, quand un grand chien noir passa devant lui sans arrêter. Quelques instants plus tard, un jeune garçon apparut, et pensant que ce chien était le sien, il lui demanda s’il l’avait perdu. Le garçon le regarda un moment sans rien dire, et devant son air perplexe, l’inspecteur Fabian lui expliqua qu’il venait de voir passer un grand chien noir. Alors brusquement, le garçon devint livide et faisant demi-tour sans dire un mot, il courut jusqu’au bas de la colline aussi vite qu’il le pouvait. Quelques heures plus tard, un grand chien noir fut retrouvé pendu par le cou à un arbre sur la colline de Meon Hill.

L’enquête en conclut que Charles Walton avait été « assassiné par une ou des personnes inconnues, » et les deux policiers Londoniens retournèrent à la capitale à contrecœur. L’inspecteur Fabian n’avait pas parlé de sorcellerie dans son rapport, mais vingt-cinq ans plus tard, il donna son sentiment dans son livre, The Anatomy of Crime. « Je conseille à tous ceux qui seraient tentés de s’aventurer dans la Magie Noire, la sorcellerie, le chamanisme – appelez ça comme vous voulez – de se rappeler de Charles Walton et de penser à sa mort, qui était clairement l’apogée d’un rite païen. Il n’y a pas d’argument plus fort pour rester le plus loin possible des méchants avec leurs épées, leur encens et leur charabia. De votre prudence pourrait dépendre votre future tranquillité d’esprit, et même votre vie. »

Fasciné par l’affaire, Alec Spooner n’abandonna jamais. Il était convaincu que le meurtrier était un homme de la région, et il le traquait sans relâche. Chaque année, le 14 février, il grimpait sur la colline, espérant le découvrir en plein rituel. Une fois à la retraite, il continua son périple. En vain. Le 13 février 1954, la veille du neuvième anniversaire de l’assassinat de Charles Walton, le Daily Mirror fit paraitre un article démontrant que Charles Walton était le petit-fils d’Ann Turner, la malheureuse qui avait été tuée avec une fourche vers la fin du XIXe siècle. Dans ce même article, le journaliste disait également que les policiers avaient trouvé un autre lien entre les meurtres, mais qu’il s’était engagé à ne pas le révéler.

En août 1960, un ouvrier qui travaillait à la démolition de dépendances derrière l’ancienne maison de Charles Walton remarqua quelque chose qui brillait dans l’obscurité. Il ramassa l’objet, et il s’aperçut qu’il tenait une vieille montre de poche en étain entre ses mains. Un peu plus tard dans la journée, la montre fut identifiée comme celle de Charles Walton. En ouvrant le boitier, un petit morceau de verre coloré fut découvert, que le disparu portait toujours sur lui. De l’avis général, ce morceau de verre était du verre de sorcière, utilisé pour réfléchir ou absorber les mauvaises pensées dirigées contre son propriétaire. À l’époque du meurtre, la police avait fouillé le bâtiment sans rien trouver. Le meurtrier était donc retourné dans la maison de sa victime pour y déposer la montre. Il aurait pu aisément la détruire pour s’en débarrasser, mais peut-être craignait-il que l’objet soit protégé par un sortilège.

Pendant des années, des écrivains, des médiums et des journalistes ont tenté d’élucider le mystère sans y parvenir. De nos jours, la tombe de Charles Walton n’est plus visible. Le petit cimetière de Lower Quinton a été rénové, et toutes les pierres tombales ont été enlevées. Les villageois se montrent toujours aussi méfiants envers les étrangers, ils répugnent à répondre aux questions des curieux, mais de l’avis de tous, certains en sauraient bien plus qu’ils ne voudraient l’admettre. Parfois, un chien fantomatique noir est signalé sur la colline de Meon Hill, qui annonce toujours la mort de quelqu’un.

Cimetière Lower Quinton
Cimetière Lower Quinton

[1] La légende raconte qu’une sorcière a transformé en pierre un roi et ses sujets, et qu’ils reprennent parfois vie pour aller se désaltérer dans la source d’eau voisine et danser en cercle à minuit.

[2] Une autre légende prétend qu’un chien noir fantomatique messager de mort se matérialise parfois sur la colline de Meon Hill. Il annonce toujours la mort, pour soi-même ou l’un de ses proches.

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