Les Enfants des Ténèbres

En juin 2017, Brent Swancer écrivit un article pour le site Mysteriousuniverse, relatant les différents phénomènes inexplicables dont il avait été témoin au cours de sa vie. À cette occasion, il raconta la terrible mésaventure qui lui était arrivée quelques années plus tôt, une expérience si traumatisante qu’il n’en avait jamais parlé à personne.

Brent venait d’avoir dix-huit ans quand, juste avant de partir pour l’université, il décida de rendre visite à l’un de ses amis qui habitait Denver, dans le Colorado, où il était né. À cette époque, il n’avait pas beaucoup d’argent. Ses parents estimaient son projet quelque peu fantaisiste, mais ils l’autorisèrent néanmoins à faire le voyage. Il n’avait pas peur de partir seul en voiture. Il était sûr de pouvoir se débrouiller en toutes circonstances. Avec son mètre quatre-vingt-dix et sa carrure d’athlète, il s’estimait plutôt intimidant, et il pensait naïvement que personne n’oserait l’importuner. « C’est juste une promenade en voiture, se disait-il. Je resterai deux jours et je reviendrai ensuite. » L’idée semblait simple. Il la jugeait sans risque, mais malheureusement, il se trompait.

En cours de chemin, quelque part dans les contrées sauvages du Nevada, il comprit que le trajet allait durer plus longtemps que prévu. Il était parti de chez lui en fin de journée, et il commençait déjà à somnoler. La région était déserte, il n’avait croisé personne depuis des kilomètres, et la route lui semblait sans fin. Elle était longue, sombre, monotone, et les lignes tracées sur le goudron l’hypnotisaient dangereusement. « Ça pourrait tout aussi bien être la surface de la lune, » se dit-il en lui-même. Au même moment, sa voiture fit une grosse embardée sur le côté, et il redressa le volant in extremis. S’il ne s’arrêtait pas, il allait avoir un accident. Il aurait voulu passer la nuit dans un hôtel, mais il avait à peine assez d’argent pour la nourriture et l’essence. Alors, comme il devait absolument faire une pause, il finit par se garer sur une aire de repos. Il avait prévu de dormir quelques heures avant de reprendre la route, qui lui semblait de plus en plus sinistre. Aucun autre véhicule que le sien ne se trouvait sur le parking. L’atmosphère était lourde, presque angoisse. Il se demandait s’il avait bien fait de s’arrêter dans un endroit aussi isolé quand la fatigue eut raison de ses doutes.

Soudain, un bruit le réveilla. Il ne savait pas combien de temps il avait dormi, mais ouvrant les yeux, il se retrouva ébloui, et il en conclut que le jour s’était déjà levé. Un jeune homme maigre, qui devait avoir une vingtaine d’années, le regardait fixement en donnant de petits coups à la vitre. Il était habillé normalement, comme tous les garçons de son âge. Il ne ressemblait en rien à un vagabond et ne paraissait pas spécialement menaçant. Brent se demandait ce qu’il faisait là, perdu au milieu de nulle part, quand l’inconnu lui dit simplement et calmement : « Ouvrez la portière. » En entendant ces mots, un indéfinissable sentiment de malaise le submergea, et il songea avec soulagement qu’il avait bien fait de verrouiller toutes les portières de sa voiture avant de dormir. Il lui répondit par la négative, mais se faisant insistant, l’homme lui demanda une nouvelle fois : « Ouvrez la portière. » Maintenant, sa voix ressemblait à un grognement. Brent le regardait, perplexe, quand il remarqua deux autres silhouettes et une camionnette derrière lui, sur le bord de la route. Un projecteur, qui semblait avoir été installé sur le toit du véhicule, pointait vers le sol, éclairant brillamment le parking. Il réalisa alors que la nuit était très loin de se terminer.

Pensant avoir affaire à des gamins, il sortit le couteau qu’il avait pris soin d’emporter de sa boîte à gants, et le tenant bien en évidence, il le brandit juste devant lui. Rétrospectivement, l’idée lui parut stupide, mais il était encore très jeune, et il pensait les effrayer. Le résultat se révéla catastrophique. Au lieu de s’enfuir, le jeune homme devint absolument fou furieux et laissant échapper un hurlement inhumain, il se mit à secouer violemment la voiture. Sa colère était telle qu’il la soulevait du sol à chaque poussée. Brent, qui ne s’attendait pas à une telle réaction, en resta pétrifié d’effroi. Jamais il n’aurait pensé que quelqu’un puisse faire preuve d’autant de force, et encore moins un homme aussi maigre. Au même moment, il remarqua que les deux autres jeunes, qui étaient restés près de la camionnette et observaient la scène sans bouger, avaient quelque chose de spécial. Leurs yeux brillaient ou reflétaient la lumière, comme ceux d’un chat… Ils n’avaient rien d’humains. Leurs silhouettes étaient floues, déformées, parasitées… elles ressemblaient aux images d’un écran de télévision de mauvaise qualité. Elles tremblaient, allaient et venaient à grande vitesse, et l’idée l’effleura qu’ils luttaient pour rester dans la réalité. Comme ils les observaient, un des deux, une fille qui haletait et grognait comme un chien enragé, se téléporta instantanément près de la voiture, et elle lui ordonna hargneusement : « Ouvre la portière maintenant ! »

Pris de panique, il tenta de démarrer. Il pensait, en toute honnêteté, qu’ils avaient sûrement saboté son moteur pour l’empêcher de partir, et qu’il allait rester coincé là jusqu’à ce qu’ils forcent sa portière ou que quelqu’un lui vienne en aide, une perspective qui lui semblait incertaine, pour ne pas dire improbable. À sa grande surprise, la voiture se mit aussitôt en route, et il s’enfuit aussi vite que possible. Comme il le faisait, le projecteur placé sur le toit de la camionnette bascula immédiatement sur lui, l’aveuglant et suivant sa course avec une précision parfaite. Il appuya sur l’accélérateur, puis il regarda dans son rétroviseur, et il constata avec inquiétude que l’un de ses mystérieux visiteurs, pas l’homme ni la femme, peut-être le troisième ou un autre caché dans l’ombre, le suivait de près. À ce moment-là, il était presque sur l’autoroute. Il prenait rapidement de la vitesse, et il devait rouler soixante-cinq kilomètres heures. Soudain, son poursuivant, qui courait à la même vitesse que sa voiture avec une aisance déconcertante, tendit la main pour frapper à la vitre de sa portière, lui arrachant un hurlement horrifié. En atteignant l’autoroute, il accéléra un peu plus encore, mais l’homme continua à le suivre, cognant de plus en plus fort contre le verre. Il se disait qu’il allait finir par le briser, quand brusquement, alors qu’il atteignait les quatre-vingt kilomètres heure, l’inconnu lâcha sa portière et disparut dans l’obscurité.

Brent s’éloigna le plus rapidement possible, le pied collé à la pédale d’accélérateur. Le projecteur resta braqué sur lui jusqu’à ce qu’il soit hors de vue, mais bizarrement, personne ne le suivit. Il conduisit à la même vitesse pendant un moment, et il finit par atteindre une bretelle de sortie, qu’il se dépêcha d’emprunter. Un restaurant, le genre d’établissement ouvert de jour comme de nuit, se dressait au bord de la route. Il s’y arrêta, prit une table, et il resta assis là, nerveux et tremblant, pendant environ trois heures. Il n’arrivait pas se calmer, et sa fébrilité trahissait son malaise. Remarquant son trouble, la serveuse vint le questionner à plusieurs reprises, mais il lui répondit qu’il avait failli avoir un accident, qu’il en était toujours secoué, et elle repartit sans insister à chaque fois. Il ne savait pas vraiment pourquoi, mais il n’avait pas envie de parler de ce qui lui était arrivé ou de prévenir la police. Peut-être parce qu’il pensait qu’ils ne croiraient jamais, lui-même y croyait à peine, ou qu’il était impatient d’arriver à destination, ou qu’il ne voulait pas de problèmes, tout simplement.

Jamais Brent ne raconta jamais son histoire, ni à son ami du Colorado, ni à sa famille, ni à personne d’autre. « J’étais terrifié à l’idée de parler de ce qui s’était vraiment passé. Les événements peuvent sembler mélodramatiques, mais je vous assure qu’ils se sont réellement produits, que je  n’exagère pas, et qu’à ce jour, y penser me traumatise toujours. J’ai vraiment l’impression que je n’étais pas censé en sortir vivant et que j’aurais dû mourir ou pire encore sur cette aire de repos. Ma vie était très certainement en danger. Je me surprends souvent à me demander combien d’autres voyageurs ont été confrontés à ces étrangers bizarres le long de cette route désolée, et à ce qui me serait arrivé si j’avais ouvert ma portière comme ils me le demandaient. À ce jour, je dois me forcer juste pour évoquer ces souvenirs. »

Des années plus tard, Brent se pose toujours des questions sur la nature et le but de ses visiteurs. « Qui étaient ces gens ? Étaient-ils même des gens ? Sinon, qu’étaient-ils ? Des spectres de quelque sorte ? Des Enfants aux Yeux Noirs ? Des Gens de l’Ombre ? Des vampires ? Mon Dieu, mais que faisaient-ils là ? Je n’ai pas de réponse, et l’incident me laisse perplexe et effrayé à ce jour. Maintenant, j’aime à me considérer comme une personne raisonnablement intelligente et rationnelle. Je ne buvais pas à l’époque, et je ne consommais pas de drogues. J’aimerais vraiment qu’il y ait une explication banale, mais je n’en trouve aucune. Je ne suis même pas arrivé à trouver de phénomène connu dans le monde de l’étrange qui corresponde vraiment à ce que j’ai vu. Tout cela est vraiment bizarre et déconcertant pour moi. » L’expérience de Brent ne ressemble à aucune autre mais peut-être que certains, qui ont vécu la même chose, n’en sont jamais revenus pour la raconter.

Source : On my Personal Brushes with the Unexplained.

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