La Création de la Ville de Blair
Au début du XVIIe siècle, la forêt de Black Hills, dans le Maryland, aux États-Unis, souffrait déjà d’une sulfureuse réputation. Les Indiens la disaient maudite, et ils ne s’y aventuraient jamais.
En 1630, le colonel Nathaniel Blair se retrouva à la tête d’une expédition. Il devait déterminer le meilleur emplacement possible à la construction d’un fort visant à défendre la ville de Fort Calvet des violentes attaques de certaines tribus indiennes qui sévissaient dans la région. Il avait demandé de l’aide aux membres d’une tribu voisine, mais pour d’obscures raisons, ils avaient refusé de l’accompagner dans son voyage.
Le colonel Blair finit néanmoins trouver ce qu’il était venu chercher, et un fort, qui devait porter son nom, fut rapidement construit. En 1634, le fort s’était transformé en une petite ville composée d’une majorité de protestants, la ville de Blair.
La Malédiction d’Ellie Kedward
En 1769, Ellie Kedward, une jeune femme d’origine irlandaise, embarqua sur le Seafarer en partance pour Baltimore, puis elle rejoignit la petite ville de Blair, où elle s’installa. Malheureusement, en février 1785 plusieurs enfants l’accusèrent de les avoir attirés chez elle afin de leur voler leur sang. Jugée coupable de sorcellerie, elle se retrouva bannie. Les habitants du village l’attachèrent à une charrette, et ils abandonnèrent dans la forêt. Cette année-là, l’hiver était tellement rigoureux qu’ils avaient la certitude qu’elle n’y survivrait pas.
Quelques jours plus tard, trois garçons partirent dans la forêt en compagnie de leurs chiens afin de s’assurer du décès de la sorcière. En arrivant sur les lieux, ils découvrirent avec stupéfaction qu’elle était toujours en vie. Horrifiés, ils se dépêchèrent de lancer leurs chiens sur elle, et s’armant de branches pointues, ils commencèrent à la frapper. Lorsque son sang se mit à couler, ils la détachèrent et la pendirent à un arbre. Au bout de quelques minutes, ils constatèrent avec soulagement qu’elle était vraiment morte, et ils retournèrent au village.
Au cours du mois de novembre 1786, au beau milieu de l’hiver, tous les accusateurs d’Elly Kedward et la moitié des enfants de la ville disparurent inexplicablement. Craignant une malédiction, les habitants de la Blair quittèrent la ville en faisant le serment de ne plus jamais prononcer le nom de la sorcière.
En novembre 1809, un livre racontant l’histoire d’une ville maudite par une sorcière qui en avait été chassée fut publié, The Blair Cult. Ce livre, dont il n’existe qu’un seul exemplaire, serait un recueil regroupant les témoignages des habitants du village. Il explique qu’Elly Kedward ne se limitait pas à la forêt, mais qu’elle s’aventurait également dans la ville afin d’attaquer et de tuer ses citoyens. Il révèle aussi les nombreux cotés mystérieux de la sorcière : « Elle contrôlait les animaux de la forêt, même les arbres semblaient répondre à ses appels ».
En 1820, lors de la construction du chemin de fer qui devait relier Washington à Baltimore, les ouvriers découvrirent la ville abandonnée. Henry Burkitt acheta toute la zone au gouvernement, et il entreprit la rénovation des bâtiments en ruine. En 1824, la ville fut rebaptisée Burkittsville, en son honneur.
La Disparition d’Eileen Treacle
Âgée de huit ans, Eileen Treacle était la plus jeune des enfants de l’une des premières familles de colons qui étaient venues s’installer à Burkittsville. Un an après la fondation de la ville, au moins d’aout 1825, un pique-nique fut organisé près de la rivière Tappy East Creek pour célébrer les premières récoltes.
À cette occasion, Eillen s’éloigna de ses parents, et elle se noya dans la rivière. Onze témoins oculaires affirmèrent avoir aperçu une main blanche fantomatique sortir de l’eau, attraper l’enfant, et l’entraîner vers le fond. Malgré des recherches intensives et la faible profondeur du cours d’eau, son corps ne fut jamais retrouvé.
Durant les treize jours suivant sa disparition, une multitude de petites croix formées de brindilles liées entre elles se mirent à flotter sur l’eau de la rivière, qui était devenue étrangement huileuse et inconsommable.
L’Histoire de Robin Weaver
En mars 1886, une fillette de huit ans, Robin Weaver, se perdit dans la forêt de Black Hills, et une expédition partit à sa recherche.
Après trois jours d’absence, elle réapparut d’elle-même. Elle expliqua qu’elle avait rencontré quelqu’un dans les bois, une vieille femme dont les pieds ne touchaient pas le sol. Elle avait tout d’abord été effrayée, mais elle avait décidé de lui faire confiance, et la femme l’avait amenée dans une maison abandonnée qui se trouvait enfouie profondément dans les bois.
Robin était rentrée dans la maison, et la femme l’avait conduite dans un sous-sol avant de lui expliquer qu’elle devait partir, mais qu’elle reviendrait. Les heures s’étaient écoulées, la nuit était tombée, et la fillette avait commencé à avoir peur. Depuis qu’elle se trouvait enfermée là, elle ressentait un profond sentiment de malaise. Désespérée, elle s’était alors glissée par une fenêtre, puis elle avait couru à travers la sombre forêt, et elle était miraculeusement parvenue à rejoindre Burkittsville.
À ce moment-là, les hommes de l’équipe de secours n’étaient toujours pas rentrés. Inquiets, les habitants du village organisèrent une seconde expédition pour tenter de les retrouver. En arrivant dans la crique de Coffin Rock, tout près de l’endroit où la jeune Eileen Traecle avait disparu près de cinquante ans auparavant, ils découvrirent les membres de la première équipe. Leurs corps dénudés étaient attachés entre eux par les poignets, et disposés de manière à former un pentagramme. D’étranges symboles avaient été gravés sur leur peau de leur poitrine, de leurs mains, de leurs pieds et de leur front, et leurs intestins gisaient au centre du cercle.
Horrifiés, les hommes du second groupe coururent au village chercher des renforts et des armes, mais à leur retour, les corps avaient disparu, et ils avaient été remplacés par de petits tas de pierres. Toutefois, il restait encore des traces du rituel, des cordes et du sang sur les rochers.
Les Aveux de Rustin Parr
Entre novembre 1940 et mai 1941, huit enfants disparurent sans laisser de trace. Un an plus tard, Rustin Parr, un homme solitaire qui vivait à l’écart du village, avoua avoir assassiné sept des huit enfants, et les avoir enterrés dans la cave de sa maison. Il prétendait avoir suivi les ordres du fantôme d’une vieille femme qui habitait près de chez lui, au milieu des bois. Selon ses dires, après le meurtre du septième enfant, elle lui avait ordonné de se rendre en ville afin d’informer les autorités de ses méfaits, et il avait obtempéré car en échange de ses aveux, elle lui avait promis de le délivrer de sa présence.
Dans la cave de la maison, les policiers découvrirent les traces d’horribles tortures. Après avoir tué les enfants, Rustin les avait enterrés, et il avait empilé des pierres les unes sur les autres pour se souvenir de leur emplacement. Leurs corps portaient les mêmes symboles étranges que ceux retrouvés sur les cadavres de Coffin Rock, et ils avaient été éviscérés eux-aussi.
Le huitième enfant, Kyle Brody, était toujours en vie. Ils le découvrirent debout dans un coin du sous-sol, dos au mur, complétement traumatisé. Il avait été le premier enlevé, et il connaissait tous les autres. Les autorités se posaient la question d’une éventuelle complicité, mais lors du procès, il témoigna contre l’accusé sans se faire prier.
L’Histoire de Rustin Parr
Né en 1903 à Frederick County, Rustin Parr avait perdu ses parents alors qu’il n’avait que dix ans, et il avait été élevé par son oncle et sa tante, à Burkittsville. Son oncle, qui était charpentier, lui avait proposé de travailler avec lui à l’atelier de menuiserie, et lui avait appris tout ce qu’il savait.
En 1923, Rustin avait commencé à construire une maison dans la forêt, en haut d’une colline. En 1928, il avait quitté la ville, trop bruyante à son goût, et il s’était installé dans sa nouvelle demeure. D’après les témoignages, il était un homme solitaire mais sympathique, qui aimait la nature et les animaux. Il fumait la pipe, se promenait dans la forêt et il semblait heureux. À cette époque, il travaillait toujours avec son oncle, mais il se montrait de moins en moins souvent à l’atelier. Après la mort de sa femme, son oncle avait déménagé à Baltimore, et Rustin avait arrêté de descendre en ville. Il s’y rendait seulement deux fois par an, pour effectuer quelques achats.
Des années s’étaient écoulées, paisibles et sans histoire, et il avait commencé à apercevoir l’étrange silhouette d’une femme vêtue d’un long manteau à capuche lors de ses promenades en forêt. Il ne voyait jamais son visage, car elle disparaissait toujours lorsqu’il tentait de l’appeler ou de s’en approcher. Il n’était pas effrayé, il se posait simplement des questions sur son identité, et parfois il en rêvait.
À la fin des années 1930, Rustin avait remarqué que les animaux de la forêt, qui étaient pourtant habitués à sa présence, évitaient de s’approcher de lui et de sa maison. La nuit, il entendait des bruits étranges. Ils l’effrayaient tellement qu’ils l’empêchaient parfois de dormir.
Au fil du temps, il en était venu à craindre la mystérieuse femme. Il ne la voyait plus, que ce soit lors de ses promenades ou en rêve, mais dès qu’il s’endormait, elle lui disait des choses dans d’étranges langues, et elle lui répétait des mots, des mots qu’il ne comprenait pas.
Peu de temps après, il avait commencé à entendre sa voix en journée. Elle lui ordonnait des choses stupides, comme aller dormir dans le sous-sol, et il obéissait. Au début, il avait tenté de rationaliser le phénomène en se disant que la voix n’était qu’une hallucination due au manque de sommeil, puis il avait commencé à changer, et il était devenu bizarres. Les villageois le trouvaient méfiant, et ils avaient remarqué qu’ils le voyaient moins souvent.
Et puis, un jour du mois de novembre 1940, la voix de la femme lui avait ordonné de se descendre en ville, et d’enlever le premier enfant qu’il croiserait sur sa route. Cet enlèvement était le premier d’une longue série.
Lors de son procès, le prêtre du village expliqua que lorsqu’il l’avait rencontré pour la première fois, Rustin se tenait accroupi sur un énorme rocher plat, au bord de la rivière. Il lui tournait le dos, et sa tête se balançait légèrement. Au même moment, la forêt était brusquement devenue silencieuse. Seule s’élevait la voix de Rustin, qui semblait réciter une lancinante prière. Le prêtre l’avait longuement observé, sans vraiment savoir s’il devait l’interrompre. Soudain, Rustin s’était retourné. À son cou, pendait une sorte de bourse. Il avait fouillé à l’intérieur, il en avait sorti une poignée de bâtonnets et une cordelette, qu’il avait jetées dans l’eau, par-dessus le rocher.
Interrogé, Rustin Parr reconnut avoir été pleinement conscient de ses actes au moment des faits, mais il rajouta qu’il n’était qu’un outil aux ordres de la voix, qui le poussait à tuer des enfants. Cette même voix qui avait, disait-il, gravé d’étranges symboles sur les murs de sa maison. Il fut condamné à mort, exécuté, et les habitants de Burkittsville s’empressèrent de brûler sa maison.
La Vie de Kyle Brody
Après son enlèvement, Kyle Brody, le jeune garçon qui avait été découvert indemne dans le sous-sol de la maison de Rusty Parr, ne fut plus jamais le même. Il restait souvent seul dans sa chambre, le visage tourné vers un coin de la pièce, ou bien il s’asseyait sous le porche de sa maison, et restait silencieux pendant des heures. Il allait à l’école, mais il passait tout son temps à gribouiller des symboles et des mots mystérieux sur un morceau de papier.
Un jour, le Dr Elspeth Holiday se rendit à Burkittsville afin de s’informer sur la prétendue disparition de sa nièce. En vérité, elle faisait partie d’un groupe d’enquêteurs du paranormal qui s’intéressaient aux meurtres de Rusty Parr. Finalement, elle interrogea longuement Kyle Brody. En conclusion de son enquête, elle déclara que le garçon était sous l’emprise d’un démon, mais qu’elle avait réussi à le chasser de son corps.
En grandissant, Kyle devint un marginal. Durant ses vagabondages il commit de nombreuses petites infractions laissant à douter de sa santé mentale, et il se retrouva interné durant de longues années au Maryland State Institute for the Criminally Insane de Baltimore. Finalement, en 1971, il se suicida en se tailladant les veines avec une cuillère en bois qu’il avait longuement aiguisée sur le sol de sa cellule.
En 1969, un documentaire avait été tourné sur les conditions de plusieurs établissements psychiatriques, notamment sur celui où était enfermé Kyle Brody. Lors d’une séquence du film, Kyle se trouvait dans sa cellule, et il répétait inlassablement les mêmes mots, « Never Given ! », tout comme l’avait fait Rustin Parr la nuit précédant son exécution.
Un gros plan le montrait également en train d’écrire d’étranges symboles sur un morceau de papier. Par la suite, cette écriture fut analysée par un expert, qui découvrit que Kyle écrivait en Transitus Fluvii, un langage très ancien utilisé par de rares initiés adeptes de sorcellerie.
Que se passe vraiment dans les recoins obscurs de la forêt de Black Hills ? Nous ne le saurons probablement jamais.