Le Mystère du Dahlia Noir

En 1947, à Los Angeles, le corps sans vie d’une jeune femme, coupé en deux et vidé de son sang, fut découvert sur un terrain vague. Elle s’appelait Elizabeth Short et elle avait 23 ans. Depuis, son fantôme hanterait l’hôtel Biltmore, tentant désespérément de demander de l’aide sans y parvenir.  Le meurtre d’Elizabeth a fait l’objet d’un film en 2006, Le Dahlia Noir (The Black Dahlia) de Brian de Palma, et son supposé fantôme a inspiré un film d’horreur, The Black Dahlia Haunting, de Brandon Slagle.

Elizabeth Short

Née le 29 juillet 1924, à Boston dans le Massachusetts, Elizabeth Short était la fille de Cleo Short, un homme d’affaires prospère qui construisait des terrains de golf miniatures, et de sa femme Phoebe. La famille vécut confortablement jusqu’à la Grande Dépression de 1929 puis, comme tant d’autres à la même époque, l’entreprise de Cleo fit faillite et les dettes commencèrent à s’accumuler. Alors un jour de 1930, Cleo Short disparut. Sa voiture fut retrouvée abandonnée sur un pont, non loin de chez lui, et les enquêteurs en conclurent que l’homme d’affaires ruiné s’était suicidé en se jetant du haut du pont dans la rivière.

Phoebe, qui se retrouvait seule avec quatre filles à élever, trouva rapidement un emploi de comptable à temps partiel à Medford mais malheureusement, son salaire n’étant pas suffisant pour faire vivre sa famille, elle dut se résoudre à demander l’aide sociale. La jeune femme, qui n’avait jamais eu besoin de quoi que ce soit de toute sa vie, eut du mal à s’y contraindre, mais elle s’y sentit obligée. Grâce à cette aide, ses filles recevaient des chaussures, offertes par le comté, et tous les dimanches, du lait leur était distribué gratuitement. Elle envoyait Elizabeth et Meredith, qui était alors âgée de deux ans, le chercher mais tout comme leur mère, les fillettes vivaient fort mal cette situation et des années plus tard elles se souvenaient encore du terrible sentiment d’humiliation qu’elles ressentaient alors. Si la famille était pauvre, Phoebe essayait néanmoins d’offrir à ses filles une vie normale et tout les dimanches, elle les amenait au cinéma. A cette occasion, Elizabeth mettait sa plus belle robe, et elle insistait pour que ses sœurs et sa mère en fassent autant. Lorsqu’elle contemplait les vedettes sur le grand écran, la fillette échappait un peu à la dure réalité de son quotidien, et secrètement, elle rêvait déjà de devenir actrice.

Si Phoebe et ses filles n’avaient jamais quitté la ville de Medford, à chaque fois que les propriétaires augmentaient leur loyer elles devaient se résoudre à déménager, ce qui était déjà arrivé à trois reprises. Elles avaient fini par se retrouver dans une toute petite maison, où l’espace manquait cruellement. Une chambre de fortune avait été installée dans la véranda, qu’Elizabeth partageait avec sa sœur Meredith, mais la jeune fille ne s’en plaignait pas. Elle ne parlait jamais de ses problèmes à ses amies, elle préférait leur raconter des histoires d’amour romantiques et souvent elle leur disait qu’un jour elle partirait à Hollywood et qu’elle ne reviendrait jamais.

Betty 11 ans

Au collège, Elizabeth était une fille populaire, toujours bien habillée, elle accordait déjà beaucoup de soin à son apparence, mais elle était surtout connue pour son amour du cinéma et ses camarades la surnommaient  » la fille dingue de films.  » La jeune fille fit un bref passage au lycée, s’arrêtant en seconde année afin, expliqua-t-elle à sa mère,  » de vivre ses propres aventures. « 

A l’âge de 16 ans, elle commença à souffrir d’asthme et sa mère dut l’envoyer vivre chez certains de ses amis en Floride pendant quelques mois, où le climat était bénéfique pour ce genre d’afflictions. Elizabeth y resta tout l’hiver, travaillant comme serveuse, puis quand revinrent les beaux jours, elle retourna auprès de sa mère, dont elle était très proche.  » Elle était une très affectueuse et douce jeune fille. Quand elle sortait le soir, elle s’arrêtait toujours dans ma chambre pour parler. Elle parlait et parlait, me racontant tout ce qu’elle avait fait et tout. « 

Elizabeth et Phoebe

Un jour de 1942, Elizabeth, qui avait alors 19 ans, se promenait dans une rue de Medford en compagnie de sa mère quand soudain elle aperçut son père, qu’elle croyait mort depuis plus de dix ans. Cleo leur expliqua qu’il était désolé de les avoir abandonnées, mais que la pression avait été trop forte. Il leur dit qu’il s’était installé à Vallejo, en Californie, où il travaillait dans une base navale, puis il leur demanda s’il pouvait revenir auprès d’elles. Phoebe, qui n’avait pas eu de nouvelles de son mari depuis sa disparition, s’y opposa farouchement, et jurant de ne plus jamais la recontacter, Cleo repartit à Vallejo. Si Elizabeth avait été troublée d’apprendre que son père était en vie, peu de temps après son départ elle lui écrivit une lettre et une correspondance régulière s’en suivit. Quelques mois plus tard, la jeune femme lui demanda si elle pouvait venir s’installer chez lui, ce à quoi il consentit, à condition qu’elle s’engage à tenir la maison. Au cours du mois de décembre 1942, Cleo envoya 200$ à sa fille pour ses frais de déménagement, et aussitôt elle partit le rejoindre.

Une fois à Vallejo, Elizabeth oublia les conditions de son père aussi vite qu’elle avait acceptées. Elle sortait souvent le soir, passait ses journées à dormir ce qui provoqua rapidement de violents conflits entre elle et son père. Alors un jour, après une nouvelle dispute, Cleo demanda à sa fille de partir de chez lui. Ils se rendirent alors à Los Angeles où ils restèrent pendant trois semaines, hébergés par une amie de la famille, une certaine Mme Yankee, puis le 19 janvier 1943 Elizabeth, qui avait un certain penchant pour les militaires et qui se plaisait à les fréquenter, se rendit à Camp Cooke, une base militaire située à Lompoc, une ville toute proche, où elle trouva rapidement du travail. Inez Keeling, la responsable du centre de tri postal où elle fut embauchée, disait d’elle:  » J’ai été conquise tout à la fois par son charme et sa beauté presque enfantine. Elle était l’une des plus belles filles que j’avais jamais vue. Et la plus timide. « 

le-dahlia-noir

A cette époque, Elizabeth avait déjà teint ses cheveux en un noir profond, ce qui soulignait sa peau pâle et ses yeux saphir, et partout où elle allait elle se faisait remarquer. La jeune femme était hébergée à la base et pourtant, elle mangeait rarement à sa faim, dépensant la majeure partie de son salaire en vêtements et en maquillage. Cependant, cet inconvénient ne lui importait guère car elle trouvait dans l’admiration qu’elle suscitait une récompense à ses sacrifices.

Le 23 Septembre, 1943, alors qu’elle buvait de l’alcool en compagnie de marins dans une discothèque de Santa Barbara, la jeune femme, qui n’avait que 19 ans et qui était donc mineure, fut arrêtée par Mary Unkefer, officier de police.  » Elle était très belle, avec de beaux cheveux noirs et une peau claire. Elle s’habillait bien et ne ressemblait en rien à un pilier de bar.  » Mary, qui éprouvait de la sympathie pour elle, ramena Elizabeth jusqu’à son propre appartement, où elle vécut avec elle pendant 9 jours, puis elle la mit dans un bus en direction de Medford et Elizabeth retourna chez sa mère. Une fois chez elle, la jeune fille écrivit une touchante lettre à sa bienfaitrice, dans laquelle elle disait:  » Je ne vous oublierai jamais. Je remercie Dieu que vous m’ayez ramassée quand vous l’avez fait. « 

Quelques semaines plus tard, Elizabeth repartait pour la Floride. Elle voyagea ici et là, résidant dans de luxueux hôtels, écrivant régulièrement à sa mère et retournant parfois chez elle pour les fêtes. En mars 1944, Elizabeth rencontra un officier de l’Armée de l’Air, Gordon Fickling. Les deux jeunes gens commencèrent à sortir ensemble mais l’attitude séductrice d’Elizabeth irrita rapidement Gordon, qui décida de mettre fin à leur relation. En décembre 1944, lors du réveillon de la Saint-Sylvestre, Elizabeth fit la connaissance du major Matthew Gordon Jr, lui-aussi pilote de l’Armée de l’Air, dont elle tomba éperdument amoureuse.

Elizabeth Short et Matt Gordon
Elizabeth Short et Matt Gordon

Le jeune homme finit par la demander en mariage, ce qu’elle accepta, mais la semaine suivante, il fut envoyé en Inde pour tester des avions de guerre. En son absence, Elizabeth écrivit de nombreuses lettres à Mme Gordon, la mère de Matt, qu’elle n’avait jamais rencontrée. Le 5 mai 1945, Matt demanda à sa mère si elle pensait qu’Elizabeth l’aimait vraiment et cette dernière lui répondit:  » A ce qu’elle fait, il me semble. En 11 jours, elle m’a écrit 27 lettres. Le 22 août 1944, Elizabeth reçut un télégramme de Mme Gordon l’informant que son fils était mort. Son avion s’était écrasé la veille, juste avant qu’il ne revienne en Amérique.  » Je viens de recevoir un mot du ministère de la Guerre, Matt a été tué dans un accident. Nos meilleurs sentiments vous accompagnent.  » La jeune femme en fut cruellement affectée. Partout où elle allait Elizabeth amenait avec elle un journal relatant l’accident et le montrant dès que l’occasion se présentait, elle expliquait qu’elle était veuve.

Quelques mois plus tard, elle déménagea à Boston, où elle travailla comme serveuse jusqu’en septembre 1945 puis elle reprit sa vie de bohème, voyageant dans différentes villes, séjournant toujours dans de luxueux hôtels et profitant de la générosité de certaines de ses connaissances. En février 1946, Elizabeth fit un bref passage à Medford puis elle repartit vers l’ouest, s’arrêtant tout d’abord à Indianapolis puis à Chicago, où elle se passionna étrangement pour une histoire sordide, celle de Suzanne Degnan, une jeune femme qui avait été assassinée et démembrée. Freddie Woods, 23 ans, un ami de la victime, rapporta qu’elle l’avait approché en se faisant passer pour une journaliste chargé de couvrir le procès de Wiliam Heirens, qui avait été reconnu coupable de l’enlèvement et du meurtre.  » Elizabeth Short était l’une des plus jolies filles que j’ai jamais rencontrée. Mais elle était terriblement préoccupée par les détails de l’assassinat de Degnan. « 

En juillet de la même année, Elizabeth reprit contact avec son ancien petit ami, Gordon Fickling et ainsi naquit une nouvelle idylle. Le jeune homme vint la chercher à la gare de bus de Long Beach, puis il l’installa à l’hôtel l’Hôtel Washington, à Linden, où elle séjourna pendant une semaine. Quand elle sortait se promener sur Long Beach, la jeune femme racontait qu’elle allait épouser un officier de l’armée et tous ceux qui la connaissaient la trouvaient rayonnante.

Gordon Fickling

Paradoxalement, durant cette même période, elle devint une cliente régulière de la pharmacie Lander, s’amusant à séduire les hommes en uniforme, comme elle aimait à le faire. Selon le pharmacien:  » Elle venait fréquemment dans notre droguerie. Elle aimait à porter un costume de plage en deux parties, qui laissait son nombril nu, ou s’habiller de choses noires en dentelle. Elle avait les cheveux noirs de jais, qu’elle aimait attacher bien haut. Elle était populaire auprès des hommes qui venaient ici. Ils l’appelaient The Black Dahlia (Le Dahlia Noir).  » Le 20 août, Gordon et Elizabeth se rejoignirent à Hollywood, où ils louèrent une chambre sous le nom de M. et Mme Fickling, mais une semaine plus tard, exaspéré par le comportement de la jeune femme, Gordon lui demanda une nouvelle fois de partir.

Elizabeth ou Beth, comme elle aimait à se faire appeler, reprit alors sa vie d’errance, travaillant rarement et se faisant entretenir par ses connaissances, d’un jour ou de toujours. La guerre était finie, les soldats remplissaient les rues de la vie et Elizabeth, qui aimait toujours autant les militaires, passait beaucoup de temps dans les bars en leur compagnie. Elle vivait en colocation avec d’autres jeunes femmes, qui espéraient, tout comme elle, devenir célèbres un jour mais en attendant les jours de gloire, elle vivait dans la misère et ne mangeait que rarement à sa faim.

Le 1er octobre 1946, elle s’installa dans la maison de Mark Hansen, un homme de 55 ans aux cheveux grisonnants, propriétaire d’une boite de nuit et de plusieurs théâtres, qui permettait aux jeunes femmes qui venaient tenter leur chance à Hollywood de séjourner chez lui. Elle travailla un moment dans sa boite de nuit, The Florentine Gardens, qui rassemblait des artistes, des militaires et des membres de la mafia. Durant cette période, Elizabeth qui semblait inconsciente du danger, fréquenta des hommes de main de Micky Cohen, qui appartenait à la mafia, et accepta plusieurs rendez-vous avec des militaires, sautant dans leur voiture dès qu’ils lui proposaient un diner.

Mark Hansen
Mark Hansen

Si elle connaissait énormément de monde, Elizabeth n’avait pas vraiment d’amis. Un jour qu’elle se trouvait chez Mark, elle fit la connaissance d’Anne Toth une jeune actrice de 24 ans, et les deux femmes devinrent rapidement proches. Puis l’inévitable finit par se produire, et Elizabeth et Mark eurent une brève relation. Ils semblaient s’apprécier, mais leur relation était tumultueuse, ils se disputaient souvent, se trompaient mutuellement, et elle ne dura pas. Alors un jour, après une énième querelle, Mark lui demanda de partir. Comme elle ne savait pas où aller, il lui proposa de s’installer dans l’un des appartements dont il était le propriétaire. Elizabeth s’y résigna, mais elle n’était pas heureuse.

En perdant Mark, elle craignait d’avoir perdu l’amour de sa vie. Elle entretenait une correspondance régulière avec Gordon Fickling qui ne gardait pour elle aucune rancune, témoignant même d’une sincère affection à son égard. Consciente de ses faiblesses, Elizabeth lui parlait de ses doutes, de ses espoirs de réussite, et de sa recherche éperdue du grand amour. A cette époque, elle avait trouvé un travail de réceptionniste pour un lieutenant-commandant, qu’elle pensait déjà abandonner. Elle voulait retourner à Chicago, où elle avait réussi à faire quelques rares photos en tant que mannequin dans le passé. Parce qu’elle ne pouvait renoncer à ses rêves.

Le Meurtre du Dahlia Noir

Police Norton Street

Le 15 janvier 1947, à Los Angeles, Betty Bersinger se promenait avec sa fille quand soudain elle aperçut une silhouette sur un terrain vague.  » Je me promenais avec ma petite fille de 3 ans, Anne, le matin du 15 janvier vers 10h45. Nous allions vers le sud de l’avenue Norton, à la section du Leimert Park, où je vais faire réparer les chaussures de Anne. Comme nous passions ce lot vacant entre la 39e rue et l’avenue Coliseum, j’ai vu le corps depuis le trottoir. Il était couché sur le dos et je pouvais voir qu’il était coupé en deux.

Betty Bersinger

J’ai été tellement choquée et si inquiète que ma petite fille puisse le voir que je l’ai ramassée dans mes bras et j’ai couru vers la maison la plus proche, qui était celle d’un médecin je pense. Après avoir demandé à utiliser le téléphone, j’ai téléphoné à la police. Je ne me souviens pas si j’ai dit au policier avec qui j’ai parlé que le corps était coupé en deux. Et je suis sure de ne pas avoir précisé si c’était un homme ou une femme. Mais je lui ai dit exactement où il était, et j’ai dit qu’il y avait un corps là-bas. Je n’ai rien dit qui laissait à penser que c’était un homme ou un ivrogne. Ma petite fille n’a pas vu le corps. Je me suis assurée qu’elle ne le voit pas. Je suis heureuse qu’elle ne l’ai pas vu et nous allons éviter de parler de l’affaire devant elle. « 

Vers 11h du matin, quand ils arrivèrent sur les lieux, Frank Perkins et Wayne Fitzgerald, les deux enquêteurs de police, ne s’attendaient pas à ce qu’ils allaient voir. Des journalistes, qui avaient intercepté les communications de la police, se trouvaient déjà sur place, et se tournant vers les enquêteurs, l’un d’eux leur dit:  » Je ne pense pas que nous serons en mesure de publier des photos de celui-ci. « 

Découverte du Corps

Le corps dénudé d’une jeune femme, sectionné au niveau de la taille, avait été abandonné sur un terrain vague au sud de la Norton Avenue. Il avait été complétement vidé de son sang,  visiblement lavé et disposé sur le sol, les bras levés au-dessus de la tête et les jambes écartées d’une indécente manière. Ses chevilles et ses poignets portaient encore les marques de la corde qui avait servi à l’attacher et d’une horrible manière, ses intestins avaient étaient partiellement retirés de son ventre et soigneusement rangés sous ses fesses. La malheureuse avait été frappée à la tête jusqu’à en arracher la chair de ses oreilles, sa peau arborait des traces de brûlures de cigarettes, ses seins et l’une de ses jambes avaient été lacérés avec un couteau, et un sourire sinistre, qui partait du coin de ses lèvres et montait jusqu’à ses oreilles, avait été dessiné sur son visage.

L’autopsie révéla que la victime présentait un traumatisme crânien, sans que le crâne ne soit fracturé, mais que le décès était principalement du aux lacérations de son visage, qui avaient provoqué une hémorragie. Des contusions étaient visibles des deux côtés du cuir chevelu, qui indiquait qu’elle avait été frappée avec un objet contondant mais au moment où elle avait été coupée en deux, elle était déjà morte. Les médecins légistes supposaient que le tueur avait drainé le sang de son corps dans une baignoire, ou peut-être dans une cave, et ils soulignèrent que la découpe entre les vertèbres était particulièrement propre, ce qui laissait à penser que le tueur possédait certaines connaissances anatomiques. Les enquêteurs en déduisirent qu’il était probablement un médecin, ou un chirurgien, mais il était également possible qu’il soit boucher, ou embaumeur.

Bien évidemment, les journaux se firent l’écho de l’affaire, mais au lieu de présenter Elizabeth une victime, ils la dépeignirent comme une aventurière au mode de vie dissolu, une femme que tout destinait à finir ainsi. Ils prétendirent qu’elle avait posé nue, qu’elle avait tourné dans des films pornographiques, qu’elle était enceinte, qu’elle se prostituait, etc… Semblant cautionner ces rumeurs, certaines de ses connaissances, parmi lesquelles l’une de ses sœurs et Mark Hansen, en firent un portrait cruel, racontant que sa beauté lui était montée à la tête, qu’elle se tartinait de fond de teint, qu’elle mettait de la cire fondue dans  » les trous noirs de ses dents  » ou qu’elle rentrait chaque soir avec un homme différent. La plupart de ses connaissances défendirent néanmoins sa réputation, s’accordant pour dire qu’elle était une gentille fille, et Anne Toth plus que les autres encore.

Journal Elizabeth Short

Quand les policiers se rendirent à l’appartement de Cleo Short, qui avait déménagé et qui vivait à Los Angeles, pour lui apprendre la mort de sa fille, ils le trouvèrent en état d’ivresse. Des bouteilles de vin trainaient un peu partout, et il se montra fort peu coopératif, refusant d’aller identifier le corps d’Elizabeth ou d’assister à ses funérailles.  » Je ne veux rien avoir affaire avec cela,  » déclara-t-il. Ce fut donc Phoebe qui dut aller à la morgue pour identifier le corps de sa fille mais quand elle lut toutes les horreurs rapportées par la presse locale, elle en fut horrifiée. Elizabeth écrivait une ou deux lettres par semaine à sa mère, mais elle lui mentait toujours, probablement pour la préserver, et Phoebe ignorait tout de sa vie de misère. Interrogée par les journalistes, la malheureuse mère leur déclara qu’elle ne comprenait pas, qu’Elizabeth était une  » bonne fille  » qui jouait de petits rôles dans des films à Hollywood.

Le 23 janvier 1947, un homme appela le journal l’Examiner, de Los Angeles, se présentant comme le Black Dahlia Avenger et prétendant être le tueur. Afin de prouver ses dires, il déclara qu’il allait envoyer un certain nombre d’objets personnels appartenant à la victime, que seul le tueur pouvait avoir en sa possession. Les journaux, tout comme la police, étaient habitués à recevoir des appels de personnes prétendant être le tueur ou connaitre son nom, mais cette fois, la situation était différente. Le lendemain, une boite, qui avait été envoyée par la poste, arriva dans les bureaux de la rédaction. Elle contenait des photos, le certificat de naissance d’Elizabeth et le carnet d’adresse de Mark Hansen, dont une page avait été arrachée. Le 25 janvier, l’une des chaussures d’Elizabeth et son portefeuille furent retrouvés dans une benne à ordures, près de l’endroit où avait été découvert son corps. Le mystérieux  » Avenger  » écrivit plusieurs lettres au journal, mais malgré les nombreuses empreintes laissées sur les enveloppes, jamais la police ne parvint à l’identifier.

L’enquête dura des mois. Elizabeth Short avait été vue pour la dernière fois le 9 janvier à l’Hôtel Biltmore, où elle séjournait alors. Ce soir-là, Richard Manley l’avait invité à diner, puis il l’avait raccompagnée à l’hôtel, et ne l’avait plus jamais revue. Quand ils découvrirent que l’homme avait passé plusieurs mois en hôpital psychiatrique, les enquêteurs s’attardèrent un moment sur son cas, mais il avait un solide alibi et ils furent rapidement convaincus de son innocence. Au cours des années qui suivirent, les policiers suivirent toutes les pistes possibles, interrogeant une multitude de témoins et se penchant sur les alibis de nombreux suspects, dont certains étaient célèbres, comme Orson Welles, le chanteur folk Woody Guthrie ou Bugsy Siegel, un tueur à gages, en vain. Durant cette période, une cinquantaine de personnes confessèrent être l’auteur de crime, parmi lesquelles une femme, qui déclara:  » Le Dahlia Noir a volé mon homme. Donc je l’ai tuée et je l’ai coupée.  » La police vérifia chacun de leurs témoignages, mais bien évidemment, elles mentaient toutes.

George Hodel, un éminent chirurgien au profil des plus troubles, fut également suspecté. Sa fille de 16 ans l’avait poursuivi en justice pour inceste et un jury l’avait innocenté mais quelques temps plus tard, des rumeurs rapportèrent que la fille, enceinte de son père, avait du avorter.

George Hodel

En 2004, cinq après la mort son père, Steve, le fils de George Hodel, écrivit un livre, L’Affaire du Dahlia noir, dans lequel il affirmait que son propre père était non seulement le meurtrier d’Elizabeth Short mais également celui de huit femmes assassinées à Los Angeles entre juillet 1943 et octobre 1949. Amateur d’art et de parties fines, George Hodel était proche du photographe Man Ray, qu’il admirait et qui participait à ses folles soirées. Dans son livre, Steve Hodel soulignait l’étrange ressemblance entre le corps mutilé d’Elizabeth Short et les célèbres photos Minotaure et Lèvres Rouges Découpées de Man Ray.

En l’absence de preuves, le meurtre du Dahlia Noir n’a jamais été résolu et il reste toujours l’un des plus grand mystère criminel du siècle dernier.

La Hantise

Hotel Biltmore

Le fantôme d’Elizabeth aurait été observé pour la première fois dans les années 1960. Peut-être certains l’avaient-ils aperçue avant, mais personne n’en avait jamais rien dit. Depuis, les clients et les membres du personnel de l’hôtel Biltmore parlent d’une mystérieuse femme en noir qui hante l’établissement. Selon certains témoins, elle se montrerait souvent lors des soirées, semblable aux autres invités et presque aussi réelle. A cette occasion, la jeune femme apparaîtrait toujours bouleversée, cherchant visiblement de l’aide sans jamais la trouver. Quand le fantôme d’Elizabeth ne se perd pas dans les soirées mondaines, l’ascenseur semble être son lieu de prédilection:

 » Par une après-midi de printemps, un homme traversa le hall de l’hôtel Biltmore et appela l’ascenseur. Les portes s’ouvrirent, l’homme pénétra à l’intérieur, mais quand il voulut appuyer sur le numéro 8, qui était son étage, il s’aperçut que le 6 était déjà allumé. Regardant autour de lui, il remarqua alors qu’il n’était pas seul, comme il le pensait. Une jeune femme aux cheveux noirs se trouvait un coin qui le regardait, un vague sourire aux lèvres. L’homme lui sourit en retour, puis il essaya de se concentrer sur le défilement des chiffres lumineux sans y parvenir. L’acier poli des portes de l’ascenseur reflétait la silhouette de la jeune femme, et il ne pouvait s’empêcher de la regarder. Elle était magnifique. Ses cheveux noirs étaient balayés en arrière dans le style des années 1940, sa peau était pâle et le noir de jais de sa robe accentuait encore ce contraste.

Lorsque l’ascenseur arriva au sixième étage un carillon se fit entendre et les portes commencèrent à s’ouvrir. L’homme se poussa alors de côté pour laisser passer la jeune femme mais à sa grande surprise, elle ne fit pas un geste.  » Ceci est le sixième étage,  » finit par dire l’homme. La jeune femme, qui semblait perdue dans quelque rêverie, sursauta brusquement, puis elle s’avança et sortit de l’appareil mais comme elle passait près de lui, l’homme se mit à trembler. Une vague de froid venait de glisser sur lui, se déplaçant en même temps qu’elle. Puis, brusquement, alors que les portes commençaient déjà à se refermer, l’inconnue se retourna et fixa l’homme de ses grands yeux désespérés. Elle ne dit pas un mot, mais son regard semblait une prière. Pensant qu’elle voulait lui dire quelque chose d’important, l’homme poussa frénétiquement le bouton d’urgence, mais quand les portes se rouvrirent, la femme en noir avait disparu. S’avançant dans le couloir, il regarda rapidement des deux côtés, sans succès. La femme semblait n’avoir jamais existé.

Deux jours plus tard, l’homme se trouvait dans une librairie, feuilletant un livre, quand sur l’une des pages il reconnut soudain le visage de la fille de l’ascenseur. Troublé, il s’attarda un moment sur la photo, puis survolant la légende qui l’accompagnait, il apprit qu’elle était morte en 1947.  » Les histoires semblables à celle de cet homme sont nombreuses, et elles suivent toujours le même scénario. Elizabeth descend de l’ascenseur au sixième étage puis elle implore le témoin du regard, semblant vouloir dire quelque chose sans y parvenir, et elle disparaît.

Des manifestations étranges se produiraient également au 10eme et au 11eme étage, où Elizabeth a été vue pour la dernière fois. Des objets bougeraient tout seuls dans certaines des chambres, et des téléphones portables se brancheraient d’eux-mêmes sur YouTube, diffusant des documentaires sur l’Hôtel Biltmore. Outre le fantôme d’Elizabeth, des sons étranges, des voix désincarnées et des rires résonneraient parfois dans l’hôtel. Une silhouette élégante hanterait la comptabilité, un ancien employé se promènerait dans les couloirs et des enfants sans visages apparaitraient parfois, terrifiant les clients. Mais ceci est une autre histoire…

Source: The Black Dahlia in Hollywood

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