AHS : La Vie de Marie Laveau

Après avoir fait la connaissance de Delphine LaLaurie, l’un des principaux personnages de la saison 3 d’American Horror Story, je vous propose maintenant de découvrir une autre figure emblématique de la série, Marie Laveau, une femme à la réputation sulfureuse que l’on disait sorcière.

Marie Laveau vit le jour le mercredi 10 septembre 1794 à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane. Elle était la fille de Charles Laveau, un riche planteur blanc et de Marguerite Darcantel, une créole affranchie. A cette époque, les mariages mixtes n’étaient pas permis en Louisiane, mais la loi coloniale reconnaissait un système qui permettait à une femme noire ou mulâtre de vivre dans l’une des résidences d’un  » maitre  » blanc. Cet arrangement, que l’on appelait le Placage, était donc une sorte de concubinage toléré.

Marie Laveau

En grandissant, Marie était devenue une femme d’une rare beauté et en 1819, à l’âge de vingt-cinq ans, elle épousa Jacques Paris, un homme de couleur libre, en la cathédrale Saint-Louis. Jacques Paris s’était réfugié à la Nouvelle-Orléans après la révolution Haïtienne et il exerçait la profession de menuisier. Si tous deux étaient adeptes du vaudou, ils étaient également de fervents catholiques et les esclaves de Marie étaient tous baptisés. En 1820, Jacques Paris disparut inexplicablement. Tous les regards se tournèrent alors vers Marie et de sordides rumeurs commencèrent à se propager. Si certains pensaient que Jacques avait, tout simplement, fuit ses responsabilités et qu’il était retourné dans son pays d’origine, d’autres affirmaient qu’il était un homme violent, un mari autoritaire, que Marie était loin d’être une femme soumise, ce qui expliquait tout. Personne ne sut jamais ce qu’il était advenu de lui mais cinq ans plus tard, un certificat de décès au nom de Jacques Paris fut déposé, sans acte d’inhumation. Marie Laveau devint alors la Veuve Paris, et ce surnom n’allait plus la quitter.

Après la mort de son premier mari, Marie exerça la profession de coiffeuse à domicile pour de riches femmes. Si ces dames faisaient appel à Marie Laveau, ça n’était pas tant pour s’occuper de leurs coiffures que pour lui confier leurs secrets et leurs peines de cœur. Elles espéraient, bien évidemment, que la prêtresse userait de ses pouvoirs occultes pour les aider à résoudre leurs problèmes personnels. Marie, qui prétendait pouvoir transformer leurs désirs en réalité, écoutait leurs confidences et fabriquait de petits gris-gris, des talismans, des amulettes ou des philtres d’amour en fonction de leurs requêtes. Chargés de pouvoirs maléfiques ou bénéfiques, les gris-gris étaient constitués d’entrailles de poulet ébouillanté, d’excréments canins, de sel, de poudre noire, de safran, d’herbes aromatiques ou vénéneuses, parfois d’eau bénite et devaient être placés dans l’oreiller de la personne à influencer. Comme il arrivait, bien évidemment, qu’un souhait se réalise de temps à autres, la réputation de la sorcière Vaudou s’étayait au fil des années. Outre les confidences qu’elle recevait, Marie soudoyait les domestiques des maisons afin d’obtenir divers renseignements, ce qui lui permettait de jouir d’une certaine influence, et les divers secrets mondains qu’elle apprenait lui valaient une extraordinaire réputation de voyante. Vers le milieu des années 1820, la jeune femme épousa Christophe Duminy de Glapion, un homme auquel elle allait rester fidèle toute sa vie. Christophe Duminy de Glapion faisait parti des Dragoons, un régiment de Cavalerie de Louisiane. Il était blanc, originaire de Louisiane, et issu d’une famille noble française. Pour pouvoir se marier, Christophe Glapion utilisa un audacieux stratagème: il changea de race, choisissant de se faire passer pour un homme de couleur. Des années plus tard, leurs deux enfants continuaient eux-aussi à entretenir ce ravissant mensonge. Malheureusement, en 1835, Christophe mourut dans des circonstances obscures.

La ville de la Nouvelle-Orléans avait autorisé la pratique du culte Vaudou en 1817 mais la loi spécifiait que les réunions ne pouvaient se tenir que les dimanches, et uniquement au Congo Square, nom donné à vaste pré entouré de piquets, au nord du quartier français. Vers 1820, Marie remplaça la vieille prêtresse Sanité Dédé à la Nouvelle-Orléans, devenant ainsi la plus grande Mambo de Louisiane. Après la naissance de sa première fille, Marie Philomène, elle abandonna son salon de coiffure et se consacra uniquement à la pratique du Vaudou dont elle se définissait comme la Papesse.
Marie Laveau aurait gagné sa renommée en utilisant ses dons pour faire acquitter un jeune homme accusé de meurtre. D’après la légende, un riche créole était allé la voir afin de lui demander de l’aide pour son fils. Le jeune homme avait été arrêté pour meurtre, il était sur le point d’être jugé et aucun doute n’était permis quand au sort qui l’attendait. Le père promit à Marie de lui offrir une maison si elle réussissait à sauver son fils. La nuit qui précéda le procès, Marie se rendit à la cathédrale Saint-Louis pour prier, avec trois piments de guinée dans la bouche. Le lendemain matin, elle déposa les piments sous la chaise du juge qui, a la stupeur générale, disculpa l’accusé. Certains affirment qu’elle aurait, en réalité, menacé un témoin qui craignait particulièrement la magie noire, influençant ainsi le verdict, et d’autres prétendent que maison appartenait sa grand-mère maternelle, Catherine Henry, une ancienne esclave qui l’avait achetée vers la fin des années 1790 et qu’elle avait tout simplement héritée. Quelle qu’en fut la raison, Marie Laveau reçut une maison Rue Saint-Anne et elle allait y passer le reste de sa vie.

Dans sa maison rue Saint-Anne, la prêtresse hébergeait un serpent de trois mètres, nommé Grand Zombi, qui se reposait habituellement dans un vase d’albâtre. Un chat noir et un coq au plumage doré lui tenaient également compagnie. Marie laissa longtemps entendre que son mystérieux vase d’albâtre lui était tombé un jour du ciel, avant de soutenir qu’il lui avait été offert par le duc d’Orléans, qui allait devenir le roi Louis-Philippe de France. Mais si le futur souverain s’était bien rendu à la Nouvelle-Orléans, c’était en 1798. Marie n’avait alors que quatre ans, et de ce fait, l’histoire semblait peu crédible. Marie assurait aussi qu’en 1825, le marquis de La Fayette, avait voulu faire sa connaissance lors de son séjour à la Nouvelle-Orléans, et qu’il l’avait affectueusement embrassée.

Marie Laveau portait fréquemment secours aux indigents et elle proposait régulièrement ses services pour s’occuper des blessés de guerre et des malades lors des épidémie de fièvre jaune et de choléra. Issue d’une longue lignée de guérisseurs traditionnels congolais, elle tenait de l’une de ses aïeules le secret des herbes curatives et elle travaillait sans relâche, soignant les corps autant que les esprits. Ses remèdes étaient bien plus efficaces que ceux de la médecine traditionnelle, elle était réputée pour avoir sauvé des centaines de vie et elle était, par conséquent, une guérisseuse reconnue.
Marie avait en horreur les exécutions publiques et elle visitait fréquemment les condamnés à mort afin de leur apporter quelque réconfort. L’on raconte qu’un jour, émue par l’histoire de deux accusés, elle leur assura qu’ils ne seraient pas pendus. Le moment venu, lorsque le bourreau poussa la trappe, les deux cordes attachées autour du cou des condamnés cassèrent au même moment. Tout le monde supposa, bien évidemment, que les cordes s’étaient cassées sous la volonté de la grande prêtresse. En constatant cela, le bourreau, craignant l’étendue de ses pouvoirs, décida d’exécuter les criminels suivants en huit clos.
En 1860, Marie visitait Antoine Cambre, condamné à la peine capitale, et un homme qui se montrait terrifié à l’idée du gibet. Alors un jour, elle lui apporta un filé gombo de sa confection. Le lendemain, le malheureux était retrouvé mort dans sa cellule mais il avait au moins réussi à échapper au supplice tant redouté. Ainsi grandit encore la légende de Marie Laveau.

Marie Laveau et sa fille Marie Phelomène

Marie Laveau était rapidement devenue une femme influente. Des gens venaient de toute la Louisiane pour la consulter et on lui attribuait tous les pouvoirs. Les notables et les diverses personnalités politiques de la Nouvelle-Orléans faisaient également parties de sa clientèle.
Dans sa résidence Maison Blanche, construite par elle-même et sa fille, Marie organisait des parties fines pour de riches hommes blancs de la Nouvelle-Orléans. L’on y dansait avec de jeunes beautés noires, complètement nues, choisies par la maitresse des lieux, l’on y buvait beaucoup puis la fête se terminait en orgie. Marie ne participait à rien. Elle se contentait de regarder tout en se balançant dans son rocking-chair placé à l’angle de la pièce.
Si elle était respectée pour ses dons de guérisseuses et pour son fabuleux sens des affaires, Marie Laveau était également crainte. Outre les soupçons d’empoisonneuse qui pesaient sur elle, ses pratiques Vaudou lui valaient une sulfureuse réputation.

Le Vaudou avait été importé en Louisiane par des esclaves noirs venus de Saint-Domingue en compagnie de leurs maitres. En 1850, on comptait trois cent adeptes de ce culte, sur qui la grande prêtresse détenait un pouvoir absolu.
Les nuits de pleine lune, en un lieu isolé, les cérémonies d’initiation se déroulaient sous la présidence de Marie enlacée de son serpent. A l’intérieur d’un cercle tracé sur le sol avec du sel se succédaient des danses frénétiques, rythmées par des tam-tams, des transes, des flagellations, des cris, etc…
La rumeur affirmait que la prêtresse frayait avec les crocodiles et qu’elle parlait à Lucifer en personne. Buvant du sang frais, préparant d’horribles breuvages écœurants, elle dansait, à la lueur des flammes, au milieu de sorcières secouées par le démon et possédées par l’esprit du Grand Zombi.
Si l’on en croyait ses adeptes, une croix tracée avec du sel sur le seuil de celui ou de celle à qui l’on voulait du mal engendrait troubles et insomnies, une pièce de 10 cents portée à la cheville protégeait du mauvais sort et s’enduire les seins d’une certaine crème dont Marie gardait le secret parait les plus plates des femmes d’irrésistibles attraits.
Marie Laveau dirigeait ces cérémonies avec sa fille Marie Philomène, qui lui ressemblait tellement que l’on aurait dit des jumelles. Sa fille allait d’ailleurs acquérir une renommée presque aussi grande que celle de sa mère dans la pratique du Vaudou. Si Marie fut à l’origine de nombreux philtres, potions et élixirs et si elle prenait très au sérieux son rôle de prêtresse, elle vendait également des billets aux curieux  » amateurs de sensations fortes  » qui demandaient à assister aux cérémonies.

Des nombreuses rumeurs rapportaient que Marie Laveau avait eu un enfant diabolique et qu’elle avait aidé Delphine LaLaurie à en concevoir un.
L’une d’entre elles expliquait que Marie avait donné naissance à six filles, ce qui ne convenait guère à son mari qui souhaitait désespérément un fils. Aussi, lorsqu’elle était tombée enceinte pour la septième fois, avait-il demandé l’intervention de l’une de ses amies, adepte du Vaudou elle-aussi. Mais cette femme, qui n’aimait guère Marie, avait lancé une terrible malédiction sur l’enfant à naitre: si c’était un garçon, alors il serait le fils du Diable. Apparemment, elle avait obtenu satisfaction. A sa naissance, le bébé présentait des cornes, des yeux rouges, des sabots, des griffes et une queue. Il tentait fréquemment de mordre Marie et ses sœurs, et l’on disait même qu’il dévorait les nourrissons du voisinage. Marie aurait fini par l’étrangler de ses propres mains une nuit où il faisait ses dents. Une autre version de cette même histoire prétendait que Marie l’avait enfermé au grenier et qu’il avait été retrouvé mort et momifié lorsque sa maison s’était effondrée. Depuis, l’enfant maléfique errait dans les rues.
Une dernière racontait que Marie Laveau avait décidé de castrer son bébé diabolique car elle ne voulait pas permettre à quelque chose d’aussi mauvais de se reproduire. Mais, alors qu’elle jetait un très puissant sortilège Vaudou, ses deux testicules ensanglantés étaient tombés sur le sol se transformant immédiatement en deux entités démoniaques qui avaient aussitôt attaqué la grande prêtresse, la tuant presque. Terrifiée, Marie s’était alors débattue, mais elle avait fini par s’évanouir sous la douleur. Quand elle avait repris ses esprits, l’enfant du Diable avait disparu.

L’on disait également que Marie fréquentait Delphine LaLaurie, qu’elle avait initiée aux secrets de la sorcellerie et du Vaudou, et que les deux femmes étaient très liées. Marie avait aidé Delphine et son mari à concevoir un enfant diabolique dont elle était devenue la nourrice par la suite. Elle le nourrissait d’absinthe et de sang de chèvres. Au moment de sa fuite, Delphine avait abandonné l’enfant qui hantait la Nouvelle-Orléans depuis.

En 1870, Marie Laveau, alors âgée de 76 ans, se retira de la pratique du Vaudou et sa fille prit sa succession.
A la fin de sa vie, Marie semblait toujours bénéficier d’une éternelle jeunesse, si bien qu’on la confondait souvent avec sa fille Marie Philomène. Elle mourut le 16 juin 1881 et, le lendemain, les journaux de la Nouvelle-Orléans annoncèrent que son corps décapité avait été retrouvé au sommet de la tour de sa propre maison.

Tombe de Marie Laveau, avant et après

Marie Laveau fut enterrée au cimetière Saint-Louis, à la Nouvelle-Orléans qui devint rapidement un lieu de pèlerinage pour ses nombreux fidèles. Mais l’histoire ne finit pas là car peu de temps après, certains témoins affirmèrent l’avoir vue. L’on supposa alors que la femme qu’ils avaient aperçue n’était autre que sa fille, mais cette affirmation fit naître une nouvelle légende: Marie Laveau et Marie Philomène ne faisaient donc qu’un. A la mort de sa mère, Marie Philomène de Glapion décida de se faire appeler Marie Laveau, tout comme sa mère, plongeant un peu plus encore les esprits dans la confusion. Marie Philomène devait mystérieusement disparaître lors de l’incendie du Quartier Français.

De nos jours, la tombe de Marie Laveau est toujours visitée. Certains y déposent des fleurs ou des offrandes et d’autres y tracent des croix, persuadés que, par-delà la mort, Marie Laveau a toujours le pouvoir de réaliser les souhaits de ceux qui s’adressent à elle.
Vers la fin du mois de décembre 2013, pour une raison inconnue, son tombeau fut repeint en rose par un inconnu. L’on ignore si ce fut là l’œuvre d’un vandale ou celui d’un admirateur, mais je ne peux m’empêcher d’y voir une sorte d’hommage.

Partager:
Subscribe
Me prévenir
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments