Les Vampires Histoires Vraies, Cas réels de vampirisme

Petites Histoires de Vampires

Pierre Plogojowitz

Ouverture Cercueil

L’histoire suivante remonte à 1725. Elle fut rapportée par les autorités militaires impériales stationnées dans le village de Kisilova, en Serbie.

Pierre Plogojowitz était mort dix semaines plus tôt et enterré selon un vieux rite local à caractère religieux. Ensuite, en l’espace d’une semaine, on compta dans ce même village le décès de neuf personnes, jeunes et âgées, qui furent toutes victimes d’une fièvre fulgurante qui les emporta en vingt-quatre heures. Avant de trépasser, chacune de ces personnes avait eu le temps de déclarer à ses proches que de son lit, elle avait vu ledit Plogojowitz, mort dix semaines auparavant, s’approcher d’elle durant son sommeil, puis de coucher sur elle et enfin la serrer à la gorge au point qu’elle dut se débattre.

Les villageois, plongés dans le plus profond désarroi au récit de ces plaintes, finirent par croire à l’authenticité du phénomène lorsqu’ils interrogèrent la veuve de Pierre Plogojowitz qui leur affirma alors que son mari était revenu et avait réclamé ses chaussures. Terrorisée, elle partit du village. Voici le rapport officiel d’un administrateur impérial, relatant les faits.

 » Et puisque de telles créatures (qu’ils appellent vampires) peuvent être observées -notamment par le fait que leur cadavre ne subit aucune décomposition, que la peau reste souple et que les cheveux, la barbe et les ongles continuent de pousser-, les habitants décidèrent unanimement d’exhumer le corps de Pierre Plogojowitz et de vérifier si l’on pouvait observer les mêmes signes révélateurs. Ils m’envoyèrent une délégation, qui, m’ayant relaté les faits, me demanda ainsi qu’au pope d’être présent. Bien que je désapprouvasse d’abord une telle initiative, alléguant le manque d’enquête légale et approfondie par les autorités administratives ainsi que l’absence de témoignages sereins autour de telles rumeurs, ces gens ne voulurent rien entendre de mes raisons et me répondirent tout net que je pouvais faire ce que bon me semblerait, mais que si je n’accordais mon consentement à assister à cette cérémonie et à en établir un rapport légal comme il était de coutume, ils se verraient dans l’obligation de quitter leurs foyers parce que, le temps que toutes les autorisations administratives parviennent de Belgrade, le village entier serait probablement décimé par l’esprit malin – comme cela avait déjà dû se produire à l’époque de l’occupation turque – , et ils n’avaient nulle envie de revivre cela.

Ni bonnes paroles ni menaces ne purent alors empêcher ces gens apeurés de renoncer à leur projet. Je les accompagnai donc à Kisilvoa, en compagnie du pope de Gradish. On procéda à l’ouverture de la tombe de Pierre Plogojowitz. Je pus constater en effet, et en toute vérité, que le cadavre n’exhalait aucune mauvaise odeur, mais qu’au contraire il semblait être demeuré en parfait état, comme de son vivant, à l’exception du nez qui était un peu fripé. Les cheveux et la barbe avaient poussé; les vieux ongles étaient tombés et à la place d’autres s’étaient formés; la peau, blanchâtre, pelait et, par endroits, on pouvait voir une autre poussant en dessous. Le visage, les mains, les pieds et l’ensemble du corps étaient si bien conservés qu’on aurait dit que la vie ne l’avait pas quitté. Ce n’est pas sans étonnement que je remarquais du sang frais dans la bouche du cadavre et qui devait provenir, selon l’opinion commune dans des cas pareils, des personnes que le vampire avait tuées récemment. En bref, tous les indices propres à identifier cette sorte de gens (je veux dire les vampires) étaient bel et bien présents. Après un tel spectacle, et devant la détresse et l’horreur de la population, le pope et moi-même dûmes laisser les villageois tailler un long pieu de bois et l’enfoncer à travers le corps du défunt. Lorsqu’ils lui percèrent le cœur, un énorme flot de sang vermeil s’en échappa, ainsi que de la bouche et des oreilles (en plus d’autres signes étranges que je ne citerai pas, par décence).

Finalement, toujours selon la coutume locale, on brûla ledit cadavre en l’état jusqu’à ce qu’il ne fût plus que des cendres. J’en informais alors mes distingués supérieurs, en les priant de considérer que si, dans cette triste affaire, quelque faute avait été commise, elle devait être imputée non pas à moi-même, mais à la peur qui dictait sa loi à la populace. « 

La légende raconte qu’afin d’échapper à la colère des habitants, Pierre Plogojowitz serait sorti de sa tombe et se serait réfugié en Angleterre où il aurait crée le célèbre cimetière de Highgate.

Le Vagabond Démoniaque

Au Xe siècle, Walter Map, Chanoine de Lincoln, puis archidiacre d’Oxford, rapporta de nombreuses histoires de vampires, dont on peut trouver la trace dans De Nugis Curialium. En voici un exemple.

 » William Laudun, soldat anglais, homme connu pour sa grande force et son courage, alla trouver Gilbert Foliot, qui était alors Évêque de Hereford, mais qui est maintenant Évêque de Londres, et lui dit :  » Monseigneur, je viens vous demander conseil. Un certain malfaiteur gallois est mort récemment à mon domicile. C’était un homme qui affirmait ne croire en rien, et après un intervalle de quatre nuits, il est revenu chaque nuit et n’a pas manqué à chaque occasion d’appeler nominalement d’un ton sévère l’un de ses anciens voisins. Dès qu’il les appelle, ils tombent malade et meurent au bout de trois jours, si bien que, maintenant, il n’en reste plus beaucoup. »

L’Évêque, qui était tout à fait stupéfait, répondit :  » Le Seigneur a peut-être donné à l’esprit mauvais de ce misérable gredin le pouvoir de se réveiller et de faire marcher son corps mort. Il faut cependant exhumer le cadavre et l’égorger tout en aspergeant d’eau bénite le corps et la tombe et, cela étant fait, l’enterrer de nouveau. « 

Ce qui fut dit fut fait, mais néanmoins les survivants étaient tourmentés et attaqués par l’esprit errant. Il arriva alors qu’une certaine nuit, tandis qu’il n’y avait plus beaucoup de survivants, le nom de William lui-même fut appelé trois fois. Mais lui, étant courageux, actif et perspicace, sortit de chez lui en courant, brandissant son épée dégainée. Le démon s’enfuit, mais il le poursuivit jusqu’à sa tombe et, alors qu’il s’y allongeait, il sépara proprement la tête du corps d’un coup d’épée. A partir de ce moment précis, la persécution que les gens subissaient de la part de ce vagabond démoniaque cessa et depuis lors ni William lui-même ni quiconque parmi les autres n’a subi aucun mal. « 

Le Mort Récalcitrant

Au cours de l’épidémie vampirique du XVIIIe siècle, qui sévit en Europe orientale, les religieux donnèrent l’exemple d’une crédulité sans bornes. Dans ces fameuses Lettres à une illustre morte décédée en Pologne, Louis-Antoine de Caraciolli rapporte cet édifiant propos:

 » J’étais supérieur dans notre maison de Lublin, me racontait-il, lorsque l’un de nos pères vint à mourir. A peine fut-il exposé dans l’église où il devait rester jusqu’au lendemain, qu’on vint m’avertir que son visage s’enflammait d’une manière surprenante, et qu’on l’avait aperçu se promener dans le dortoir. Je me rendis auprès de son cercueil, je reconnus effectivement qu’il était rouge comme le feu, et lui ordonnai conséquemment, en vertu de la sainte obéissance, de ne troubler le repos de personne, et l’avertis que s’il s’avisait de fait le moindre bruit, je lui ferai couper la tête et enfoncer un pieu dans le cœur. (C’est le moyen qu’on employait à l’égard de ceux que l’on croyait vampires, comme un secret infaillible pour faire cesser leurs scènes tragiques.)

Le tapage ayant recommencé quelques heures après, je descendis à l’église avec toute la communauté, et je dis au mort, dont le visage était toujours enluminé: vous l’avez voulu, mon Père, ce n’est pas ma faute; et pour vous punir de votre mutinerie, par le droit que j’ai comme votre Supérieur, j’ordonne qu’on vous tranche la tête et qu’on vous frappe au cœur. La chose s’exécuta sur le champ et le vampire leva le pied à plusieurs reprises et jeta un grand cri. Je m’imaginai pour lors que nous serions tranquilles: mais un fracas épouvantable répandit l’alarme pendant toute la nuit; ce qui dura jusqu’au lendemain où je me rendis encore auprès du cadavre, pour lui signifier que puisque l’amputation n’avait pu le rendre sage, il serait brûlé l’après-midi au milieu même de la cour. Le bûcher se prépara et le corps qu’on jeta dans les flammes fut bientôt réduit en cendres, mais en excitant une si horrible tempête que la maison semblait vouloir s’écrouler. « 

Harppe

Harppe est l’un des plus célèbres vampires dont le nom exact nous soit parvenu. Son histoire est celle de tous les vampires qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, furent pourchassés et anéantis en Pologne, en Hongrie et dans les Balkans.

 » Un homme du Nord, qui se nommait Harppe, étant à l’article de la mort, ordonna de le faire enterrer tout debout devant la porte de sa cuisine, afin qu’il ne perdît pas tout à fait l’odeur des ragoûts qui lui étaient chers, et qu’il pût voir à son aise ce qui se passerait dans sa maison. La veuve exécuta docilement ce que son mari lui avait commandé. Quelques semaines après la mort de Harppe, on le vit apparaître sous la forme d’un fantôme hideux, qui tuait les ouvriers et molestait tellement les voisins, que personne n’osait plus demeurer dans le village. Un paysan, nommé Olaüs Pa, fut assez hardi pour attaquer ce vampire, car c’en était un; il lui porta un grand coup de lance et laissa la lance dans la plaie. Le spectre disparut. Le lendemain Olaüs fit ouvrir le tombeau du mort; il trouva sa lance dans le corps de Harppe au même endroit où il avait frappé le fantôme. Le cadavre n’était pas corrompu; on le tira de terre; on le brûla, on jeta ses cendres à la mer, et on fut délivré de ses funestes apparitions. « 

L’Abbaye de Melrose

Cette histoire, qui se déroule en 1196, fut rapportée par William of Newburgh, historien et chroniqueur dans son Historia Rerum Anglicarum.

 » Il y a quelques années mourut l’aumônier d’une certaine dame de haut rang, et il fut inhumé dans ce majestueux monastère qu’est l’abbaye de Melrose. Malheureusement ce prêtre ne respectait guère les vœux sacrés de son saint ordre et il passait ses jours presque à la façon d’un laïc… Et ce qui se passa après sa mort montre de façon tout à fait évidente qu’il était généralement tenu en piètre estime et que sa culpabilité était très condamnable et même détestable. Pendant plusieurs nuits, il sortit de sa tombe et tenta de pénétrer par effraction dans le cloître, mais il échoua et ne put molester ni alarmer qui que ce soit si grands étaient les mérites et la sainteté des bons moines qui habitaient là. Après quoi, il décida d’aller plus loin et il apparut soudain dans la chambre à coucher, au chevet même de la dame dont il avait été l’aumônier, poussant des cris extrêmement perçants et des gémissements à fendre l’âme. Cela s’étant reproduit plus d’une fois, elle fut presque folle de frayeur, redoutant qu’un terrible danger pût lui arriver, et convoquant un frère supérieur du monastère, elle le supplia les larmes aux yeux de faire dire spécialement des prières pour elle puisqu’elle était tourmentée de la façon la plus extraordinaire et la plus inhabituelle. Quand il entendit son récit, le moine calma son anxiété… et promit de trouver sous peu un remède. Rentré au monastère, il divulgua son plan à un vieux moine avisé et ils décidèrent, en compagnie de deux jeunes gens robustes et courageux, de monter la garde dans la partie du cimetière où était enterré le malheureux prêtre…

Minuit avait déjà sonné et il n’y avait pas trace du monstre. Trois des compagnons se retirèrent donc un moment pour se réchauffer près du feu dans un bâtiment non loin de là… mais le moine qui leur avait demandé de se joindre à lui décida de continuer à monter la garde. Tandis qu’il restait seul sur les lieux, le Diable, pensant trouver une belle occasion de miner le courage et la ténacité de cet homme pieux, fit lever de sa tombe celui qui lui servait d’instrument… Quand le moine vit le monstre tout près de lui, il fut saisi d’horreur, mais il retrouva aussitôt son courage… Au moment où le monstre se ruait sur lui en poussant un affreux hurlement, il resta sur place et lui asséna un terrible coup de hache. Quand le mort reçut cette blessure, il poussa un terrible gémissement et, faisant volte-face, il s’enfuit aussi vite qu’il était apparu. Mais le courageux moine le poursuivit et le contraignit à se réfugier dans sa tombe. Celle-ci sembla s’ouvrir aussitôt d’elle-même pour le laisser entrer et elle se referma rapidement sur lui…

Quand ils (les trois autres moines) entendirent toute l’histoire, ils décidèrent dès l’aube de déterrer ce maudit cadavre… Quand ils eurent enlevé la terre et mis au jour le cadavre, ils le trouvèrent marqué d’une terrible blessure, tandis que le sang noir qui s’en était écoulé avait apparemment inondé toute la tombe. La charogne fut transportée à un endroit éloigné du monastère, où elle fut brûlée sur un grand bûcher et les cendres en furent éparpillées aux quatre vents. « 

Visum et Repertum

Ce compte rendu, quelque peu macabre, relate peut-être le cas de vampirisme le plus remarquable, car il affecta un village tout entier. Le phénomène prit une telle ampleur qu’il attira l’attention des autorités, et le lieutenant Büttner, du régiment d’Alexandre de Wurtenberg, fut alors envoyé sur es lieux afin d’enquêter sur l’affaire. Un rapport officiel fut publié le 7 janvier 1732 sous le titre Visum et Repertum (Vu et découvert). Une copie du manuscrit original est conservée dans les archives de Vienne.

Visum et Repertum

 » Ayant entendu dire que dans ce village de Medvegia les prétendus vampires avaient fait mourir de nombreuses personnes en leur suçant le sang, je reçus l’ordre et la mission du commandement supérieur de Sa Majesté de faire la lumière sur cette question et d’enquêter avec l’appui d’officiers et de deux Unterfeldscherer; notre examen des faits se fit par devant le capitaine de la compagnie des Heiduques, Gorschitz Heiduck Burjaktar, et les autres Heiduques les plus anciens de l’endroit. Ceux-ci, après qu’on les eut interrogés, déclarèrent unanimement que, il y a environ cinq ans, un Heiduque du pays nommé Arnold Paole se rompit le cou en chutant d’une charrette de foin. De son vivant, cet homme avait souvent raconté que, près de Cassowa, dans la Perse turque, il avait été molesté par un vampire, et qu’en conséquence il avait du manger de la terre provenant de la tombe de ce dernier, de même qu’il s’était frotté le corps avec son sang afin de se libérer de cette malédiction.

Vingt à trente jours après la mort de Paole, des gens commencèrent à se plaindre qu’ils avaient été visités et tourmentés par ledit Paole; de fait, quatre personnes en moururent. Pour mettre un terme à ce danger, les habitants du village déterrèrent Paole, et ce quarante jours après son inhumation – suivant en cela l’avis de leur  » hadnogy  » (bailli ou maire), qui avait déjà assisté à ce genre d’événement auparavant. On trouva alors le cadavre en parfait état de conservation: les chairs n’étaient pas décomposées; un sang rutilant avait coulé des yeux, du nez, de la bouche et des oreilles; la chemise et le linceul étaient également maculés de sang frais; enfin, les vieux ongles et la peau des mains et des pieds s’étaient détachés pour laisser place à des ongles et des chairs régénérés, tous ces indices permettant de conclure qu’il s’agissait d’un authentique vampire.

Lorsque son cœur fut, selon la coutume, transpercé d’un pieu effilé, le  » défunt  » poussa un effroyable hurlement, et des flots de sang s’échappèrent de son corps, que l’on brûla le jour même. Les cendres furent jetées dans la tombe. Mais, là-bas, on raconte que tous ceux qui meurent à cause d’un vampire deviennent vampires à leur tour. Il fallut donc exhumer les quatre victimes des jours précédents et se livrer au même horrible rituel sur leur cadavre. Mais l’affaire n’en était pas pour autant terminée, ledit Paole ayant attaqué non seulement des gens, mais également du bétail, et ceux qui avaient mangé de la viande étant à leur tour condamnés.

Cependant, cinq ans plus tard, au cours de l’hiver 1731, ces funestes prodiges recommencèrent et plusieurs habitants du même village périrent malheureusement. Dans l’espace de trois mois, dix-sept personnes de différent sexe et différent âge moururent de Vampirisme, quelques-unes subitement, et d’autres après deux ou trois jours de langueur.
Le Heiduque Jobira fit savoir, entre autres, que sa belle-fille Stanjoika s’étant couchée quinze jours auparavant en parfaite santé poussa une nuit un cri effroyable; se réveillant en sursaut et pleine de frayeur, se plaignant d’avoir été serrée au cou par un homme mort depuis plus de quatre semaines, qui était le fils du Heiduque Milloe. De ce moment, elle ne fit plus que languir et elle mourut au bout de trois jours.
Ce que cette fille avait dit du fils de Milloe fit qu’on exhuma ce cadavre, où l’on reconnut un Vampire. Les principaux du lieu, les médecins et les chirurgiens examinèrent comment le Vampirisme avait pu renaître après les précautions qu’on avait prises quelques année auparavant: on découvrit enfin, après bien des recherches, que le défunt Arnold-Paul avait tué non-seulement les personnes dont nous avons déjà parlé, mais aussi plusieurs bestiaux, dont les nouveaux Vampires avaient mangé, particulièrement le fils de Milloe.
Sur ces indices on prit la résolution de déterrer tous ceux qui étaient morts depuis un certain temps. Parmi une quarantaine, on en trouva dix-sept avec tous les signes les plus évidents du Vampirisme: on leur perça le cœur, on leur coupa la tête, on les brûla, on dispersa leurs cendres et on fut depuis à l’abri de leurs infestations nocturnes.

C’est pourquoi ce même après-midi, après avoir entendu les témoins, nous allâmes au cimetière, accompagnés des anciens Heiduques du village, pour y faire ouvrir les tombes suspectes et examiner les corps s’y trouvant. Cette enquête révéla les faits suivants:

Une femme nommée Stana, morte à vingt ans et trois mois, en mettant un enfant au monde, à la suite d’une maladie ayant duré trois jours, avait déclaré s’être frottée du sang d’un vampire pour se débarrasser de toute atteinte possible. Elle était en excellent état de conservation. En ouvrant le corps, on découvrit une grande quantité de sang frais la cavitate pectoris. Tous les viscères, comme les poumons, le foie, l’estomac et l’intestin, étaient aussi frais que chez quelqu’un de bien portant. Mais l’utérus étaient distendu et enflammé à l’extérieur, le placenta était en état de putréfaction. La peau et les ongles des mains et des pieds tombaient tandis qu’une peau fraiche et vivante apparaissait ainsi que des ongles neufs.

Une femme, Miliza, âgée de soixante ans, morte après une maladie de trois mois et enterrée depuis quatre-vingt-dix et quelques jours avait encore dans la poitrine quantité de sang liquide; les autres organes étaient tous en excellent état.
Son corps était devenu plus gras qu’avant sa mort, durant sa vie Milizia avait été plutôt maigre. On voyait aussi en elle un vampire car elle avait mangé de la viande de moutons précédemment contaminés par des vampires.

Un enfant de huit jours, enterré depuis quatre vingt dix jours, fut reconnu également en état de vampirisme.
On déterra aussi le fils d’un Heiduqye nommé Milloe, âgé de seize ans et enterré depuis neuf semaines, qui était mort après trois semaines de maladie et fut considéré comme vampire ainsi que les autres.

Joachim, également fils de Heiduque, âgé de dix sept ans, fut déterré. Il était mort après trois jours de maladie et était enterré depuis huit semaines et quatre jours. Notre examen a révélé qu’il était également en état de vampirisme.

Rusha, une femme morte après huit jours de maladie, enterrée depuis six semaines dans la poitrine on a trouvé une grande quantité de sang frais. L’enfant de Rush, âgé de dix huit jours, mort depuis cinq semaines a été retrouvé dans le même état que sa mère.

Une fillette de dix ans morte depuis deux mois avait le corps intact, non décomposé. Dans sa poitrine, il y avait grande quantité de sang.

Une femme et un enfant déterrés en état de décomposition, donc non-vampire. Le valet du chef Heiduque, mort après trois mois de maladie, âgé de vingt-trois ans, non-vampire. Une autre femme et un enfant déterrés en état de décomposition donc non-vampire.

Stanko, Heiduque de soixante ans, mort depuis six semaines, avait une grande quantité de sang dans la poitrine et l’estomac. Son corps a été déclaré en état de vampirisme.

Milloe, Heiduque de vingt cinq ans, enterré depuis six semaines, a été trouvé en parfait état de vampirisme.

Stanjoika, femme d’un Heiduque, morte à vingt ans d’une maladie ayant duré trois jours, fut trouvée le visage rouge et de couleur vermeille, c’est elle qui à minuit avait été serrée au cou par le fils de Milloe. Or, à l’enquête on vit clairement que, sous l’oreille gauche, cette femme portait une marque bleue, par où le sang avait coulé. Alors qu’on ouvrait son cercueil, une grande quantité de sang frais sortait de son nez. Tous les organes se trouvaient en parfait état de conservation, ainsi que la peau de tout son corps, les ongles des mains et des pieds.

Après que l’on eut consigné tous ces faits, des Bohémiens de passage furent employés pour décapiter les cadavres. On brûla ensuite tous ces corps et on jeta les cendres dans la Morava, tandis que l’on replaçait dans leur cercueil les cadavres trouvés en état de décomposition. J’affirme, moi et les Unterfeldscherer qui m’ont été dépêchés, que toutes ces choses se sont passées telles que nous venons de les rapporter, à Medvegia, en Serbie, le 7 janvier 1732. « 

Tous ces faits furent donc attestés dans divers procès-verbaux signés par des officiers Allemands et par des baillis de village.

Le Vieillard de Kisilova

 » On vient d’avoir dans ces quartiers de Hongrie une scène de vampirisme qui est dûment attestée par deux officiers du Tribunal de Belgrade, qui ont fait descente sur les lieux, et par un officier des troupes de l’Empereur à Gradisch, qui a été témoin oculaire des procédures.Au commencement de septembre mourut dans le village de Kisilova, à trois lieues de Gradisch, un vieillard âgé de soixante deux ans… Trois jours après avoir été enterré, il apparut la nuit à son fils, et lui demanda à manger; celui-ci lui en ayant servi, il mangea et disparut. Le lendemain le fils raconta à ses voisins ce qui était arrivé. Cette nuit le père ne parut pas; mais la nuit suivante, il se fit voir, et demanda à manger.On ne sait pas si son fils lui en donna ou non; mais on trouva le lendemain celui-ci mort dans son lit. Le même jour, 5 ou 6 personnes tombèrent subitement malades dans le village et moururent l’une après l’autre peu de jours après.L’officier ou bailli du lieu informé de ce qui était arrivé, en envoya une relation au Tribunal de Belgrade, qui fit venir dans ce village deux officiers avec un bourreau pour examiner cette affaire. L’officier impérial, dont on tient cette relation, s’y rendit de Gradisch, pour être témoin d’un fait dont il avait si souvent ouï parler. On ouvrit les tombeaux de ceux qui étaient morts depuis six semaines: quand on vint à celui du vieillard on le trouva les yeux ouverts, d’une couleur vermeille, ayant une respiration naturelle, cependant immobile comme mort; d’où l’on conclut qu’il était signalé Vampire. Le bourreau lui enfonça un pieu dans le cœur. On fit un bûcher, et l’on réduisit en cendres le cadavre. On ne trouva aucune marque de vampirisme, ni dans le cadavre de son fils, ni dans celui des autres…  » 37e des Lettres Juives, 1738.

Miloch le Vampire

Miloch habitait tout près du petit village de Radojevo et c’était un homme à la réputation sulfureuse. Les villageois disaient de lui qu’il était un sorcier et qu’il avait comme compagnon un oiseau auquel il avait appris à parler. Miloch était également connu pour avoir la capacité de communiquer avec les loups. Il en avait capturé et dressé plusieurs qui gardaient sa maison. En 1731, Miloch expira pour des raisons inconnues.

En juillet 1732, le prince de Wurtenberg envoya Jozsef Faredi-Tamarzski à Radojevo enfin d’enquêter sur la mort de onze villageois qui avaient péri durant les mois de janvier et février de la même année. Les habitants du village affirmaient que Miloch était devenu un vampire et qu’il était responsable de ces disparitions. Voici le rapport que rendit Jozsef Faredi-Tamarzski :

 » Déposition du dit chirurgien major, Jozsef Faredi-Tamarzski, devant la Commission Militaire de Belgrade. Octobre 1732.Sur ordre de la Commission Impériale présidée par son Altesse Sérénissime Monseigneur le Prince de Wurtemberg, et sur désignation de Monsieur le Colonel commandant ledit Régiment, je me suis rendu au mois de juillet au village de Radojevo pour y enquêter sur le décès de onze personnes, décès survenus durant le mois de janvier et février, et que les paysans attribuent à un Vampire du nom de Miloch. Interrogé d’abord le birô du village, lequel déclare être de l’avis de ses administrés. Interrogé ensuite les cinq notables habitants, lesquels assurent que personne ne doute ici qu’il s’agisse bien d’un Vampire. Après avoir vainement tenté de leur faire admettre l’impossibilité de pareille chose, Dieu ne pouvant avoir donné telle puissance au diable, les dits m’ont rétorqué que ledit diable ne se trouvait pas dans les corps des dits Vampires, mais qu’eux-mêmes, de leur vivant, sont d’abord ses serviteurs et ont fait promesse avec lui, ce pourquoi ledit diable en récompense ne les fait point se corrompre en terre.

Après avoir entendu ces notables, j’ai cru bien faire en faisant procéder à l’exhumation des dits suspects, ce pour les convaincre de leur erreur. Commencé par le dit Miloch. Miloch, âgé d’environ cinquante ans à sa mort. A toujours eu la réputation d’être quelque peu sorcier. Possédait de son vivant un oiseau à qui il avait appris à parler. A eu durant des années un loup capturé et qu’il avait domestiqué. Mort on ne sait comment, sans maladie apparente, a-t-il semblé, aux dires de sa femme. Est enterré depuis l’été de l’autre année. Donc environ depuis quinze mois.

J’ai fait ouvrir la tombe. Des hommes du village de Radojevo ont enlevé la terre et la plaque d’écorce recouvrant le corps en dessus. Le cadavre a été trouvé dans la fosse entier et absolument intact, mais les yeux sont toutefois grands ouverts, bien que sa veuve affirme les lui avoir fermés à l’époque. Fait confirmé par la femme Tiéna, laveuse des morts dans le village. Les membres sont sans aucune roideur, le corps du dit Miloch est maigre et musclé. Ce qui m’a empêché de convaincre les villageois de Radojevo, c’est que du sang coule doucement, mais abondamment et sans cesse, de la bouche ouverte du dit Miloch, les dents en sont souillées, également les narines. Mis à peu près nu dans la fosse à l’époque de l’ensevelissement, la plaque d’écorce qui est dessous le corps a été trouvé imbibée de sang, et la terre du fond de la fosse également.

Devant l’insistance des habitants de Radojevo, j’ai dû donner l’ordre de le frapper d’un coup d’épieu porté à travers le cœur avant de refermer la tombe. Ayant compris qu’ils avaient en outre l’intention de le brûler lorsque je serai parti, j’ai donc fait jeter de la chaux vive sur tout le corps.Interrogé les familles des onze personnes décédées de façon suspecte. Se sont alitées sans raison, déclarant avoir été attaquées une nuit par le nommé Miloch, lequel tentait, dirent-ils, de les étrangler. Sont demeurés à la suite de cela dans un état fébrile permanent, aux dires des proches interrogés. Sans manger et pour ainsi dire sans boire. Décédés la plupart dans un délai de huit à dix jours. Présentèrent toutes les symptômes d’un affaiblissement progressif. Délire nocturne dans les premiers jours. Accès particulièrement violent vers la fin de chaque nuit ces jours-là. Chez certaines des personnes ainsi décédées, les membres de la famille ont observé deux marques bleues légères vers la gorge, ce que les villageois de Radojevo attribuent aux attaques du Vampire Miloch.

J’ai fait ouvrir les fosses de ces onze personnes. Enterrées depuis six mois environ. Sur les onze, avons trouvé huit d’entre elles décomposées comme il doit en être normalement. Des trois autres, une femme était dans un état de conservation évidemment surprenant, vu le temps de l’enfouissement en terre. Semblait dormir comme une personne en vie. Les deux autres, un homme et une femme, ont semblé l’être déjà moins, car, pour parfaitement conservées qu’elles soient, les membres sont rigides, alors que la première femme est parfaitement souple.Néanmoins tous trois m’ont paru suspects, d’autant que la première femme, la bouche ouverte de force par la poire d’angoisse, a été trouvée du sang sur les dents et plein la bouche. A en outre des traînées de sang sous elle dans la fosse. Cette femme est morte âgée de trente ans environ aux dires des paysans de Radojevo. L’autre femme est une jeune fille de dix-neuf ans au plus. L’homme avait environ trente cinq ans.

Devant ces constatations troublantes, je me suis cru autorisé à permettre aux habitants de Radojevo de les passer par l’épieu et la chaux, eux aussi. Le village ne semble pas totalement tranquillisé. J’ai l’impression que les Autorités se désintéressent de leur sort, la crémation des cadavres suspects ne leur ayant pas été accordée.

Déposé sous serment ce jour. Commission Militaire de Belgrade, Octobre 1732. « 

Le Broucolaque

 » Transcrit par nous, greffier de la dite. Robert Ambelain, Le vampirisme, se référant à Augustin Calmet. Au XVIIe siècle, Ricault, qui voyageait dans le levant, racontait que la peur des Broucolaques était commune aux Turcs et aux Grecs. Il relatait un fait qu’il tenait d’un certain Caloyer (sorte de moine) nommé Candiot, qui lui avait assuré de la vérité de son histoire d’un serment.

Un homme était mort dans l’île de Milo, où il avait été excommunié pour une faute qu’il avait commise dans la Morée. Il avait été enterré sans cérémonies dans un lieu isolé, et non en terre sainte. Mais bientôt, les habitants se plaignirent d’horribles apparitions qu’ils attribuèrent à ce malheureux. Au bout de quelques années, on ouvrit donc son tombeau. Son corps s’y trouvait, enflé, mais sain et bien dispos, et ses veines étaient gonflées du sang qu’il avait sucé. On reconnu là un Broucolaque ou Vampire. Après avoir délibéré sur ce qu’il convenait de faire, les Caloyers furent d’avis de démembrer le corps, de le mettre en pièces et de le faire bouillir dans le vin. Car c’était ainsi qu’ils avaient l’habitude d’agir en des temps très anciens, envers les corps de Vampires.

A force de prières, les parents du mort obtinrent cependant que cette exécution soit différée et ils envoyèrent en diligence à Constantinople, afin d’obtenir du patriarche l’absolution apparemment nécessaire au repos du défunt. En attendant, le corps fut déposé dans l’église et tous les jours des prières étaient dites pour son repos.

Un matin que le Caloyer Candiot assurait le divin service, on entendit brusquement une espèce de détonation dans le cercueil.
Lorsqu’on l’ouvrit, on trouva que le corps s’était dissout, comme devait l’être celui d’un mort enterré depuis sept ans. Le moment où le bruit s’était fait entendre avait été relevé: c’était précisément l’heure où l’absolution accordée par le patriarche avait été signée.  » (1746).

Les Vampires de William de Newburgh

William de Newburgh (1136-1198), chanoine du prieuré de Sainte Marie à Newburg, dans le Yorkshire, rapportait dans son ouvrage Historia rerum anglicarum plusieurs histoires sur des présumés vampires qui tourmentaient leurs concitoyens. Il avait appris par l’archidiacre Stephen, qui œuvrait dans le comté de Buckingham, qu’un homme décédé de son diocèse revenait oppresser sa veuve dans son sommeil. Durant plusieurs nuits, la femme avait ressenti un lourd poids sur sa poitrine et elle avait du mobiliser toute la maisonnée pour résister aux assauts du mort. Celui-ci, voyant qu’il ne pouvait plus sévir dans son ancienne demeure, avait alors commencé à tourmenter d’autres personnes endormies et à effaroucher les chevaux dans les écuries.

Face à l’exaspération de la population, l’archidiacre avait adressé une lettre sollicitant son aide à l’évêque de Lincoln. Le prélat avait alors envoyé une missive contenant l’absolution du mort et il avait ordonné de déposer cet écrit sur la poitrine du défunt puis de refermer sa sépulture. L’ordre avait été scrupuleusement exécuté. A l’ouverture de la tombe, le mort avait été trouvé  » non corrompu, précisément comme il avait été déposé le jour de l’enterrement.  » Après avoir reçu l’absolution, il avait définitivement cessé de se manifester hors de son tombeau.

Toujours dans le même ouvrage, William de Newburgh relatait qu’au château d’Alnwick, le prêtre de la paroisse racontait qu’une homme avait expiré sans sacrements, suite à une chute. Cet homme qui était un homme de mauvaise vie, soupçonnait sa femme d’adultère. Il s’était donc caché dans les combles au-dessus de sa chambre afin de l’attraper. Quand il avait vu sa femme avec un jeune homme du quartier, il en avait été tellement offensé qu’il était tombé sur le sol et s’était gravement blessé. Il avait néanmoins réussi à convaincre sa femme qu’il allait se rétablir et qu’il n’était nul besoin d’appeler un prêtre pour effectuer les derniers sacrements.Le malheureux était mort peu après sans avoir pris l’Eucharistie et il avait été inhumé selon l’usage chrétien.

Durant toute la nuit qui suivit son enterrement, jusqu’à ce que se lève le soleil, il avait erré dans les tribunaux et les maisons, poursuivi par une meute de chiens qui aboyaient horriblement. Les habitants de la ville avait rapidement fermé leurs portes, et nul n’avait osé l’aborder de peur d’être roué de coups par ce monstre. Mais ces précautions n’avaient été d’aucune utilité car l’atmosphère, empoisonné par sa carcasse putride et par ses fautes, avait rempli toutes les maisons de la maladie et de la mort de son souffle pestilentiel. » L’air devint vicié et pollué à mesure que ce corps fétide et corrupteur errait dans les parages, de sorte qu’une peste terrible se déclara et il n’y avait presque pas de maison qui ne fût pas endeuillée « .

La ville, qui était peu de temps auparavant peuplée, apparaissait maintenant presque déserte. Ceux de ses habitants qui avaient échappé à la destruction avaient migré vers d’autres régions du pays, de peur de mourir. Le prêtre s’était appliqué à convoquer une réunion de sages et de religieux en ce jour sacré qu’était le dimanche des Rameaux afin qu’ils puissent communiquer sur un si grand dilemme.

Après avoir prononcé un discours aux habitants et ordonné les cérémonies solennelles du jour saint, il avait invité ses convives dans son bureau, ainsi que d’autres personnes qui étaient à l’honneur. Alors qu’ils étaient en banquet, deux jeunes hommes, deux frères, qui avaient perdu leur père par ce fléau, se présentèrent devant eux et déclarèrent :  » Ce monstre a déjà tué notre père, il ne tardera pas à nous tuer aussi si nous ne prenons des mesures pour l’empêcher. Laissez-nous donc mener une action audacieuse qui assurera notre propre sécurité et qui vengera la mort de notre père. Creusons jusqu’à sa carcasse funeste, et brûlons-le par le feu. »

Là-dessus, saisissant une bêche émoussée, ils se hâtèrent vers le cimetière et ils commencèrent à creuser. Beaucoup de terre avait déjà été enlevée et les deux frères s’inquiétaient de la profondeur à laquelle avait été enterré le cadavre quand soudain il l’aperçurent. Le cadavre était énorme et gonflé, d’une corpulence incroyable. son visage était coloré et bouffi, avec des joues énormes, rouges et gonflées. Le linceul dans lequel il avait été enveloppé était entièrement souillé et déchiré. Le linceul dans lequel il avait été enveloppé était entièrement souillé et déchiré.

Les jeunes hommes n’étaient point effrayés mais animés par la colère et ils avaient assené un coup de bêche à cette carcasse insensée, lui infligeant une blessure. Il s’en était alors écoulé un tel flot de sang que l’on aurait pu croire à une sangsue gorgée du sang de nombreuses personnes. Ils avaient ensuite trainé sa dépouille hors du village, puis ils avaient rapidement dressé un bûcher. L’un des hommes avait souligné que ce corps pestilentiel ne pourrait pas brûler si son cœur n’était pas arraché de son corps auparavant et son frère avait alors déchiré son coté en frappant à plusieurs reprises avec sa bêche émoussée. Puis, fourrant sa main dans son torse, il en avait extirpé le cœur maudit qu’ils avaient déchiqueté.

Une fois l’infernal chien des Enfers détruit, la peste qui sévissait parmi le peuple avait cessé, comme si l’air, corrompu par les mouvements contagieux de cet horrible cadavre, avait été purifié par le feu qui l’avait consumé.

Le Vampire Hongrois

Vers l’an 1725, un soldat qui était en garnison chez un paysan des frontières de la Hongrie, vit entrer, au moment du souper, un inconnu, qui se mit à table auprès du maître de la maison. Celui-ci en fut extrêmement effrayé, de même que le reste de la compagnie. Le soldat ne savait qu’en penser, et il craignait d’être indiscret en posant des questions, parce qu’il ignorait de quoi il s’agissait. Mais le maître du logis étant mort le lendemain, il chercha enfin à connaître le sujet qui avait produit cet accident et mis toute la maison dans le trouble. On lui dit que l’inconnu, qu’il avait vu entrer et se mettre à table au grand effroi de toute la famille, était le père du maître de la maison; qu’il était mort et enterré depuis plus de dix ans, et qu’en venant ainsi s’asseoir auprès de son fils, il lui avait apporté la mort.

Le soldat raconta toutes ces choses à son régiment. On en avertit bientôt les officiers généraux, qui donnèrent commission au comte de Cabreras, capitaine d’infanterie, de faire information de ce fait. Le comte de Cabreras s’étant rendu sur les lieux avec d’autres officiers, un chirurgien et un auditeur, ils entendirent les dépositions de tous les gens de la maison, qui attestèrent que le revenant était père de l’hôte du logis, et que tout ce que le soldat avait rapporté était l’exacte vérité, ce qui fut aussi confirmé par la plupart des habitants du village.

En conséquence, on fit tirer de terre le corps de ce spectre: son sang était fluide et ses chairs aussi fraîches que celles d’un homme qui vient d’expirer. On lui coupa la tête; après quoi le remit dans son tombeau. On exhuma ensuite, après d’amples informations, un homme mort depuis plus de trente ans, qui était revenu trois fois dans sa maison à l’heure du repas, et qui avait sucé au cou, la première fois son propre frère, la seconde un de ses fils, la troisième un valet de la maison. Tous trois étaient morts presque sur-le-champ.

Quand ce vieux vampire fut déterré on le trouva, comme le premier, ayant le sang fluide et le corps frais. On lui planta un grand clou dans la tête, et ensuite on le remit dans son tombeau.Le comte de Cabreras fit brûler après cela un troisième vampire, qui était enterré depuis plus de seize ans, et qui avait sucé le sang et causé la mort à deux de ses fils. Alors, enfin le pays fut tranquille.

Histoire rapportée par D. Calmet, qui déclarait tenir ces faits d’un particulier à qui M. le comte de Cabreras les avait racontés.

La Mâchouilleuse de Linceul

Dans leur célèbre ouvrage Le marteau des Sorcières (Malleus Malleficarum), les inquisiteurs Henry Institoris et Jacques Sprenger rapportèrent cette surprenante histoire de vampire mâchouilleur de linceul. » L’un de nous, Inquisiteurs, trouva une ville (forte) quasiment vidée de ses habitants par la mort. Par ailleurs le bruit courait qu’une femme morte et enterrée avait petit à petit mangé le linceul dans lequel elle avait été ensevelie: et que l’épidémie ne pourrait cesser tant qu’elle n’aurait pas mangé le linceul entier et ne l’aurait pas digéré. On tint conseil à ce sujet. Prévôt et maire de la ville creusant la tombe, trouvèrent presque la moitié du linceul engagé dans la bouche, la gorge et l’estomac et déjà digérée. Devant ce spectacle, le prévôt bouleversa tira son épée et coupant la tête, la jeta hors de la fosse. Aussitôt, la peste cessa.D’où l’on voit que par la permission divine, les péchés d’une vieille femme ont été punis sur des innocents à cause de la dissimulation de crimes antécédents. Une fois l’Inquisition faite, on trouva en effet que pendant un long moment de sa vie cette femme avait été sorcière et magicienne. « 

Le Mort Malfaisant

Le philosophe britannique Henry More (1614-1687) traitait lui aussi de l’existence de ces apparitions comme de faits avérés. Les anecdotes sur les morts malfaisants dont il faisait état dans ses écrits étaient tirées de l’œuvre du philosophe silésien, Martin Weinrich. Il pensait, en les rapportant, aider l’athée à croire plus facilement en l’existence de Dieu.

Dans la ville de Breslaw, en Silésie, un cordonnier de la ville s’était suicidé au mois de septembre 1591 en se tranchant la gorge. Comme sa famille avait caché aux autorités la nature de sa mort, le cordonnier avait malgré tout était enterré selon le cérémonial chrétien. Cependant, peu après son enterrement, les habitants virent apparaitre un spectre, de jour comme de nuit, affichant les traits du défunt et portant ses habits. Celui-ci terrifiait ceux qui dormaient avec des visions horribles; ceux qui étaient éveillés, il les frappait, tirait ou serrait et il s’allongeait lourdement sur eux comme un  » cauchemar « .

Suite aux nombreuses incursions du suicidé, les magistrats décidèrent d’exhumer son corps, qui était donc demeuré sous terre du 22 septembre 1591 au 18 avril 1592 : » Quand il fut déterré, ce qui se passa en présence des magistrats de la ville, son corps fut trouvé entier, pas du tout putride, sans mauvaise odeur, excepté la moisissure de sa toilette funéraire. Ses articulations étaient souples et flexibles, comme chez ceux qui sont en vie, et sa peu seulement flasque mais une plus fraîche avait repoussé à sa place, tandis que la plaie de sa gorge était béante sans corruption dedans. On observa aussi une marque magique sur le grand orteil de son pied droit, à savoir une excroissance en forme de rose. « 

Après avoir été exposé durant une semaine, le corps du cordonnier avait été une fois encore enseveli, cette fois-ci sous un gibet. Mais ses infestations avaient continué de plus belle et elles n’avaient pris fin qu’avec son anéantissement total, orchestré par les magistrats de la ville :  » Pour cette raison, le 7 mai, il fut de nouveau exhumé et il était perceptible qu’il était devenu manifestement plus charnu depuis son dernier enterrement. En bref, on trancha la tête, les bras et les jambes du cadavre et en ouvrant son dos, on arracha son cœur qui était aussi frais et entier que celui d’un veau fraîchement tué. On déposa les membres ensemble avec le corps sur un tas de bois, et on le réduisit en cendres, qui furent soigneusement balayées et mises dans un sac. On les versa dans la rivière, et après cela le spectre ne fut plus jamais revu. « 

La Sorcière Infernale

En 1370, l’abbé Neplach d’Opatowitz relatait dans ses écrits l’histoire d’une sorcière qui se relevait d’entre les morts afin de tourmenter les habitants d’un petit village. En 1547, Hajek et Libotschan reprirent à leur tour cette anecdote dans leur ouvrage Chronique de Bohême. En 1345, dans le village de Lewin Klodzki, Brodka Duchacz, une femme soupçonnée de sorcellerie, mariée un potier, était morte et elle avait été enterrée hors du cimetière, à la croisée des chemins. Mais bien qu’elle fût morte, elle ne semblait pas vouloir reposer en paix, loin de là :

 » On vit bientôt qu’elle revenait, rendait visite aux pâtres dans les champs, se transformait en diverses sortes de bêtes, terrifiait les bergers, dispersait le bétail, ce qui leur causait bien du souci. De temps à autre, elle se montrait aussi sous la forme qu’elle avait eue de son vivant. Puis elle revint souvent dans ledit bourg et dans les villages alentours, dans les maisons des gens, sous diverses formes; elle parlait avec les gens, en effrayait une partie, tuait certain…« 

Les villageois décidèrent alors d’exhumer son corps :

 » Elle avait dévoré la moitié du voile qu’elle avait sur la tête et qu’on tira tout ensanglanté de sa gorge. On lui planta dans la poitrine un pieu de chêne et du sang jaillit de son corps, comme d’un bœuf, puis on l’ensevelit de nouveau. Peu de temps après, elle se montra de nouveau, bien plus souvent qu’auparavant, terrifiant et tuant les gens, et elle piétinait ceux qu’elle avait occis. Pour cette raison, elle fut derechef déterrée par le même homme qui découvrit qu’elle avait retiré de son corps le pieu qu’on y avait planté et qu’elle le tenait dans ses mains. On la sortit du tombeau et on la brûla avec le pieu, puis on jeta les cendres dans la tombe que l’on referma. Pendant plusieurs jours on a vu un tourbillon de vent là où on l’incinéra. « 

L’Évêque Compatissant

Guillaume de Neubrige, qui vivait au XIIe siècle, racontait que de son temps, on avait vu en Angleterre, dans le territoire de Buckingham, un spectre qui apparaissait en corps et en âme et qui s’était montré durant plusieurs nuits de suite, épouvantant sa femme et ses parents. Il était même apparu à certaines personnes en plein jour. Pour se défendre de sa méchanceté, il fallait faire un grand bruit lorsqu’il approchait. L’évêque de Lincoln assembla sur cela son conseil, qui lui dit que pareilles choses étaient souvent arrivées en Angleterre et que le seul remède que l’on connût à ce mal était de brûler le corps du spectre. L’évêque ne put goûter cet avis, qui lui parut cruel: il écrivit alors une cédule d’absolution, qui fut mise sur le corps du défunt, que l’on trouva aussi frais qu’au jour de son enterrement. A partir de ce moment-là, l’apparition disparut.

Le Vampire de Blow

Ferdinand de Schertz, l’auteur de Magia Posthuma, rapportait dans son ouvrage une autre anecdote plus singulière encore. Dans le petit village de Blow, qui se trouvait près de la ville de Kadam, en Bohême, un pâtre apparut quelques temps après sa mort et il présentait tous les signes habituels qui annonçaient le vampirisme. Ce spectre tourmentaient ses anciens voisins, il appelait par leur nom certaines personnes, et lorsqu’ils les appelait, elles mouraient dans la huitaine. Il causait tant d’effroi parmi la population que les paysans de Blow décidèrent de déterrer son corps puis ils le fichèrent en terre avec un pieu qu’ils lui passèrent au travers du cœur.

Alors qu’ils s’acharnaient sur sa dépouille, ce spectre, quoi qu’il fût mort et qui du moins n’aurait plus dû parler en une situation pareille, se moquaient néanmoins de ceux qui lui faisaient souffrir ce traitement : » Vous avez bonne grâce, leur disait-il en ouvrant sa grande bouche de Vampire, de me donner ainsi un bâton pour me défendre contre les chiens !  » Mais les villageois n’accordèrent pas d’attention à ce qu’il pouvait dire, et ils continuèrent leur ouvrage.

La nuit suivante, le pâtre brisa son pieu, se releva, épouvanta plusieurs personnes et en suffoqua plus qu’il ne l’avait fait jusqu’alors. On livra alors son corps au bourreau, qui le mit sur une charrette afin de le transporter hors de la ville et de l’y brûler. Le cadavre remuait les pieds et les mains, roulait des yeux ardents, et hurlait comme un furieux.
Lorsqu’on le perça à nouveau avec des pieux, il jeta de grands cris et rendit du sang très vermeil. Mais une fois bien brûlé, il ne se montra plus.

Le Pâtre

En 1517, en Silésie, on pouvait lire dans les Annales de la ville de Wroclaw:  » De la Saint-Michel à la Saint-André moururent deux mille personnes environ. Pendant ce temps, un pâtre fut enterré avec ses habits à Gross-Mochbar; il les a dévorés et a produit le bruit de mâchoires d’une truie. On l’a donc déterré et trouvé ses habits ensanglantés dans sa bouche; on lui a tranché la tête avec une bêche et on a jeté son chef hors du cimetière, alors la mortalité a pris fin. « 

La Femme Vampire

Dans son ouvrage Magia Posthuma, imprimé en 1706, Ferdinand de Schertz, racontait qu’en un certain village, une femme était morte munie de tous les sacrements, puis elle avait été enterrée dans le cimetière à la manière ordinaire. Ça n’était donc pas une excommuniée. Quatre jours après son décès les habitants du village entendirent un grand bruit, et apparut alors une entité qui se manifestait tantôt sous la forme d’un chien, tantôt sous une forme humaine. La créature n’était pas apparue à une seule personne, mais à plusieurs et les témoignages étaient nombreux.

Le spectre serrait la gorge de ceux à qui il s’adressait, leur comprimait l’estomac jusqu’à les faire suffoquer, leur brisait presque tout le corps et les réduisait à un état de faiblesse extrême. Ceux qui l’avaient rencontré étaient pâles, maigres et exténués. Les animaux même n’étaient pas à l’abri de sa malice; il attachait les vaches l’une à l’autre par la queue, fatiguait les chevaux, et tourmentait tellement le bétail de toute sorte, qu’on n’entendait partout que mugissements et cris de douleur. Ces calamités durèrent plusieurs mois: on ne put s’en délivrer qu’en brûlant le corps de la femme vampire.

Hrappr

La Laxdoela Saga (la Saga des habitants du Val au Saumon), œuvre anonyme rédigée en 1230, contient elle aussi un épisode de vampirisme. L’histoire raconte qu’en 950, un homme nommé Hrappr, du domaine de Hrappstadir, mourut et qu’après son trépas il se montra particulièrement maléfique. Bien qu’il eût été enterré sous le seuil de sa demeure, conformément à ses dernières volontés, Hrappr revint d’entre les morts et il prit la vie d’un grand nombre des habitants de son domaine. Les armes habituellement utilisées contre les ennemis vivants n’avaient aucun effet sur le défunt mais Olafr le Paon le frappa à mort de son épieu, mais le spectre se saisit de celui-ci et le fendit avant de disparaitre en s’enfonçant dans le sol. Seule la destruction intégrale de son cadavre permit de mettre fin aux malfaisances de Hrappr :  » Le lendemain matin, Olafr sortit de chez lui et se rendit à l’endroit où Hrappr avait été inhumé sous un tas de pierres. Il fit alors creuser. Hrappr gisait là, encore non décomposé. Olafr retrouva sa lance puis il fit faire un bûcher. Hrappr fut brûlé et ses cendres furent transportées au large dans la mer. A partir de là, il ne fut plus fait de mal à personne par les retours du fantôme de Hrappr. « 

Michael Casparek

Au début du XVIIIe siècle, la ville de Lublau, en Hongrie, était réputée pour son commerce de vin. En 1718, Michael Casparek (Kaszperek Mihály), l’un des plus commerçants en vin les plus prospères de la ville, fut soupçonné de vol et assigné devant les tribunaux. Malheureusement, il mourut subitement.

Dès le jour de sa mort, le 28 février 1718, Michael Casparek apparut à ses serviteurs et aux citoyens de Lublau. Ils affirmèrent par la suite que le mort les harcelait, qu’il les frappait, qu’il les mordait et qu’il les étouffait. Les chroniqueurs en parlaient ainsi :  » Un turbulent vampire harcèle les habitants de la ville, même en plein jour. Il rudoie les serviteurs, il attaque les paysans dans leurs champs et met le feu aux maisons. Il prend leur argent aux débiteurs et verse des indemnités aux créanciers. « 

Lorsque son cercueil fut ouvert, plus de 40 jours après sa mort, son corps fut découvert intact. Deux citoyens furent alors envoyés à la demande de l’évêque de Cracovie afin de permettre au prêtre local d’adopter de nouvelles mesures. Le 26 avril, une exécution posthume fut autorisée. Il avait été décidé que l’exécution serait publique afin de  » distraire la population. « 

Après lui avoir arraché le cœur, le corps de Michael Casparek fut brûlé sur un bucher. Ses frères s’élevèrent alors contre cette procédure. Ils déposèrent une protestation et le cœur du mort leur fut rendu. Malheureusement, même après la destruction de son corps, le défunt refusa de quitter les lieux, continuant à hanter la ville de sa présence malfaisante. La rumeur prétendait que son esprit maléfique avait mis enceinte sa femme et un grand nombre de ses servantes. Puis, au cours des mois de mai et de juin, la ville de Lublau fut ravagée par une dramatique série d’incendies et une tentative d’explication fut alors avancée. L’on supposait que le mort, qui avait apparemment pratiqué la sorcellerie autrefois, s’accrochait à la vie au moyen d’un anneau magique, ce que niait farouchement les membres de sa famille.

Le 27 juin, deux ecclésiastiques tentèrent un exorcisme qui ne fut d’aucune aide. Ce fut uniquement en brûlant le cœur de Michael Casparek que la ville put retrouver la paix.Au cours de la même année, Ferenc Vilsinszky, le notaire de la ville, écrivit une histoire retraçant les événements dans le Liber Actorium, conservé dans les archives de la ville, en y joignant les documents officiels. L’histoire fut publiée en 1718 et 1719. Elle était incluse dans un ouvrage de Hauber, Biblioteca, comme une histoire de fantôme. En 1825, en raison du sang frais qui s’était écoulé de corps lorsqu’on avait ouvert son cercueil, Michael Casparek devint le plus vieux vampire de Hongrie.

La Morte Bruyante

En 1572, à Lossen, près de Brieg, une femme fut déterrée. On lui reprochait le bruit qu’elle faisait depuis sa tombe:

 » Le 17 juillet, les paysans et la commune ont autorisé l’exhumation d’une femme qui avait été une damnée sorcière et était morte; elle mâchait dans sa tombe si bien qu’on l’entendait de loin. On lui a tranché la tête avec une bêche et enterré le tout à part. Elle avait dévoré son linceul. « 

Dakhanavar

En 1854, dans son ouvrage Transcaucasie: esquisses des nations et des races situées entre la Mer Noire et la Mer Caspienne, le baron August von Haxthausen décrivait un vampire qui avait vécu jadis en Arménie:  » Dans une caverne de cette région vivait jadis un vampire, nommé Dakhanavar (ou Dashanavar), qui ne supportait pas que quiconque pénétrât dans ces montagnes ou en dénombrât les vallées. Toute personne qui s’y essayait voyait durant la nuit son sang sucé par ce monstre, depuis la plante de ses pieds, jusqu’à ce qu’il meure. « 

L’Excommunié

En 1031, lors du second concile de Limoges, l’évêque de Cahors rapporta une histoire sur un étrange mort-vivant:  » Un chevalier de notre diocèse ayant été tué dans l’excommunication, je ne voulus pas céder aux prières de ses amis, qui me suppliaient vivement de lui donner l’absolution. Je voulais en faire un exemple, afin que les autres fussent touchés de crainte. Il fut enterré par quelques gentilshommes, sans cérémonies ecclésiastiques et sans l’assistance des prêtres, dans une église dédiée à St-Pierre. Le lendemain matin on trouva son corps hors de terre et jeté au loin de son tombeau, qui était demeuré entier, et sans marque qui prouvât qu’on y avait touché. Les gentilshommes qui l’avaient enterré n’y trouvèrent que les linges où il avait été enveloppé; ils l’enterrèrent une seconde fois et couvrirent la fosse d’une énorme quantité de terre et de pierres.

Le lendemain ils trouvèrent de nouveau le corps hors du tombeau, sans qu’il parût qu’on y eût travaillé. La même chose arriva cinq fois. Enfin, ils enterrèrent l’excommunié comme ils purent, loin du cimetière, dans une terre profane; ce qui remplit les seigneurs voisins d’une si grande terreur qu’ils vinrent tous demander la paix. « 

Le Vampire de Mycone

En 1718, Joseph Pitton de Tournefort, dans le premier tome de son ouvrage Un Voyage au Levant, rapportait l’histoire d’un vampire qui harcelait les habitants de l’île de Mykonos, en 1701 :  » L’homme dont nous allons raconter l’histoire était un paysan de Mycone, d’un naturel chagrin et querelleur, circonstance qu’il faut remarquer dans de pareils sujets; il fut tué à la campagne, on ne sait par qui, ni comment. Deux jours après qu’on l’eut inhumé dans une chapelle de la ville, le bruit courut qu’on le voyait la nuit se promener à grands pas, et qu’il venait dans les maisons renverser les meubles, éteindre les lampes, embrasser les gens par-derrière, et faire mille petits tours d’espiègle. On ne fit qu’en rire d’abord; mais l’affaire devient sérieuse, lorsque les plus honnêtes gens commencèrent à se plaindre. Les prêtres convenaient eux-mêmes du fait, et sans doute qu’ils avaient leurs raisons. On ne manqua pas faire dire des messes; cependant le paysan continuait la même vie sans se corriger. Après plusieurs assemblées des principaux de la ville, des Papas (prêtres) et des religieux, on conclut qu’il fallait, suivant je ne sais quel ancien cérémonial, attendre les neuf jours après l’enterrement.

Le dixième jour, on dit une Messe dans la chapelle où se trouvait le corps, afin de chasser le démon que l’on croyait s’y être renfermé. Ce corps fut déterré après la Messe, et l’on se mit en devoir de lui arracher le cœur: le boucher de la ville, assez vieux et fort maladroit, commença à lui ouvrir le ventre au lieu de la poitrine. Il fouilla longtemps dans les entrailles, sans y trouver ce qu’il cherchait. Enfin quelqu’un l’avertit qu’il fallait percer le diaphragme, le cœur fut arraché avec l’admiration de tous les assistants; le cadavre sentait si mauvais qu’on fut obligé de brûler de l’encens, mais la fumée, confondue avec les exhalaisons de cette charogne, ne fit qu’en augmenter la puanteur, et commença d’échauffer la cervelle de ces pauvres gens. Leur imagination frappée du spectacle se remplit de visions; on s’avisa de dire qu’il sortait une fumée épaisse de ce corps. Nous n’osions pas dire que c’était celle de l’encens. On ne criait que Vroucalacas, c’est le nom qu’on donne à ces prétendus revenants, dans la chapelle et dans la place qui est au devant.

Le bruit se répandait dans les rues comme par mugissements, et ce nom semblait être fait pour ébranler la voûte de la chapelle.Plusieurs des assistants assuraient que le sang de ce malheureux était bien vermeil et le boucher jurait que le corps était encore chaud; d’où l’on en concluait que le mort avait grand tort de n’être pas bien mort, ou pour mieux dire, de s’être laissé ranimer par le Diable; c’est là précisément l’idée d’un Vroucolacas. On faisait alors retentir ce nom d’une manière étonnante. Il entra dans ce temps une foule de gens, qui protestèrent tout haut qu’ils s’étaient bien aperçu que ce corps n’était pas raide lorsqu’on le porta de la campagne à l’Église pour l’enterrer, et que par conséquent, c’était un vrai Vroucolacas; c’était là le refrain.

Je ne doute pas qu’on n’eût soutenu qu’il ne puait pas, si nous n’eussions été présents, tant ces pauvres gens étaient étourdis du coup et infatués du retour des morts. Pour nous qui nous étions placés auprès du cadavre pour faire nos observations plus exactement, nous faillîmes à crever de la grande puanteur qui en sortait. Quand on nous demanda ce que nous croyions de ce mort, nous répondîmes que nous le croyions très bien mort, mais comme nous voulions guérir, ou au moins ne pas aigrir leur imagination frappée, nous leur représentâmes qu’il n’était pas surprenant que le boucher se fût aperçu de quelque chaleur en fouillant dans les entrailles qui se pourrissaient; qu’il n’était pas extraordinaire qu’il en fût sorti quelques vapeurs puisqu’il en sort du fumier que l’on remue; que pour ce prétendu sang vermeil, il paraissait encore sur les mains du boucher, que ce n’était qu’une bourbe fort puante.

Après tous ces raisonnements, on fut d’avis d’aller à la marine brûler le cœur du mort, qui malgré cette exécution fut moins docile et fit plus de bruit qu’auparavant: on l’accusa de battre les gens la nuit, d’enfoncer les portes et même les terrasses, de briser les fenêtres, de déchirer les habits, de vider les cruches et les bouteilles. C’était un mort bien altéré; je crois qu’il n’épargna que la maison du Consul chez qui nous logions. Cependant je n’ai rien vu de si pitoyable que l’état où était cette île: tout le monde avait l’imagination renversée: les gens du meilleur esprit paraissaient frappés comme les autres, c’était une véritable maladie du cerveau, aussi dangereuse que la manie et que la rage. On voyait des familles entières abandonner leurs maisons et venir des extrémités de la ville porter leurs grabats à la place pour y passer la nuit. Chacun se plaignait de quelque nouvelle insulte: ce n’était que gémissements à l’entrée de la nuit; les plus sensés se retiraient à la campagne.Dans une prévention si générale, nous prîmes le parti de ne rien dire. Non seulement on nous aurait traités de ridicules, mais d’infidèles. Comment faire revenir tout un peuple? Ceux qui croyaient dans leur âme que nous doutions de la vérité du fait, venaient à nous comme pour nous reprocher notre incrédulité et prétendaient prouver qu’il y avait des Vroucolacas, par quelques autorités tirés du Bouclier de la foi du P. Richard, missionnaire Jésuite. Il était Latin, disaient-ils, et par conséquent, vous devez le croire.

Nous n’aurions rien avancé de nier la conséquence: on nous donnait tous les matins la comédie par un fidèle récit des nouvelles folies qu’avait fait cet oiseau de nuit: on l’accusait même d’avoir d’avoir commis les péchés les plus abominables. Les citoyens les plus zélés pour le bien public croyaient qu’on avait manqué au point le plus plus essentiel de la cérémonie. Il ne fallait, disaient-ils, célébrer la messe qu’après avoir ôté le cœur du défunt. Ils prétendaient qu’avec cette précaution on n’aurait pas manqué de surprendre le diable; que sans doute il n’aurait eu garde d’y revenir, alors qu’en ayant commencé par la Messe, il avait eu, disaient-ils, tout le temps de s’enfuir et de revenir ensuite à son aise.

Après tous ces raisonnements, on se trouva dans le même embarras que le premier jour; on s’assemble soir et matin, on raisonne, on fait des processions pendant trois jours et trois nuits, on oblige les Papas à jeûner, on les voyait courir dans les maisons le goupillon à la main, jeter de l’eau bénite et en laver les portes; ils en remplissaient même la bouche de ce pauvre Vroucolacas. Nous dîmes si souvent aux Administrateurs de la ville, que dans un pareil cas on ne manquerait pas en Chrétienté de faire le guet la nuit, pour observer ce qui se passait dans la ville; qu’enfin on arrêta quelques vagabonds, qui avaient, assurément, pris part à tous ces désordres: apparemment ce n’en étaient pas les principaux auteurs, ou bien on les relâcha trop tôt; car deux jours après, pour se dédommager du jeûne qu’ils avaient fait en prison, ils recommencèrent à vider les cruches de vin de ceux qui étaient assez fous pour abandonner leurs maisons dans la nuit: on fut donc obligé d’en revenir aux prières.

Un jour, alors qu’on récitait certaines oraisons, après avoir planté je ne sais combien d’épées nus dans le torse de ce cadavre, que l’on déterrait trois ou quatre fois par jour, suivant le caprice du premier venu; un Albanais qui se trouvait à Mycone pour l’occasion, s’avisa de dire sur le ton d’un docteur qu’il était fort ridicule en pareil cas de se servir des épées des Chrétiens. Ne voyez-vous pas pauvres aveugles, disait-il, que la garde de ces épées faisant une croix avec la poignée, empêche le diable de sortir de ce corps? que ne vous servez-vous plutôt des sabres des Turcs? L’avis de cet homme habile ne servit à rien: le Vroucolacas ne parut pas plus traitable et tout le monde était dans une étrange consternation: on ne savait à quel Saint se vouer, lorsque d’une seule voix, comme si l’on s’était donné le mot, on se mit à crier par toute la ville, que s’était trop attendre, qu’il fallait brûler le Vroucolacas tout entier: qu’après ça il défiaient le diable de revenir s’y nicher; qu’il vallait mieux recourir à cette extrémité, que de laisse l’île se déserter.

En effet, il y avait déjà des familles entières qui pliaient bagage, dans le dessein de se retirer à Syra ou à Tine. On porta donc le Vroucolacas par ordre des Administrateurs à la pointe de l’Ile de Saint-George, où l’on avait préparé un grand bûcher avec du goudron, de peur que le bois, quelque sec qu’il fût, ne brûlât pas assez vite par lui-même: les restes de ce malheureux cadavre y furent jetés et consumés en peu de temps: c’était le premier jour de janvier 1701. Nous vîmes ce feu en revenant de Delos; on pouvait bien l’appeler un vrai feu de joie, puisque l’on entendit plus de plaintes contre le Vroucolacas; on se contenta de dire que la diable avait été bien attrapé cette-fois là, et l’on fit quelques chansons pour le tourner en ridicule.

Dans tout l’Archipel on est bien persuadé qu’il n’y a que les Grecs du rite grec dont le diable ranime les cadavres: les habitants de l’île de Santorin appréhendent fort ces sortes de loups-garous; ceux de Mykone, après que leur visions furent dissipées, craignaient également les poursuites des Turcs et celles de l’Évêque de Tine. Aucun prêtre ne voulut se trouver à Saint-Georges, quand on brûla le corps, de peur que l’évêque n’exigeât une somme d’argent pour avait fait déterrer et brûler le mort sans sa permission. Pour les Turcs, il est certain qu’à la première visite ils ne manquèrent pas de faire payer à la communauté de Mykonos le sang de ce pauvre diable, qui devint, en toute manière, l’abomination et l’horreur de son pays. « 

Les Objets Vampiriques

 

Le Fauteuil

Dans le sud du Pays de Galles, à Glamorun, un fermier avait acquis une vieille maison ainsi que quelques meubles d’une chambre d’amis. Un prêtre de passage s’y installa dans un fauteuil. En se levant, il constata qu’il saignait de la main gauche. Lorsque le sang s’arrêta enfin de couler, le prélat s’aperçut que la blessure revêtait l’apparence d’une morsure. Il fit remarquer à son hôtesse qu’une aiguille avait certainement été égarée dans le fauteuil et elle lui répondit que d’autres personnes lui avaient fait la même observation, mais qu’en dépit de ses recherches, elle n’avait rien trouvé.Le jour suivant, le prélat s’éveilla avant l’aube. Il ressentit au côté une douleur cuisante comme si  » un chien lui eût dévoré la chair « . Il découvrit alors sur ses côtes des blessures semblables à celle de sa main et qui saignaient abondamment. Il observa les mêmes blessures au cou de son cheval et dit à la maîtresse de maison:  » Vous ne pouvez le savoir, mais il me semble qu’un vampire visite cette demeure. L’homme mort, à qui appartenait ces meubles, revient sucer le sang des hôtes, ainsi que celui des chevaux. Mais il n’est pas honnête de parler de cela pour un homme d’église. « 

La même mésaventure arriva à d’autres prêtres qui s’arrêtèrent dans cette demeure. Une cinquantaine d’années plus tard, vers 1850, lorsque les vieux meubles furent vendus, il ne fut plus jamais question de vampire.

Le Lit

Histoire rapportée par Havekost Ernst. Une famille de Cardiff possédait un bois de lit datant de l’époque de Jacques Ier. Une jeune femme et son enfant durent dormir dans ce lit. La première nuit, l’enfant ne trouva pas le sommeil. La seconde, il cria avec tant de violence que sa mère eut peine à le calmer. Un médecin prescrivit un remède, mais l’enfant mourut néanmoins au cours de la quatrième nuit. A l’examen, on découvrit à son cou une marque rouge qui suintait le sang. Le médecin ne put expliquer davantage le phénomène; il conclut dans son rapport que l’enfant avait été entièrement vidé de sa substance vitale.Par la suite, l’époux de la jeune femme tenta de dormir dans le lit et eut l’impression, durant les deux premières nuits, que quelqu’un le saisissait par le cou. La troisième nuit, il faillit mourir et, en se levant, il remarqua des traces de succion sur sa peau. On conclut de tout ceci qu’il s’agissait d’un  » lit vampirique. « 

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