American Horror Story: The Freak Show

American Horror Story: The Freak Show

L’histoire d’American Horror Story 4 est, comme celle des précédentes saisons, une pure invention mais certains de ses personnages, ceux qui constituent la troupe du Freak Show, ont réellement existé et ils étaient même, en leur temps, fort célèbres.

Les Freaks était le nom donné aux phénomènes de foire, des êtres humains considérés comme monstrueux, qui étaient exhibés lors de spectacles appelés des Freak Shows. De telles expositions avaient lieu depuis la Renaissance en Europe, mais les Freak Shows connurent réellement le succès entre 1850 et 1950, surtout aux États-Unis. Les freaks étaient souvent présentés dans des cirques ou lors de carnavals mais ils étaient également exposés dans des musées à dix sous, dont ils constituaient la principale attraction. Parmi les  » curiosités  » proposées, se trouvaient des nains, des géants, des siamois, des femmes à barbe, etc…, en bref, tous les individus qui présentaient une différence physique telle qu’il leur était impossible de s’intégrer à la société.  Lors de ces représentations, les freaks, dont certains étaient mondialement connus, faisaient parfois des choses extraordinaires, mais la plupart du temps ils s’asseyaient sur la scène et se tenaient immobiles, face au public.

Depuis toujours l’anormalité était associé au mal, la différence était synonyme de rejet et les freaks qui ne parvenaient pas à intégrer une troupe mendiaient dans la rue, ou trouvaient souvent refuge dans un asile, où ils finissaient leurs jours. Mais en 1932, Tod Browning sortit un film, La Monstrueuse Parade (Freaks), qui allait à l’encontre de ces idées et qui présentait l’anormalité comme une différence positive. Dans ce film fort émouvant, les freaks débordaient d’humanité et les monstres se dissimulaient derrière des visages angéliques. A sa sortie, Freaks, qui scandalisa l’opinion publique et se vit interdire pendant 30 ans au Royaume-Uni, ne connut pas un grand succès. Il fut même un terrible échec financier et plus jamais Tod Browning ne retrouva de contrat avec un grand studio. Puis dans les années 1960, la science parvenant peu à peu à expliquer les différentes anormalités physiques, le public commença à montrer de la compassion envers ceux qui en étaient affectés et se détourna des Freak Shows. Alors Freaks fut finalement réhabilité et l’œuvre devint un classique.

En 1932, Tod Browning avait engagé de vrais freaks pour jouer leurs propres rôles dans son film et pour sa saison 4, American Horror Story, dont l’action se situe dans un cirque, reprend certains de ces personnages, ainsi que d’autres freaks qui connurent un jour la gloire.

Les Personnages de la Série

 Daisy et Violet Hilton

Daisy, Violet, Bette et Dot
Daisy et Violet Hilton – Bette et Dot Tattler

Nées le 5 février 1908, à Brighton, en Angleterre, Daisy et Violet Hilton étaient les filles de Kate Skinner, une modeste serveuse de bar célibataire. A leur naissance, les fillettes étaient rattachées par le bas de la colonne vertébrale, leur système sanguin était commun mais elle ne partageaient pas d’organes vitaux. Leur médecin, le Dr James Rooth, l’un des plus réputés d’Angleterre, estima que leur séparation était possible, mais que l’une des jumelles risquait d’en mourir et l’idée fut abandonnée.

Mary Hilton, l’employeuse de Kate, avait aidé à mettre au monde les fillettes et voyant en elles une promesse de richesses, elle les racheta à leur mère. Aidé de son époux et de sa fille, Mary donna alors aux jumelles une éducation stricte, d’où les châtiments corporels n’étaient pas exclu. A cette époque, Daisy et Violet, qui devaient appeler leurs bienfaiteurs  » Tante Lou  » et  » Sir « ,  étaient complétement isolées du monde extérieur, elles passaient leur temps à répéter leurs leçons de chant et de danse et personne ne les voyait jamais.

En 1911, alors qu’elles étaient âgées de 3 ans, les deux sœurs, accompagnée par leur tante, firent une tournée en Angleterre, puis en Allemagne, en Australie et enfin aux USA. A la mort de Mary, sa fille Edith Myers et le mari de cette dernière prirent alors la relève, exhibant les petites filles dans des cirques itinérants. En 1925, Daisy et Violet commencèrent à se produire sur des scènes de théâtre où elles connurent un grand succès du fait de leur beauté et leurs réelles capacités musicales. Violet jouait merveilleusement bien du saxophone et Daisy du violon. Durant cette période, elles firent la connaissance d’Harry Houdini, le célèbre magicien, qui leur apprit à isoler leur esprit. Les deux jeunes filles, qui étaient toujours tenues captives et battues si elles n’obéissaient pas à leurs tuteurs, gagnaient maintenant de jolies sommes d’argent, que les Myers s’appropriaient entièrement, en investissant une grande partie dans le manoir qu’ils habitaient à San Antonio, au Texas. Malheureusement, l’arrivée du cinéma parlant affecta durement la fréquentation des théâtres et bientôt le succès des deux sœurs commença à s’estomper.

Au début des années 30, Daisy et Violet, devenues adultes, attaquèrent leurs tuteurs en justice, ce qui leur permit de gagner leur liberté et 100 000$ de dommages et intérêts. En 1932, elles apparurent dans le film Freaks de Tod Browning, jouant le rôle de sœurs siamoises exhibées dans un cirque, comme elles l’avaient été durant leur enfance. Au cours des années qui suivirent, elles continuèrent tant bien que mal à mener leur carrière, sillonnant les États-Unis et proposant leur spectacle, puis en 1954, elles risquèrent leurs dernières économies dans un film qui s’inspirait vaguement de leur vie, L’Amour parmi les monstres (Chained for Life), ce qui acheva de les ruiner. Au cours des années 1950, elles ouvrirent à un snack à Miami, le Hilton Sister’s Snack Bar, qui ne fut pas une réussite, puis elles s’effeuillèrent dans un cabaret de Cincinnati, sans plus de succès. Leur dernière apparition publique eut lieu en 1961, dans un cinéma drive-in, à Charlotte, en Caroline du Nord. Leur producteur les abandonna là, sans aucun moyen de transport et sans argent.
Daisy et Violet trouvèrent alors un emploi dans une épicerie de la ville, et elles y travaillèrent jusqu’à leur mort. Le 4 janvier 1969, leur employeuse découvrit leurs deux corps inanimés à leur domicile. Les deux sœurs avaient succombé à la terrible grippe de Hong Kong, qui sévissait alors. L’épicière expliqua à la police que Daisy était morte deux jours avant Violet mais que cette dernière l’avait suppliée de ne pas appeler les secours, et qu’elle avait bien voulu y consentir.

Fred Wilson, le Garçon Homard

Fred Wilson et Jimmy Darling
Fred Wilson et Jimmy Darling

Fred Wilson était né à Somerville, dans le Massachusetts, en 1866 et il était atteint d’une maladie génétique rare, l’ectrodactylie, qui se caractérise par l’absence d’un ou de plusieurs doigts des mains ou des pieds, ceux existants étant souvent soudés entre eux et formant une pince. Il souffrait également d’une malformation dentaire et sa mâchoire inférieure ne présentait aucune dent.

La maladie dont il était affecté, l’ectrodactylie, était connue depuis 1685, et son histoire ressemblait à un mythe. La légende racontait que dans la ville de Galloay, en Écosse, deux femmes avaient été exécutées pour leur  dissidence religieuse. Elles avaient plaidé leur innocence, supplié le bourreau, mais l’homme avait ignoré leurs suppliques et les avait noyées sans remord dans la rivière Bladnoch. Alors qu’elle se mourait, Margaret Wilson, l’une des deux femmes, avait alors demandé aux crabes de maudire le bourreau, qui s’appelait Bell, et quelques temps plus tard, quand l’homme avait eu un enfant, il présentait des pinces à la place de mains. Cette malédiction avait poursuivi ses descendants pendant 300 ans.

Lors de ses spectacles, Fred Wister était présenté comme le Garçon Homard, et il était l’un des plus célèbres freaks de son époque, attirant de grandes foules en exposant ses mains en forme de pince et ses pieds tordus. Malheureusement, personne ne sait rien de sa vie et il ne reste de lui que quelques photos, un nom, et une vieille légende.

Schlitzie Tête d’Épingle

Schlitzie et Pepper
Schlitzie et Pepper

Les origines de Schlitzie restent incertaines mais selon la version la plus répandue, il s’appelait Simon Metz, et il était né le 10 septembre 1901, dans le Bronx. Il était atteint de microcéphalie, un trouble neurologique qui se caractérise par la taille anormalement petite du crâne, ce qui entraine souvent un retard mental et un arrêt de la croissance, ce qui était le cas pour Schlitzie qui mesurait à peine 1m22 et qui possédait les connaissances d’un enfant de trois ans. Il ne pouvait pas vraiment s’occuper de lui-même et s’exprimait par monosyllabes mais il était capable former quelques phrases simples, pouvait effectuer certaines tâches, comprenait la plupart des choses qui lui étaient dites, se montrait particulièrement réactif et possédait un véritable don d’imitateur. Comme il était obligé de porter des robes pour masquer certains de ses problèmes, il était souvent présenté comme une femme ou comme un androgyne lors de ses spectacles, ce qui rajoutait encore à son mystère. Ceux qui le connaissait parlaient indifféremment de lui au féminin ou au masculin et ils le décrivait comme exubérant, sociable et affectueux. Schlitzie aimait particulièrement chanter, danser, être le centre d’attention et parler avec tous ceux qui le voulaient bien.

Lors des Freak Shows, les microcéphales, qui étaient surnommées  » les têtes d’épingle « , se voyaient souvent présentés comme les derniers membres d’une ancienne race disparue, habituellement les Aztèques, et Schlitzie n’échappait à cette règle. Sur les affiches des spectacles, il était généralement proposé comme   » Le Dernier des Aztèques « , mais parfois, d’une plus cruelle manière, les titres annonçaient  » La Fille Singe  » ou pire encore,  » Qu’est-ce que c’est? « 

Schlitzie avait énormément de succès et tout au long des années 1920 et 1930, il se produisit dans de grands nombreux cirques dont les noms sont toujours connus de nos jours. En 1928, il fit ses débuts au cinéma dans The Sideshow, un drame dont l’action se situait dans un cirque et qui présentait de vrais freaks, puis en 1932, il décrocha son rôle le plus connu en jouant dans le fameux Freaks, de Tod Browning, et s’en suivirent de nombreux films où il se voyait toujours proposer le même personnage, celui de Tête d’Épingle. En 1934, il obtint un rôle différent dans Tomorrow’s Children (Les Enfants de Demain), où il jouait un criminel mentalement perturbé qui subit une stérilisation forcée.

S’il était populaire auprès du public, Schlitzie était aimé de tous ceux qu’il côtoyait. Son exubérance enfantine, l’émerveillement dont il faisait preuve, son sourire et l’amour inconditionnel qu’il leur portait ravissaient ses proches, pour qui il était un rayon de soleil.
En 1936, alors qu’il effectuait une tournée avec le Tom Mix Circus, Schlitzie, qui n’avait aucune famille connue, fut adopté par George Surtees, un entraineur de chimpanzé qui devint alors son tuteur légal. Il fut, selon tous les témoignages, un tuteur attentif et affectueux mais après sa mort, en 1965, sa fille, qui n’était pas dans le spectacle, abandonna Schlitzie dans un hôpital de Los Angeles. Le malheureux y resta un certain temps jusqu’à ce que Bill Unks, un avaleur d’épée qui travaillait dans l’établissement pendant la morte saison, le reconnaisse. En le voyant, Bill constata que loin du cirque et de son public, qui étaient toute sa vie, Schlitzie semblait très déprimé, et il en alerta les autorités médicales qui estimèrent que sa santé y gagnerait s’ils le laissaient sortir. Schlitzie devint alors la pupille de Sam Alexander, le producteur de Bill Unks, et retourna sous les feux de la rampe jusqu’en 1968.

Au cours de ses dernières années, Schlitzie vécut à Los Angeles, donnant diverses représentations, aussi bien locales qu’internationales. Il était devenu une attraction dans les rues d’Hollywood, et son tuteur vendait souvent des photos souvenirs de ses anciennes représentations aux touristes. Schlitzie aimait à visiter le lac, nourrissant les pigeons et les canards et faisant son show pour les passants qui s’arrêtaient pour le regarder. Il mourut le 24 septembre 1971, à 70 ans, d’une broncho-pneumonie. Schlitzie fut enterré dans une tombe anonyme du cimetière Queen of Heaver de Rownland Heights, puis, en 2009, l’un de ses fans lui fit graver une stèle qui fut placée sur sa sépulture.

Koo-Koo la Fille Oiseau

Koo Koo et Meep
Koo-Koo et Meep

La vie de Minnie Woolse, née en 1880 à Rabun, en Géorgie, reste un mystère, si ce n’est qu’à un moment donné de son existence, elle aurait été sauvée d’un asile psychiatrique. Elle souffrait d’une maladie congénitale rare, le syndrome de Virchow-Seckel, ce qui expliquait sa légère arriération mentale, sa très petite taille, sa petite tête, qui ressemblait à une tête d’oiseau, son visage étroit avec un nez en forme de bec, ses grands yeux étrangement inclinés, sa mâchoire reculée et ses grandes oreilles. En outre, elle était chauve, édentée, et pratiquement aveugle.

Lors de ses spectacles, elle se montrait généralement vêtue d’un costume d’amérindien et elle parlait d’une manière incompréhensible. Cependant, en 1932, elle tourna une scène célèbre dans le film Freaks, dansant sur une table, et bientôt elle devint connue sous le nom de Koo-Koo, la Femme Oiseau. Si Minnie avait interprété ce rôle, il n’était pas vraiment le sien car une véritable Femme Oiseau existait depuis des années dans le monde du Freak Show, Elizabeth Green, la Femme Cigogne, qui apparait d’ailleurs dans le film, jouant son propre rôle.

Annie Jones, la Femme à Barbe

Annie et Ethel
Annie et Ethel

La Femme à Barbe était présentée dans tous les Freak Show, et parvenir à déterminer laquelle a inspiré le personnage d’Ethel dans American Horror Story est un challenge impossible. Mon choix s’est donc porté sur Annie Jones, l’une des plus célèbres d’entre elles, qui fut, pendant un temps, la porte-parole de tous les freaks.

Le 14 juillet 1865, Annie vit le jour à Marion, en Virginie et son menton recouvert de poils fins horrifia ses parents. Elle avait seulement neuf mois lorsqu’ils la confièrent au cirque Barnum, recevant une avance de 150$ pour une semaine d’essai. A cette époque, le prénom Esaü était souvent donné aux  » merveilles hirsutes « , en référence au petit-fils d’Abraham, qui était né, affirmait la Bible, le corps recouvert d’une fourrure de bête, et lors de ses premières expositions Annie fut présentée comme le nouvel Enfant Esaü. Après cette courte période de test, qui fut couronnée de succès, Barnum offrit à la mère d’Annie un contrat de trois ans, lui promettant un salaire exorbitant de 150$ par semaine. Mme Jones accepta l’offre et s’installa définitivement à New York avec sa fille. Cependant, au cours de la première année, une urgence familiale la rappela en Virginie et elle confia alors la fillette à Nanny, qui faisait partie de la famille Barnum. Malheureusement, pendant son absence, Annie fut enlevée par un phrénologue qui tenta de la présenter lors de spectacles privés. Quand la police la retrouva, exposée dans une église, l’homme affirma qu’Annie était sa fille et l’affaire fut alors portée devant les tribunaux. Cependant, elle fut rapidement résolue. Lorsque la fillette pénétra dans la salle d’audience, elle se dirigea droit vers ses parents, et le juge déclara l’affaire close. Annie retourna alors auprès de sa mère, qui décida de ne plus s’éloigner d’elle.

Même si elle s’exposait parfois dans des musées à dix sous, Annie grandit sans jamais quitter le cirque Barnum et l’âge aidant, elle devint Esaü la Dame. Elle portait alors sa barbe longue, tout comme ses cheveux qui mesuraient plus d’un mètre quatre-vingt, et, variant ses talents, elle devint bientôt aussi connue pour ses compétences musicales et sa gracieuse étiquette que pour ses poils.

A 16 ans, Annie épousa Richard Elliot, un producteur, et leur mariage dura quinze ans. Puis le couple divorça et elle épousa un autre producteur, William Donovan. Ensemble, ils montèrent leur propre spectacle, visitant l’Europe et proposant Annie comme attraction. Malheureusement, William mourut subitement, et le cirque Barnum accueillit Annie une nouvelle fois. Puis, en 1902, elle tomba malade lors d’une visite chez sa mère, à Brooklyn, et elle mourut le 22 octobre, à l’âge de trente-sept ans.

Lucia Zarate, la Petite Mexicaine

Lucia et Ma Petite
Lucia et Ma Petite

Lucia Zarate était née le 2 janvier 1864 à San Carlos, au Mexique et à sa naissance, elle ne faisait que 17 centimètres et 227 grammes. En 1876, un groupe de scientifiques de l’Université d’Oxford vint à la visiter et si les spécialistes ne purent affirmer qu’elle avait réellement douze ans, ils déterminèrent qu’elle était âgée d’au moins six aux vues de son développement dentaire. Ses parents, Tomara et Feanui, furent jugés sains et intelligents, et outre sa langue maternelle, l’espagnol,  la fillette était capable de parler un peu anglais.

Cette année-là, Lucia participa à la Centennial Exposition (la célébration des cent ans de l’Amérique) de Philadelphie, où elle connut un immense succès. Les journalistes présents s’extasièrent devant le prodige et si certains se montrèrent acerbes, la plupart des articles lui furent favorables. L’un d’eux la décrivit ainsi:  » Sa tête, grosse comme le poing d’un homme, est bien formé et recouverte de doux cheveux bruns. La seule chose hors de proportion par sa taille est son nez, qui a été évidemment fait pour une fille plus grande, mais il se fera. Elle a de brillants yeux noirs, et elle est intelligente, conversant avec une petite voix dans la langue de ses parents.  » Cependant, parfois, Lucia, qui avait toujours bénéficié d’un traitement spécial, se montrait capricieuse et réagissait comme une enfant gâtée. Alors, elle rentrait dans une  » rage parfaite et grondait comme une petite musaraigne. « 

Pendant quelques années, Lucia participa à un spectacle, les Fairy Sisters, donnant différentes représentations sur la Côte Est, puis s’associant à Francis-Joseph Flynn, un homme de très petite taille qui se faisait appeler le General Mite, elle se rendit en Europe pour une tournée. Au terme de sa croissance, la jeune fille ne mesurait que 54.6 cm et pesait 5.8 kg. Le 26 février 1881, Lucia et Francis-Joseph firent un arrêt remarqué au château de Windsor, où ils furent présentés à la reine Victoria et la famille royale, puis ils repartirent en tournée. Lors de leurs représentations, ils étaient présentés comme les Midgets, un terme péjoratif qui désignait les personnes de très petite taille.

Lucia était traitée comme une princesse. Ses vêtement étaient cousus et brodés à la main et, en grandissant, elle devint friande de bijoux. Comme elle était d’une constitution délicate, sa mère prenait grand soin de sa santé, préparant de la nourriture spécialement pour elle. Lorsqu’elle se déplaçait, la jeune femme ne voyageait jamais sans sa propre femme de chambre et son interprète. Son salaire variait suivant ses spectacles mais Frank Drew, qui dirigeait un musée à dix sous, expliqua qu’elle était la  » pièce la plus chère qu’il ait jamais eue « , demandant 20$ de l’heure, juste pour s’asseoir sur la scène. Certains rapportaient que Lucia gagnait entre 500 et 700$ par semaine, ce qui était possible car lorsqu’elle se produisait avec le General Mite, ils demandaient 500$ par semaine et 10% des bénéfices.

Au cours des années suivantes, la jeune femme continua ses représentations, principalement dans l’est des États-Unis, là où se trouvaient les plus grands musées à dix sous, et en Europe. En 1889, Lucia accepta un engagement à San Francisco mais le 15 janvier 1890, alors qu’elle se trouvait dans le train qui devait l’y mener, une terrible tempête de neige s’abattit sur la côte ouest des États-Unis, paralysant la région, et la jeune femme se retrouva bloquée près de Truckee, en Californie. Un convoi transportant du bétail était sorti des rails, et l’un après l’autre, 12 trains, qui transportaient 700 passagers, vinrent s’agglutiner à sa suite. Comme les voyageurs étaient trop nombreux pour être hébergés dans la ville toute proche, malgré leurs protestations, ils se virent invités à rester dans leurs wagons respectifs.

Dans cet environnement confiné, la grippe commença à se répandre, touchant presque tous les passagers, mais Lucia fut épargnée. La nuit, les températures extérieures tombaient à -28.5 degrés, et le chauffage posait problème, le bois étant gorgé d’eau ou enseveli sous la neige. Les parents de Lucia, qui voyageaient avec elle, avaient, comme à leur habitude, préparé de la nourriture spéciale pour préserver la santé fragile de leur fille, mais au bout de 10 jours, il n’y avait plus rien. Des centaines d’hommes équipés de raquettes avaient apportés des provisions, des couvertures et du carburant pour les poêles aux infortunés voyageurs, et Lucia dut alors se résoudre à se nourrir des rations d’urgence qui leur avaient été distribuées. Malheureusement, quelques heures plus tard, elle tomba gravement malade, développant une forte fièvre. La compagnie de chemins de fer avait mobilisé 4000 hommes pour dégager les voies à la pelle, mais la neige tombait plus vite que ce que les travailleurs parvenaient à déblayer et leur travail semblait sans fin. Le 28 janvier 1890, la fragile Lucia perdit la vie. Certains rapports affirmèrent que sa mort était due à une hypothermie, mais d’autres rapportèrent qu’elle avait succombé à une pneumonie. Deux jours plus tard, les voies furent enfin dégagées et les trains purent reprendre leur route. Après quelques mésaventures à la frontière, où ils se firent racketter par des douaniers, les parents de Lucia retournèrent à Vera Cruz, où ils enterrèrent leur fille.

Mademoiselle Gabrielle, la Demi-Femme Vivante

Mademoiselle Gabrielle et Suzi
Mademoiselle Gabrielle et Suzi

Née en 1884 à Bâle, en Suisse, Mademoiselle Gabrielle ne possédait pas de jambes, son torse se terminait juste en-dessous de ses hanches, le plus  » gracieusement du monde « .

La jeune fille commença à s’exposer à l’âge de seize ans lors de l’Exposition Universelle qui se tint à Paris en 1900. Elle était présentée comme la Demi-Femme Vivante et immédiatement, elle connut un immense succès. Encouragée par cette réussite, Mademoiselle Gabrielle se rendit alors en Amérique, où elle travailla pour le Dreamland Circus Show, effectuant, entre autres, un numéro de trapéziste. En 1912, elle fit une brève carrière théâtrale, mais elle rompit brutalement son contrat ce qui lui valut d’être poursuivie. S’en suivit une bataille juridique, qui dura quatre ans, puis elle fut finalement condamnée à payer une compensation de 2000$ au directeur de l’établissement new-yorkais qui l’avait engagée.

La jeune femme était charmante, et elle savait se mettre en valeur, s’habillant de vêtements et de bijoux victoriens. Elle pensait fermement que même si elle n’était, physiquement, qu’une moitié de femme, elle n’en était pas moins une à part entière. Elle se montrait extrêmement indépendante et jamais elle ne se plaignait de son état, aimant à ne se débrouiller seule pour toutes les servitudes du quotidien.

Grâce à son charme et à son esprit raffiné, Mademoiselle Gabrielle faisait chavirer les cœurs et elle se maria à trois reprises… au moins. Son dernier mari connu était un allemand qui portait le nom de John Fuller. Ce qu’il advint d’elle par la suite reste un mystère mais des rumeurs coururent qu’elle était retournée chez elle, en Suisse.

Edward Mordrake, l’Homme aux Deux Visages

Edward Mordrake
Edward Mordrake

Le livre Anomalies et Curiosités de la Médecine de 1896, écrit par les Dr George M. Gould et Walter L. Pyle, fait un curieux compte-rendu de l’histoire d’Edward Mordrake, sans préciser autre chose que son pays de naissance.

Edward Mordrake vivait au 19e siècle et il était l’héritier de l’une des plus riches famille d’Angleterre. Le jeune homme était un érudit. Son esprit était raffiné, et il excellait dans les arts, se montrant un musicien particulièrement talentueux. Son visage était remarquable par sa grâce, mais sur le dos de sa tête était un autre visage, celui d’une jeune fille,  » belle comme un rêve, hideuse comme le diable « . Ce visage féminin était un simple masque, et il occupait seulement une petite portion de la partie postérieure de son crâne, mais il présentait tous les signes d’intelligence et de méchanceté, souriant et ricanant quand Edward pleurait.
Ses yeux suivaient les mouvements du spectateur, et ses lèvres semblaient murmurer sans cesse. Aucune voix n’était audible, mais Edward affirmait que la nuit, les chuchotements haineux de son jumeau diabolique, qui ne se reposait jamais, l’empêchaient de dormir, lui racontant sans cesse les plus horribles choses, de celles qui ne se retrouvent qu’en enfer. Le malheureux jeune homme pensait qu’il était attaché à ce démon, car il était persuadé que le visage était celui d’un démon, pour quelque atrocité dont s’étaient rendus coupables ses ancêtres.

Edward supplia ses médecins, les Dr Manvers et Treadwell, de lui enlever ce masque immonde, même s’il devait en mourir, mais aucun ne voulut s’y risquer. Alors, à l’âge de 23 ans, le jeune homme réussit à se procurer du poison et il se suicida. Dans une lettre, qui fut retrouvée près de lui, il demandait à ce que le visage démoniaque soit détruit avant son enterrement,  » de peur qu’il ne continue ses murmures terribles dans ma tombe « .  Selon ses dernières volontés, son corps fut enterré dans une terre profane, sans rien pour marquer sa tombe.

Les Personnages de l’Intro

Nicodème L’Indescriptible

Nicodeme
Nicodème l’Indescriptible

Ce personnage, présenté comme une sorte de démon, s’inspire de Nicodème l’Indescriptible. Nicodème, qui s’appelait John Doogs en réalité, était né en 1863 avec les membres déformés. Il possédait une incroyable force et il était un acrobate talentueux. Selon certains, il se serait noyé dans la rivière Ohio, en 1894 mais d’autres auraient signalé sa présence à Chicago en 1908, et son véritable destin reste donc inconnu.

Fanny Mills, la Dame aux Grands Pieds de l’Ohio

Fanny Mills
Fanny Mills

Fanny Mills était née en 1860, en Angleterre, mais ses parents ayant émigrés aux États-Unis peu après sa naissance elle n’avait jamais connu son pays natal. Dès son plus jeune âge, la fillette montra des signes de la maladie de Milroy, une maladie héréditaire qui provoque un lymphœdème plus ou moins important dans les membres inférieurs.

En 1885, Fanny commença à exposer ses pieds démesurés dans les musées à dix sous. Une rumeur cruelle rapportait qu’ils étaient tellement gros qu’il fallait le cuir de trois chèvres pour fabriquer ses chaussures. Mary Brown, l’une de ses amie, lui servait d’infirmière, l’aidant à se déplacer et la soutenant dans certaines tâches particulières qu’elle ne pouvait accomplir seule.

La jeune femme se présenta dans différents musées et carnavals, puis un directeur d’établissement eut l’idée de passer une annonce, proposant une récompense de cinq mille dollars pour l’homme qui serait prêt à épouser la Dame aux Grands Pieds de l’Ohio, et l’opération fut un incroyable succès. Des hordes de célibataires se précipitèrent au salon pour voir Fanny, tous payant un droit d’entrée bien entendu. Beaucoup de ces hommes espéraient l’épouser, mais la jeune femme était déjà mariée à William Brown, le frère de son amie Mary.

Au sommet de sa gloire, Fanny gagnait 150$ par semaine, une petite fortune à l’époque. Cependant, après avoir accouché d’un enfant mort-né en 1887, la santé de Fanny commença à se détériorer et en 1892, elle dut abandonner son travail. Elle retourna vivre chez elle, avec son mari, et disparut la même année.

Grady Stiles, Le Garçon Homard

Grady Stiles
Grady Stiles

Depuis 1805, de nombreux membres de la famille Stiles souffraient d’une maladie génétique, l’ectrodactylie, et pour gagner leur vie, ils se produisaient dans des cirques. Grady Stiles, né le 18 juillet 1937 à Pittsburgh, avait hérité de cette affection et son père, qui en était atteint lui-aussi, l’ajouta au spectacle familial dès sa plus tendre enfance. L’état de Grady était sévère, il était incapable de marcher et comme il devait se servir de ses bras pour avancer il développa une force extraordinaire dans le haut de son corps.

Grady se maria à deux reprises, et il eut quatre enfants, dont deux héritèrent des mêmes problèmes. Ses deux enfants étaient nés de mères différentes, mais parfois ils faisaient des tournées tous ensembles, se présentant comme La Famille Homard. Grady n’était pas un homme facile, il était alcoolique et parfois il pouvait se montrer violent, battant sa femme et ses enfants. En 1978, lorsque sa fille ainée, Donna, se fiança avec l’homme qu’elle aimait, Grady n’approuva pas son choix. Alors, la veille de leur mariage, il prit un fusil de chasse et l’abattit de sang froid.

Le procès fut extrêmement médiatisé. Au tribunal, Grady avoua son crime et montra peu de remords, se servant de son état pour expliquer son geste. Il souligna que le système pénitentiaire n’était pas équipé pour faire face à son handicap, que le confiner dans une prison constituerait une peine autrement plus cruelle, et les membres du jurés, probablement embarrassés, le condamnèrent seulement à 15 ans de probation.

Suite à ce verdict, Grady se sentit invincible. D’une surprenante manière, il épousa une nouvelle fois sa première femme, Maria, qui décida de quitter son mari, un nain qui travaillait dans un cirque, pour retourner avec lui. Un choix qu’elle aurait presque immédiatement regretté. Le 29 novembre 1993, Grady fut abattu par Chris Wyant, un jeune homme de 19 ans qui travaillait dans un Freak Show et qui était son voisin. Lors de l’enquête qui s’en suivit, le meurtrier avoua qu’il avait été payé 1500 dollars par Maria et son beau-fils Harry pour tuer Grady.

Lors du procès, Maria expliqua que son mari aurait tué sa famille si elle n’avait rien fait. Chris Wyant fut reconnu coupable d’assassinat au second degré et condamné à 27 ans de prison. Harry, considéré comme le cerveau, fut condamné à perpétuité, et Maria à 12 ans.  Grady fut enterré près de son père, dans le quartier des forains, au cimetière de Thonotosassa, en Floride et aujourd’hui encore, certains de ses descendants, affectés par l’ectrodactylie, continuent à donner des spectacles, exposant leurs particularités.

Blanche Dumas, La Courtisane à Trois Jambes

Blanche Dumas
Blanche Dumas

Blanche Dumas était née sur l’Ile de la Martinique en 1860, d’un père français et d’une mère métisse. A l’âge de 25 ans, Blanche reçut la visite du Dr Bechlinger, qui venait du Brésil, qui l’ausculta et soumis son cas au livre Anomalies ans Curiosities of Medecine.

La jeune femme possédait un très large bassin, deux jambes imparfaitement développées, une troisième jambe attachée au scrotum, l’esquisse d’une quatrième qui formait une excroissance, deux intestins, deux vessies, et deux vulves bien développées, sensibles toutes les deux. Sa sexualité était très accentuée, et elle était connue pour avoir beaucoup d’admirateurs, divertissants les hommes de ses vagins, qui étaient tous les deux parfaitement fonctionnels. La jeune femme donnait des spectacles, exposant ses particularités, et souvent les organisateurs lui peignaient des tétons sur sa quatrième jambe, laissant ainsi à penser qu’elle possédait quatre seins.

A un certain moment de sa vie, Blanche s’installa à Paris où elle devint courtisane. Là, elle entendit des histoires sur Juan Baptisa Dos Santos, un hommes qui avait trois jambes et deux organes génitaux, et lors d’une tournée en Europe, quand il s’arrêta à Paris, elle exprima son désir d’avoir des relations sexuelles avec lui. Selon une revue de l’époque, l’homme était fort séduisant:  » Juan était considéré comme étant très beau étant jeune, bien fait, bien proportionné, si ce n’était sa malformation… Lors d’un acte sexuel, il pouvait utiliser ses deux pénis, finir avec l’un et continuer avec l’autre. « 

Bien évidemment, il n’existe aucune preuve qu’une telle relation ait vraiment eu lieu, mais il y eut alors une grande rumeur qui parlait d’une brève et torride liaison. Ainsi se termine l’histoire de Blanche Dumas, dont les contemporains rapportèrent surtout la sexualité débridée.

Cette liste n’est pas vraiment terminée, car il faudrait également mentionner l’Homme Fort, la Voyante, l’Hermaphrodite, la Femme Élastique etc, dont beaucoup étaient des classiques des Freak Shows et dont certains ont révolutionné leur époque, mais la liste était trop longue pour les citer tous.

Source: The Freak Show, Exposer l’Anormalité, de Vincent Pécoil, The Human Marvels.

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