Le Diable, Histoires Vraies

Le Diable Impoli

En 1557, à Toulouse, le Diable s’était installé dans la maison d’un cordonnier. Il jetait des pierres partout et un coffre qui se trouvait fermé à clef s’en trouvait régulièrement rempli. La femme du savetier Poudot avait beau le vider, il se remplissait toujours. Ce phénomène fit énormément de bruit dans la ville et le président de la cour de justice, M. Latomy, vint voir cette merveille.

Mais alors qu’il rentrait dans la chambre où se trouvait ce coffre, le Diable fit voler son bonnet d’un coup de pierre. Effrayé de cette irrévérence, le président s’enfuit à tout hâte. Il aurait bien, précisait le narrateur, fait arrêter ce diable impoli, pour lui avoir manqué de respect. Mais, craignant un matin de voir voler sa tête, il abandonna son projet en faisant des signes de croix. On ne délogea qu’avec peine cet esprit, qui faisait d’aussi amusants tours de physique.

Le Démon d’Argent

Une  » gazette  » de 1538 racontait l’histoire étrange, incroyable et pourtant très véridique, d’un démon d’argent, histoire dont tout Francfort avait été témoin et dont le prédicant André Eber, les magistrats et les échevins de la cité garantissaient solennellement l’authenticité.

Le démon avait pris possession d’une servante, connue depuis longtemps pour faible d’esprit. Quand cette servante touchait de la main l’habit, la barrette, la main, la manche, la barbe, la tête de quelqu’un, lorsqu’elle heurtait une table, un banc, une pierre, du bois, de la terre, on en voyait aussitôt sortir de l’argent, qu’elle portait à sa bouche et qu’elle mordait, si bien qu’on en entendait le son et que l’on voyait briller les pièces entre ses dents.

De même, la nuit, couchée dans son lit, surveillée par une personne qui ne la perdait pas de vue, dès qu’elle touchait son édredon, son bois de lit, son oreiller, il en sortait de l’argent qu’on entendait tinter; elle en remplissait sa bouche, à tel point qu’on craignait souvent qu’elle ne mourût étranglée. Elle distribuait d’elle-même à plusieurs braves gens l’argent qu’elle obtenait ainsi et c’était de la monnaie courante parfaitement valable.

Barrabam l’Ingrat

Dans le Dauphiné, il existait un Inquisiteur. Son vicaire, le Franciscain Louis Bruni (ou Brun) surveillait le Vivarais, où il fit un jour arrêter une femme, Catherine Peyretonne, veuve de Mouton Eyraud. L’acte d’accusation de la malheureuse l’inculpait d’avoir connu le diable charnellement, par sodomie, hors des voies naturelles. Elle s’était également rendue au sabbat où elle avait tenu conseil avec les autres fidèles, dans le dessein de tuer et de maltraiter le peuple, de lui infliger tous les maux et dommages possibles et de faire périr les fruits de la terre et les récoltes. Elle y avait même mangé de la chair d’enfants. Dans son interrogatoire, la pauvresse avoua tout ce qu’on voulut, y compris les hommages au diable, le baiser au derrière, avec une chandelle noire que le maître baillait aux assistants. Elle rapporta que le feu du sabbat était bleu et qu’elle y allait sur un bâton que lui avait donné le diable Barrabam. Malheureusement, ce diable ne l’empêcha pas d’être brûlée vive à Montpezat, le 9 octobre 1519 (Baissac, p. 339).

La Bonne Fortune de Nicole Aubry

En 1566, Nicole Aubry, fille d’un boucher, mariée à un tailleur, était allée prier sur le tombeau de son grand père, mort sans confession. Soudain, elle crut le voir sortir de son tombeau et lui commander de dire des messes pour le repos de âme, qui était en purgatoire. Cette jeune femme en tomba malade de frayeur. Comme la maladie de diminuait pas, on s’imagina que le diable avait pris la forme de Vieilliot, le grand-père de Nicole, et qu’elle était maléficiée.
Claude Lautrichet, curé, et maître Guillaume Lourdet, maitre d’école, conjurèrent l’esprit, qui voulait se faire passer pour le fantôme du défunt mais qui, à ses paroles et à ses actes, avait été jugé démoniaque. Pierre Delamotte, religieux jacobin et grand exorciste, fit avouer à l’esprit qu’il était Belzébuth. On ordonna des prières, des jeûnes et des macérations. Un moine se fouetta publiquement dans l’espoir d’obtenir de Dieu l’expulsion du démon du corps de Nicole Aubry, en vain.

Lors d’un exorcisme, on fit communier la possédée, et elle cessa de gambader. Un prêtre, transporté de joie, s’écria alors, en parlant au diable: O maître Gonin, te voila vaincu!

Mais, une fois l’hostie digérée, Satan revint et paralysa les membres de Nicole. Vingt-neuf autres démons, noirs et sous la forme de chats, gros comme des moutons, vinrent alors renforcer Belzébuth. Vingt-six furent chassés à Notre-Dame-de-Liesse, un autre prit la fuite à Pierrepont mais le démon déclara que le reste de la meute ne partirait que devant messire Jean de Bourg, évêque et duc de Laon.

Les moines qui se trouvaient à Vervius, en compagnie de la possédée, la conduisirent alors à Laon. Un médecin protestant vint visiter Nicole Aubry mais l’évêque, redoutant ces visites, ordonna à Spifame, chevalier de Saint-Jean, de lui donner asile et, quelques jours plus tard, il exorcisa en personne la malheureuse. Il chassa de son corps Astaroth, qui disparut sous la forme d’un porc, Cerbérus sous la forme d’un chien et enfin Belzébuth sous la forme d’un taureau, qui confessa la présence réelle dans l’Eucharistie. S’éleva ensuite une fumée, l’on entendit deux coups de tonnerre et un brouillard épais environna les clochers. Le diable disparut dans ce brouillard.

Nicole Aubry était presque morte. Elle fut rendue à la santé par une oraison que Saint-Bernard avait composée et que l’évêque récita sur sa tête. Après cela, suivant l’histoire, il jeûna toute la journée afin de se disposer à lui pendre au cou un papier la protégeant, ce qui était une chose admirable pour un homme qui était duc et ecclésiastique.

Charles IX, qui se trouvait à Laon le mardi 27 aout 1566, se fit rendre compte du miracle. Nicole Aubry parut donc devant le roi et Catherine de Médicis au parc du Marchais, et Son Altesse fit donner donner dix écus à son mari. (Histoire rapportée par Boulvèse, professeur d’hébreu au collège de Montaigu)

L’habile Magicien

En 1804, on jugea à Amiens un homme sur lequel on avait saisi un grimoire qu’il suffisait de toucher pour faire venir le diable. Le ministère public, en présence du peuple, en fit l’ouverture. Comme les puissances de l’enfer ne se pressaient pas de paraitre, le sorcier s’écria qu’il fallait que le commissaire du gouvernement fût plus habile magicien que lui pour réduire ainsi le diable au silence.

Les Usurpateurs

Non loin de Rotenbourg sur la Tauber, trois démons entrèrent un jour dans une auberge. L’un d’eux était habillé comme un gentilhomme et les deux autres, comme des serviteurs. L’aubergiste les exorcisa au nom du Christ et ils prirent aussitôt la fuite, laissant derrière eux une puanteur insupportable. Dans la salle d’auberge gisaient les trois cadavres que les démons venaient de détacher de la potence dans le dessein de s’en servir. (Histoire rapportée par Witekind)

La Pierre Démoniaque

Dans la vallée de la Vierre, près du domaine des Croisettes, un gros caillou jouissait d’une mauvaise réputation. C’était autour de cette pierre que les druides, puis les sorcières, organisaient autrefois leurs cérémonies.

Il y a plus de cent ans, trois charbonniers s’installèrent non loin de cette pierre mais une nuit, une main malveillante sabota leur travail. Le lendemain, voulant sauver ce qui pouvait l’être, les trois hommes se mirent à l’œuvre jusque bien après le coucher du soleil mais survint bientôt un orage qui déferla sur la forêt. Dans la lumière intermittente des éclairs, les charbonniers aperçurent des silhouettes gesticuler du côté de la pierre. S’approchant discrètement, ils reconnurent le diable entouré de douze sorcières, lesquelles dansaient, criaient, se trémoussaient devant leur très vénéré maître. Gardant leur sang-froid, les trois hommes restèrent jusqu’à la fin du sabbat. Ainsi, ils apprirent que c’était l’incendie de la meule qu’on fêtait là, le diable n’aimant pas les charbonniers.

Quelques jours plus tard, les trois hommes revinrent sur les lieux accompagnés de Saint-Thibaut. Celui-ci, muni d’un seau d’eau bénite et de son goupillon, aspergea copieusement la pierre diabolique en prononçant plusieurs fois la formule d’exorcisme: Vade Rétro Satanas. Aussitôt, des cris de douleurs s’échappèrent de la pierre qui, délivrée du démon, ne fit plus jamais parler d’elle.

La Possédée

En 1535, à Schremberg, toute la ville fut mise en émoi par un exorcisme sensationnel. Il s’agissait de délivrer d’un démon une noble dame, Cunégonde de Pilgram. Le diable, poussé à bout par le pasteur, hurla tellement que les assistants n’eurent pas le courage de rester dans l’église. Il entraînait à plus d’un mètre la tête de la possédée, si bien qu’il semblait que cette tête n’appartînt plus à son corps. Il se montra à tous les regards, semblable de corps et de visage aux représentations qu’on en faisait ordinairement, et épouvanta tous les auditeurs par ses blasphèmes.

Le Feu au Corps

Ambroise Paré racontait qu’un domestique nommé Boucher, étant profondément plongé en vaines cogitations de luxure, avait vu apparaître un diable sous la forme d’une belle femme. Il avait copulé charnellement mais soudain, ses parties génitales avaient commencé à s’enflammer. Le malheureux se consumait, il lui semblait avoir du feu dans le corps mais, fort heureusement, la mort avait rapidement mis fin à ses tourments.

Le Bouquet des Sorcières

Le Pâquis des poules est un carrefour forestier situé dans les Ardennes. Six chemins caillouteux convergent vers cet endroit perdu dans les bois, qui était jadis un lieu habituel de sabbat. Certaines nuits, le diable y tenait sa cour. Les esprits infernaux qui l’accompagnaient prenaient alors l’apparence de poules noires picorant le gazon et tous les sorciers et les sorcières du pays s’y donnaient rendez-vous.

Un jour, trois pauvres filles furent assez imprudentes pour s’y rendre. Elles y allèrent tout d’abord par curiosité, puis éblouies par le Malin, elles se livrèrent à lui, corps et âmes, en échange de pouvoirs et d’argent. A quelque temps de là, elles songèrent à se marier avec trois garçons du voisinage. Irrité par ce projet, le diable métamorphosa les jeunes filles en trois vieilles femmes hideuses qui furent aussitôt repoussées par leurs prétendants. A ceux-ci, Satan réserva un autre sort: tous trois périrent écrasés sous un arbre. La vindicte populaire accusa les sorcières qui furent brûlées vives dans leur hutte. Le lendemain, au milieu des cendres encore chaudes, on vit trois peupliers sortir d’une même souche et grandir à vue d’œil. Cet endroit fut nommé le Bouquet des Sorcières.

Parfois, quand le vent du nord les agitait, les arbres poussaient des gémissements, des sanglots. C’était les âmes des sorcières qui, pensait-on, demandaient des prières. Pendant longtemps, les trois peupliers furent l’objet d’une espèce de pèlerinage, particulièrement suivi par les jeunes filles désireuses de se marier. Finalement, délivrées des tourments du Purgatoire, les âmes cessèrent leurs plaintes, et le Bouquet des Sorcières disparut sans que personne ne se souvienne de son emplacement. (Cette histoire est tirée de l’ouvrage de Jules Garinet, Histoire de la magie en France, 1818)

Le Sacrifice

En 1581, à Dalhem, un petit village situé entre la Moselle et la Sarre, un homme marié ayant un petit garçon éprouva soudainement un amour violent pour une jeune fille du même lieu.
Un jour qu’il songeait à sa bien-aimée, elle lui apparut soudain dans la campagne, ou le démon sous sa figure. Pierron lui découvrit alors sa passion et elle promit d’y répondre à condition qu’il se livra à elle et lui obéisse en toutes choses. Pierron y consentit et consomma son abominable passion avec ce spectre.

Peu de temps après, le démon lui demanda, en gage de son amour, de lui sacrifier son fils unique et il lui donna une pomme afin de le tuer. Lorsque l’enfant gouta la pomme, il tomba raide mort, ce qui mit le père et la mère au désespoir.
Le démon se montra aussitôt et promit à Pierron de rendre la vie à son enfant s’il voulait l’adorer. Le paysan se mit à genoux et son enfant se ranima. Il était le même qu’auparavant mais plus maigre, plus havre, plus défait, les yeux battus et enfoncés, les mouvements plus lents, l’esprit plus stupide.

Au bout d’un an, le démon qui l’animait l’abandonna dans un grand bruit. Le jeune garçon tomba alors à la renverse. Son corps, infect et d’une puanteur insupportable, fut tiré dehors avec un croc et enterré dans un champ. Selon Nicolas Remy, connu pour son ouvrage Démonolâtrie qui traitait des démons, des sorciers et des sorcières et qui parut en 1592, le démon dont il était question ici se nommait Abrahel.

En 1599, Antide Colas de Bétoncourt, qui était soupçonnée de commerce charnel avec Satan, fut visitée par Nicolas Millière de Regnancourt, chirurgien, qui sonda un trou qu’elle avait au-dessous de sa partie gorrière. A cette occasion, la sorcière confessa que le diable, qu’elle nommait Lizabet, la connaissait charnellement par ce trou, et son mari par le naturel. Malheureusement, avec le temps, ce trou s’était resserré et il n’en restait plus qu’une cicatrice. La malheureuse fut brûlée à Dôle.

Les Assassins

En 1818, au village de Tilouze, Julien Desbourdes, âgé de cinquante-trois ans et maçon de métier, tomba brusquement malade et se crut ensorcelé. Il en fit part à son gendre Bridier qui lui conseilla d’aller consulter avec un lui un nommé Baudoin qui passait pour sorcier. Les trois hommes se présentèrent chez le vieillard Renard dans la nuit du 23 janvier 1818, et l’accusèrent d’avoir jeté un sort. Desbourdes le sollicita vivement de lui rendre la santé mais Renard refusa de lever un sort que, disait-il, il n’avait pas envoyé.
Les trois hommes, pour le contraindre à lever ce maléfice, lui mirent alors des cartes soufrées sous le nez. Le vieillard tomba asphyxié et on le crut mort. Desbourdes et Bridier le jetèrent dans une mare voisine, pour détourner les soupçons du meurtre. Renard fut alors saisi par la fraichir de l’eau et il ouvrit les yeux. Desbourdes et son gendre, craignant d’être signalés comme assassins si le vieillard venait à parler, le plongèrent de nouveau dans la mare et le privèrent de la vie.
Desbourdes et Bridier furent tous deux condamnés, par la cour d’assises de Tours, à la marque et aux travaux forcés à perpétuité. Quand à Baudoin, il fut acquitté.

Les Métamorphoses

Dans ma jeunesse, disait le narrateur calviniste Witekind, alors que j’étais étudiant à Francfort-sur-l’Oder (1547), il arriva qu’au mois d’août, dans le Mecklembourg, chez un seigneur de notre voisinage, un gros chien massif, portant au cou un collier blanc, entra tout à coup dans la cour. Immédiatement, les chiens de chasse coururent vers lui et le mordirent. Comme ils ne parvenaient pas à le chasser, les garçons d’écurie accoururent armés de fourches et d’épieux, l’accablèrent de coups et le blessèrent grièvement. Soudain, ce chien se métamorphosa en une vieille femme qui demandait piteusement qu’on voulût bien l’épargner. On se saisit d’elle et on la mit en prison.

Le docteur Willichius, médecin de profession, fit de ce fait le sujet d’une dispute publique à l’Université. Il parla très doctement des transformations d’hommes en animaux, démontrant et établissant, à l’applaudissement de tous les savants qui l’entouraient, qu’il n’y avait guère là qu’une illusion d’optique qu’avaient subie, dans le cas dont je parle, non seulement les hommes, mais aussi les chiens. Le démon avait substitué la femme au fantôme du chien, l’avait assistée jusqu’à la prison, puis, ayant assez d’elle, l’avait abandonnée.

Épidémie Diabolique

Diable

Les phénomènes sataniques qui se produisirent, en 1593, dans la Marche du Brandebourg, eurent un immense retentissement. Des  » gazettes très véridiques  » en répandirent en tous lieux les moindres incidents. Dans la petite ville de Friedeberg, en Misnie la population était terrifiée. Le diable avait pris tout à coup possession de plus de soixante personnes de tout âge et de tout sexe, et les avait si barbarement torturées que, soit dans les églises, soit ailleurs, on avait eu bien à faire pour venir à bout de ces pauvres affligés.

Pendant un prêche, un pasteur protestant avait été brusquement terrassé par le démon. A Friedeberg, le nombre des possédés était monté jusqu’à 150. Cette cruelle épreuve durait encore lorsqu’au mois de novembre 1594, à Spandau, le démon prit possession de plus de quarante personnes à la fois, jeunes pour la plupart, garçons et filles, peu de vieillards. Il ne fallait pas moins de cinq à six hommes vigoureux pour venir à bout de l’un de ces possédés qui étaient tellement agités que le Conseil fit sceller des anneaux de fer dans les murs pour y attacher, par des chaînes, les malheureux.

Le diable fit aussi des siennes à Berlin, en 1594. Là, comme à Spandau, on trouva, aux environs de Noël, en divers endroits, des monnaies d’or et d’argent de provenance inconnue. Tous ceux qui les touchaient étaient aussitôt possédés par le diable, et un vacarme diabolique jetait l’épouvante parmi la population de la Marcbe et des pays voisins.

Orage Diabolique

En 1620, le tonnerre tomba sur la cathédrale de Quimper-Corentin et réduisit en cendres une tour toute entière. On craignit pour l’édifice et l’évêque, accompagné du chapitre, jeta dans le feu des Agnus Dei, un pain de seigle de quatre sous et une hostie consacrée, le tout trempé d’eau bénite et du lait d’une femme-nourrice de bonne vie. On s’imagina que le diable y était pour quelque chose et quelques esprits crédules crurent le voir. Il n’en fallut pas davantage pour écrire une relation fort circonstanciée dans laquelle on chargeait Satan de cet incendie.

Le Gentilhomme

Le 1er janvier 1613, un gentilhomme parisien, en rentrant chez lui, trouva devant sa porte une demoiselle qui s’impatientait après son laquais parce qu’il ne revenait pas la reprendre. Il pleuvait et le courtois gentilhomme l’engagea donc à entrer. Après avoir fait des difficultés, la demoiselle accepta sous la condition de rester seule dans sa chambre. L’heure du souper arriva. Le gentilhomme la traita du mieux qu’il lui était possible et lui tint de doux propos d’amour. Ensuite, il se retira, laissant la demoiselle aller se coucher. La nuit, il ne put dormir et, par une audace que seul l’amour peut donner, il s’introduisit chez sa belle sous prétexte de lui demander si elle avait besoin de quelque chose. Peu à peu, en discutant, il coula la main sur le sein, ce qu’elle endura. Enfin, après plusieurs poursuites, il obtint quelques baisers avec promesse d’autre chose. Finalement, il se coucha près d’elle, et n’eut plus rien à désirer. Après cette galante expédition, notre gentilhomme regagna son lit.

Le lendemain, il envoya son laquais éveiller la demoiselle. Le laquais vint dire à son maitre que cette demoiselle était fatiguée et qu’elle demandait à dormir la matinée. Le gentilhomme sortit pour aller faire un tour de promenade puis, en apprenant à son retour que la belle n’était pas encore levée, il entra dans la chambre, faisant du bruit. La demoiselle ne donnait aucun signe de vie. Il s’approcha alors, et vit un corps inanimé. On appela la justice et les médecins. Ces derniers déclarèrent que c’était le corps d’une femme qui avait été pendue, et que c’était un diable qui s’était revêtu de son corps afin de décevoir ce pauvre gentilhomme.

Le chroniqueur de ce récit terminait son histoire par cette moralité:
 » C’est un avertissement pour ceux qui lâchent la bride à leurs passions, et qui se laissent séduire par le démon, père de toute paillardise. « 
(Le 1er janvier 1613, à Paris. Histoire prodigieuse d’un gentilhomme, auquel le diable a apparu, et avec lequel il a conversé sous le corps d’une femme morte.)

La Légion Diabolique

Le démon s’était alors installé au monastère de St-Pierre à Lyon. Il fut conjuré par un évêque. Forcé de quitter sa proie, le diable, en signe de vengeance, éteignit les chandelles et sonna la cloche. Le prélat frappa alors trois fois la terre de son pied et excommunia l’esprit. On vit alors qu’il n’était pas seul; car trois prêtres vêtus d’aubes, qui jetaient de l’eau bénite partout, en firent déloger une légion du dortoir. Les diables ne sachant où se retirer s’emparèrent alors d’une novice, au grand effroi des autres religieuses, mais l’abbesse, plus vaillante, saisit la démoniaque, elle appela à son secours les exorcistes, qui forcèrent les diables dans leur dernier retranchement, et le couvent se trouva délivré.

Mimi, Zozo et Crapoulet

En 1816, à Teilly, en Picardie, une jeune fille était tombée enceinte. Afin de couvrir cet accident, elle se mit à clamer qu’elle était possédée par trois diablotins qui s’appelaient Mimi, Zozo et Crapoulet. La fille allait dans les rues à quatre pattes, tantôt en avant, tantôt en arrière. Quelquefois elle marchait sur ses mains, les pieds en l’air, au risque de mettre les passants dans la confidence de sa position. Mimi, disait-elle, la poussait en avant. Zozo l’entrainait en arrière et le malin Crapoulet s’amusait à lui tenir les jambes en l’air.

Un des vieux fils de Loyola, à la piste des bonnes aventures, savait reconnaitre les diables. Il s’empara de la possédée et l’exorcisa. Mimi sortit sans bruit, Zozo fut plus tenace et cassa une vitre de l’église en s’échappant sur les toits. Quant à Crapoulet, ce fut en vain qu’on le poursuivit, armé de goupillons, mais il ne voulut pas en démordre et il redescendit bientôt et finit par prendre position dans l’intimité de la demoiselle.

Partout dans Amiens il n’était bruit que de cette aventure quand les autorités crurent bon d’arrêter ce scandale. Un homme plein d’esprit apprit de la possédée qu’elle était enceinte et il lui fit obtenir un billet d’hôpital. Quant à l’exorciste, on lui interdit de pratiquer son art à l’avenir, sous peine d’être traduit devant la police. (Le Dictionnaire Infernal de Jacques Collin de Plancy)

Un jésuite habile tira des démons du corps d’une jeune fille de Teilly, près d’Amiens, en 1816. Ils étaient trois : l’un déclara se nommer Mimi, l’autre Zozo, et le troisième Crapoulet. Mimi et Zozo, à qui l’eau bénite fit lâcher prise sans trop de difficulté, ont paru authentiques aux dévotes : on avait vu Zozo fuir à tire-d’aile et s’ouvrir une issue en cassant un carreau de vitre des bas-côtés de l’église pour échapper à l’aspersion, et Mimi gagner clopin-clopant une porte du fond sans demander son reste. Relativement à Crapoulet, il y a doute ; il s’était effrontément cramponné aux pudenda de la demoiselle, et rien ne put l’en déloger. De guerre lasse, après avoir épuisé l’eau de tous les bénitiers et les prières sans nombre du formulaire appelé le Fléau des Démons du révérend père Menghi, l’exorciste dut abandonner la partie.

D’un autre côté, l’autorité civile, ayant eu l’indiscrétion de mettre son nez dans l’affaire, crut découvrir que la jeune possédée, une rusée drôlesse, grasse et rebondie, était travaillée d’autre chose que de vapeurs démoniaques, et elle jugea que ledit Crapoulet pouvait bien n’être que le fait de quelque gros gars du voisinage. (Le Diable : la Personne du Diable, le Personnel du Diable de Jules Baissac)

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