Le Fantôme de Teresita Basa

Teresita BasaLe 21 février 1977, à 8h30 du matin, les pompiers d’Evanston, dans la banlieue de Chicago, reçurent un appel qui leur signalait que l’alarme incendie d’un grand immeuble venait de se déclencher. En arrivant sur les lieux, ils comprirent rapidement que l’appartement 15B était en flammes et comme personne ne leur répondait, deux des hommes forcèrent la porte. Suivant la fumée noire qui s’échappait de la chambre, ils s’aperçurent qu’un matelas roulé au pied du lit était en train de brûler. Après avoir éteint les flammes, les pompiers ouvrirent les fenêtres pour laisser sortir la fumée mais quand ils voulurent déplier le matelas, qui était maintenant imbibé d’eau, ils découvrirent le corps nu d’une femme dissimulé à l’intérieur, qui avait les jambes écartées et un couteau planté dans le torse.

Née en 1929, aux Philippines, la victime s’appelait Teresita Basa, elle était âgée de 48 ans et elle travaillait comme inhalothérapeute, peut-être car son propre père était mort d’une maladie respiratoire, à l’hôpital Edgewater de Chicago. L’enquête détermina qu’elle parlait à un ami au téléphone quand la sonnette de la porte d’entrée avait retenti et connaissant visiblement son visiteur, elle lui avait ouvert sans hésiter. Une fois à l’intérieur, l’homme se trouvait derrière elle quand brusquement il lui avait enserré le cou de son bras, l’étranglant jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. Une fois sa victime inconsciente, il avait fouillé dans son sac à main pour y voler le peu d’argent qui s’y trouvait, puis il avait vandalisé l’appartement avant de revenir vers elle. Après lui avoir enlevé tous ses vêtements, il avait pris un couteau de boucher dans la cuisine et il l’avait planté dans son torse avec une telle violence qu’il l’avait traversé. L’homme, qui voulait maquiller son crime en accident, avait ensuite mis le feu au matelas avec un morceau de papier enflammé, puis il avait enveloppé sa victime à l’intérieur et il était sorti précipitamment de l’appartement. Vu la posture du corps les enquêteurs pensaient que la victime avait été violée mais l’autopsie révéla que Teresita était encore vierge au moment de sa mort. Rien d’autre n’avait été volé dans l’appartement. La police n’avait aucun suspect, aucun indice, si ce n’était quelques empreintes et une note qui disait qu’un certain AS devait lui donner des billets de théâtre.

Remibias Chua, que tout le monde appelait Remy, était philippine elle-aussi. Elle travaillait dans le même service que Teresita et si elle l’avait vue à plusieurs reprises, elle ne la connaissait pas vraiment. Deux semaines après le drame, Remy discutait du meurtre avec ses collègues quand regrettant que personne n’ait encore été arrêté, l’un d’eux s’écria:  » Teresita doit se retourner dans sa tombe. C’est dommage qu’elle ne puisse pas dire à la police qui l’a tuée.  » En entendant ces mots, Remy sourit tristement et plaisantant à moitié elle lui répondit:  » Elle peut venir à moi en rêve. Je n’ai pas peur.  » Puis, comme elle était de nuit et que sa garde était loin d’être terminée, elle se rendit dans la salle de repos de l’hôpital pour se reposer un peu. Il était alors deux heures du matin. Elle somnolait, assise sur une chaise, quand soudain quelque chose lui fit ouvrir les yeux et un cri lui échappa. Là, juste devant elle, se trouvait Teresita Basa, qui était aussi solide qu’une personne vivante. Un cri de surprise lui échappa et se levant précipitamment de son siège Remy sortit de la pièce sans plus attendre.

Au cours des semaines suivantes, certaines des camarades de Remy lui firent remarquer qu’elle ressemblait de plus en plus à Teresita et qu’elle se comportait comme elle. Le Dr José Chua, son mari, nota lui-aussi que Remy semblait changer de personnalité. Elle qui était habituellement ouverte et bonne vivante devenait renfermée et caractérielle, tout comme l’était autrefois la malheureuse Teresita.

Vers la fin du mois de juillet, cinq mois après le meurtre, Remy Chua était en train de travailler quand brusquement, apercevant Allan Showey, un garçon de salle, son cœur se mit à battre violemment et une inexplicable panique l’envahit. Allan était un grand homme noir, musclé, aux manières des plus rassurantes et il avait toute sa confiance mais bizarrement, de le voir derrière elle l’avait terrifiée. Pensant qu’elle souffrait de fatigue nerveuse, Remy demanda à rentrer chez elle, ce qui lui fut accordé. Cette nuit-là, elle se mit à parler pendant son sommeil son mari l’entendit, qui tenait des propos incompréhensibles. Elle semblait répéter:  » Al-Al-Al…  »

Le lendemain matin, quand elle se réveilla, Remy lui expliqua que dans son rêve elle se trouvait dans une pièce remplie de fumée mais qu’elle ne se souvenait de rien d’autre. Tout au long de la journée elle se sentit malade tant et si bien qu’elle finit par appeler ses parents, leur demandant de venir la chercher à l’hôpital. Une fois de retour chez elle, la jeune femme prit un fort sédatif et après s’être glissé dans ses draps, elle s’endormit aussitôt. Quelques heures plus tard, elle commença à balbutier quelques mots en espagnol, une langue qu’elle ne parlait pas et brusquement inquiet son mari s’agenouilla près du lit et lui demanda:
–  » Qui es-tu?
– Je suis Teresita Basa, répondit alors Remy d’une voix qui ne ressemblait en rien à la sienne.
– Que veux-tu?
– Je veux de l’aide. Rien n’a été fait à propos de l’homme qui m’a tuée.  »

Quelques minutes plus tard, Teresita disparut et Remy redevint elle-même. Le surlendemain, la jeune femme ressentit une douleur dans sa poitrine puis une étrange lourdeur sembla l’écraser, comme si quelqu’un s’appuyait sur son corps. Comprenant ce qui lui arrivait, Remy se tourna alors vers sa mère et lui signala que Terrie était revenue. Quand le Dr Chua revint du travail, il retrouva sa femme alitée mais avant qu’il n’ait pu prononcer une seule parole elle lui demanda d’une voix accusatrice s’il avait prévenu les autorités. Le médecin secoua alors la tête en signe de négation puis il lui expliqua qu’il ne pouvait pas aller trouver la police sans preuve et que les choses n’étaient pas si simples.  » Allan m’a tuée, insista la voix. Je l’ai laissé rentré dans l’appartement et il m’a tuée.  »

Comme la possession de Remy commençait à affecter toute la famille et qu’elle perturbait grandement leurs quatre enfants, José décida d’en parler au Dr Winograd, qui était son supérieur hiérarchique à l’hôpital de Franklin Park. Le Dr Winograd écouta toute l’histoire, qu’il prit d’ailleurs très au sérieux, mais pensant que la police aurait du mal à le croire, il lui conseilla d’écrire une lettre anonyme exposant les faits qui lui avaient été révélés. Quelques temps plus tard, avant que son mari n’ait eu le temps d’écrire cette fameuse lettre, Remy connut une nouvelle crise et la voix de Teresita s’éleva encore une fois de sa bouche, qui voulait savoir pourquoi José Chua n’avait pas fait ce qu’elle lui avait demandé. Le médecin, qui se montrait d’une grande patience, lui répéta qu’il ne pouvait aller voir la police sans preuve mais Teresita avait du réfléchir au problème car elle lui répondit:  » Dr Chua. L’homme, Allan Showery, m’a volé mes bijoux et les a donnés à sa petite amie. Ils vivent ensemble.
– Mais comment pourront-ils être identifiés?
– Mes cousins, Ron Somera et Ken Basa, peuvent les identifier. Tout comme mes amis, Richard Pessoti et Ray King.  »

La voix lui donna alors le numéro de téléphone de Ron Somera, puis elle lui rajouta:  » Al était venu arranger ma télévision et il m’a tuée puis brûlée. Dites-le à la police.  »

Fort de ses nouvelles révélations, le Dr Chua téléphona au poste de police d’Evanston. Le 8 juillet 1977, l’inspecteur Joseph Stachula se présenta au domicile de M. et Mme Chua et l’histoire qu’ils lui racontèrent le stupéfia. D’une étrange manière, il avait l’intime conviction qu’ils ne lui mentaient pas mais il ne voyait pas comment il pouvait se servir de ce qu’ils venaient de lui dire. Il lui était difficile d’aller voir Allan Showery et de l’arrêter en lui disant que Teresita était revenue d’entre les morts et qu’elle l’accusait.

Joseph Stachula
Joseph Stachula

Une enquête rapide permit de déterminer qu’Allan Showery, qui habitait juste à côté de l’immeuble de Teresita, était bien connu des services de police. Il avait derrière lui une longue carrière criminelle, il avait même été condamné pour viol à deux reprises, et à chaque fois il avait agressé ses victimes dans leur appartement. L’homme fut alors amené au poste de police pour y être interrogé. Les enquêteurs lui demandèrent s’il avait vraiment accepté de réparer la télévision de Teresita Basa le soir du meurtre et il leur répondit qu’il avait prévu de le faire mais qu’il s’était arrêté au bar pour y boire un verre et qu’il avait oublié le rendez-vous. Ils lui demandèrent ensuite s’il était déjà rentré dans l’appartement de la victime mais l’homme nia farouchement y être jamais allé. Les policiers lui proposèrent alors de prendre un exemplaire de ses empreintes digitales afin de les comparer avec celles retrouvées sur les lieux du drame et brusquement il se souvint être rentré dans l’appartement de Teresita quelques mois auparavant. Les enquêteurs insistèrent un peu plus et finalement, il admit être allé chez Teresa le soir du meurtre, affirmant qu’il n’était pas resté très longtemps car il lui manquait un circuit électronique particulier pour pouvoir réparer sa télévision.

Maintenant, le suspect était visiblement nerveux et les enquêteurs décidèrent de le laisser seul. Ils souhaitaient s’entretenir avec sa petite sa petite amie Yanka, qui était restée à leur domicile. La jeune femme se souvenait que le soir du meurtre, elle s’en rappelait car le camion des pompiers était passé sous sa fenêtre, Allan était rentré tôt à la maison. Ils lui demandèrent s’il lui avait récemment offert des bijoux, et aussitôt elle leur présenta l’ancien anneau de corail qu’elle portait à son doigt. Les policiers lui demandèrent alors de les accompagner, et de prendre sa boite à bijoux avec elle. Pendant ce temps, Richard Pessoti et Ray King, les deux amis de Teresita, avaient été amenés au poste, et quand les enquêteurs leur présentèrent les bijoux de Yanka ils en reconnurent quelques uns, dont l’anneau que la jeune femme portait au doigt.

L’inspecteur Lee Epplen, qui était le partenaire de Joseph Stachula, annonça alors à Allan Showery qu’il était fini, et croyant à une ruse l’homme se mit aussitôt à crier, plein de colère:  » Vous les flics, vous essayez de me coincer!  » Les enquêteurs lui montrèrent les bijoux de Teresita, mais Allan prétendit les avoir achetés à un prêteur sur gage qui bizarrement, ne lui avait remis aucun reçu. Quelques minutes plus tard, comprenant que toutes les preuves étaient contre lui, il demanda à parler à sa petite amie et il lui dit, en présence des policiers:  » Yanka, j’ai quelque chose à te dire. J’ai tué Teresita Basa.  »

Allan Showery
Allan Showery

Allan expliqua alors qu’il avait pensé résoudre ses problèmes financiers en volant Teresita, qu’il croyait riche. Cependant, après l’avoir tuée, il avait découvert que son porte-monnaie ne contenait que trente malheureux dollars et qu’elle ne possédait aucun bien de valeur dans son appartement. Puis, pour écarter les soupçons, il avait décidé de maquiller le meurtre en un crime sexuel. Il l’avait déshabillée, il lui avait écarté les jambes et prenant un couteau de boucher dans la cuisine, il l’avait ensuite poignardée. Avant de partir, il avait mis le feu au matelas, espérant que toutes les preuves qu’il avait pu laisser derrière lui seraient ainsi détruites.

La Voix de la Tombe, comme avait été surnommée l’affaire, fit la une des journaux. Le procès d’Allan Showery débuta le 21 janvier 1979, il était présidé par le juge Frank W. Barbero et il connut de nombreux rebondissements. La défense souligna que la parole d’un fantôme ne constituait pas une preuve recevable et l’histoire de la possession perturba tellement les membres du juré qu’ils eurent du mal à s’accorder sur un verdict. Le 23 février 1979, Allan Showery fut reconnu coupable de meurtre et condamné à quatorze ans de prison, auxquelles vinrent s’ajouter quatre ans pour vol à main armé, et quatre autres pour incendie criminel. Quand l’esprit de Teresita Basa, qui était probablement soulagée d’avoir été entendue, plus jamais il ne se manifesta.

Source: The Mammoth Encyclopedia of the Unsolved de Colin Wilson.

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