La Légende du Bye-Bye Man

Au mois de janvier 2017, un film d’horreur intitulé The Bye Bye Man est sorti aux Etats-Unis. Le film est inspiré d’une nouvelle, The Bridge to Body Island, tirée du livre d’histoires vraies The President’s Vampire de Damon Schneck (rebaptisé The Bye Bye Man l’année dernière). Il raconte l’histoire de trois étudiants, Elliot, Sasha et John qui emménagent dans une nouvelle maison et découvrent un nom et un message inscrits à l’intérieur d’une petite table de chevet. « Ne le dis pas, n’y pense pas. » En lisant le nom à haute voix, ils libèrent une entité surnaturelle, le Bye Bye Man…

La Séance de Ouija

Ouija Bye-Bye Man

Au cours de l’automne 1990, à Sun Prairie, dans le Wisconsin, trois étudiants, John, Eliott, et sa petite-amie Katherine, se réunirent pour jouer avec une vieille planche Ouija trouvée dans un grenier. Eli et John partageaient le même goût pour les films et les livres d’épouvante, les jeux de rôle et le paranormal. Ils étaient tous les deux écrivains, et Eli se montrait particulièrement prolifique. Ses histoires avaient toutes un point commun : elles étaient sordides. Diplômé en folklore, il aimait la culture gothique, les biographies des tueurs en série et il était un chasseur de fantômes passionné et enthousiaste. Il avait passé de nombreuses heures à trainer dans les cimetières, les maisons hantées et les églises satanistes en compagnie de médiums, de wiccans et de sorciers, mais à son grand regret, jamais il n’avait rien vu d’inexplicable. John étudiait la philosophie, le mysticisme et les travaux de Joseph Campbell. Katherine était une jeune femme sensible, anxieuse et facilement impressionnable. John et Eli avaient dû la supplier pour qu’elle accepte de participer à leur expérience. Ils étaient très excités à cette idée. Ils pensaient que l’effet idéomoteur inconscient attribué aux mouvements de la planchette n’expliquait pas tous les phénomènes observés lors des séances de Ouija. Ils espéraient arriver à communiquer avec l’esprit d’un défunt, quelqu’un dont ils ne sauraient rien et dont les détails de l’existence pourraient être vérifiés. Ainsi, ils prouveraient l’existence de la vie après la mort.

Pour leur première séance, les trois amis, qui pensaient qu’une atmosphère appropriée était nécessaire à la venue des esprits, allumèrent des bougies, puis ils éteignirent toutes les lumières et ils mirent le Requiem de Mozart sur la chaine stéréo. Ils avaient décidé que John et Katherine utiliseraient le Ouija pendant qu’Eli noterait les réponses sur un cahier. Malheureusement, malgré leur mise en scène théâtrale, la planchette resta désespérément immobile. Après de nombreuses tentatives infructueuses, des messages commencèrent à leur parvenir, qui parlaient de nouvel âge, d’amour et de vibrations plus élevées. Ils finirent par établir un contact régulier avec certaines entités, dont une qui se présentait comme « l’Esprit du Ouija. » Elle semblait contrôler toutes les autres. Apparemment, aucune d’entre elles n’avait jamais vécu, elles étaient plutôt comme des « consciences libres. » Elles possédaient toutes leurs propres identités, et elles étaient facilement identifiables, autant par leurs mots que par la façon dont elles déplaçaient la planchette. L’Esprit du Ouija ne leur permettait de communiquer qu’avec huit entités différentes, toujours les mêmes. Il disait agir ainsi pour les protéger de certaines autres, autrement plus dangereuses.

A la demande d’Eli, John et Katherine effectuèrent quelques tests, et à chaque fois le résultat fut identique. Quoi qu’ils fassent, même les yeux bandés dans une pièce obscure, les entités continuaient à leur parler. Il sélectionna des questions auxquelles il fallait répondre par des chiffres, des mots ou des lettres. Les réponses étaient vagues, comme souvent, mais elles restaient cohérentes et correspondaient aux questions posées. Ils essayèrent également les EVP, l’écriture automatique, les pendules, mais les résultats furent décevants et ils abandonnèrent rapidement.

Au bout de quelques semaines, les pages du cahier dont ils se servaient pour noter leurs conversations étaient noircies de réflexions philosophiques et ils commençaient à se lasser du monologue des entités. Eli, qui n’avait pas oublié son idée de parler à un mort, commença à les questionner à ce sujet et à force d’insistance, elles finirent par lui révéler qu’un esprit malfaisant cherchait à communiquer avec elles mais qu’elles s’y refusaient. Elles l’appelaient le Bye-Bye Man. L’esprit était celui d’un homme, et plus surprenant encore, celui d’un homme encore en vie. Fasciné, Eli demanda à lui parler, mais Katherine enleva son doigt de la planchette, qui s’arrêta aussitôt de bouger. Elle avait connu plusieurs expériences inexplicables dans sa vie, et elle en avait été profondément affectée, au point de ne plus pouvoir regarder de films d’horreur. Elle n’avait aucune envie de discuter avec quelque chose de sinistre, l’idée même la terrifiait. Les jours suivant, elle refusa de s’approcher du Ouija. Eli et John tentèrent d’organiser une séance sans elle, en vain, et ils durent se résoudre à lui proposer un compromis pour la faire revenir. Ils lui promirent de ne pas chercher à discuter directement avec le Bye-Bye Man mais d’essayer de soutirer des informations aux autres entités, des renseignements utiles qui pourraient être vérifiés, et elle finit par céder.

Malheureusement, quand ils cherchèrent à les interroger, aucune des entités ne voulut leur répondre. Elles ne figèrent dans le silence, refusant même de faire bouger la planchette pour signaler leur présence. John eut alors une idée. Il annonça à l’Esprit du Ouija qu’ils étaient fatigués des conversations ennuyeuses des entités et qu’ils allaient essayer un autre Ouija, un modèle de la Parker Brother’s qu’ils avaient acheté dans le commerce. Pendant quelques jours ils se servirent de leur nouvelle planche, sans parvenir à rentrer en contact avec quoi que ce soit, puis ils reprirent l’ancienne et l’Esprit du Ouija accepta de leur raconter l’histoire du Bye-Bye Man.

L’Histoire du Bye-Bye Man

Dessin Bye-Bye Man

En 1920, à Algiers, en Louisiane, un garçon était né albinos. Sa peau était blanche, tout comme ses cheveux, et ses grands yeux clairs reflétaient le ciel. Il était étrangement beau. Ses parents, dont personne ne savait rien, l’avaient abandonné à la naissance et il avait été confié à l’orphelinat local. En grandissant, le garçon s’était révélé difficile, et il avait commencé à se montrer violent. Certains enfants le craignaient, d’autres le tourmentaient… il n’avait pas d’amis. Il avait essayé de s’enfuir de l’orphelinat à plusieurs reprises, mais il avait toujours été retrouvé et ramené. Une nuit, il avait poignardé une infirmière avec une grande paire de ciseaux et plus personne n’avait jamais entendu parler de lui. Il vivait comme un vagabond, suivant les lignes de chemin de fer et sautant de train en train pour se déplacer. Laissant libre cours à ses instincts, il avait commencé à tuer au hasard de ses rencontres. Des cadavres horriblement mutilés avaient été retrouvés dans tout le pays, ou tout du moins dans le sud. Des rumeurs avaient alors commencé à courir sur un albinos qui était souvent observé sur les lieux du crime, le long des voies ferrées. Il était devenu une légende, une sorte de monstre dont on chuchotait le nom. Les témoins, pour la plupart des employés du chemin de fer, parlaient d’un homme, mais était-il encore humain, au visage livide, aux longs cheveux blancs et aux lunettes noires. Il était toujours habillé de la même façon. Il portait toujours, été comme hiver, un grand manteau de pois et un chapeau à larges bords. L’un de ses poignets était agrémenté d’un tatouage et dans sa main, osseuse et blanchâtre, il tenait un sac à bandoulière. Il lui servait à transporter les langues et les globes oculaires prélevés sur ses victimes.

Au fil du temps, sa vue s’était détériorée. Il était devenu aveugle et il avait commencé à développer certaines capacités psychiques. A chaque fois que quelqu’un pensait à lui, ou disait son nom à haute voix, alors il l’entendait et il prenait le train pour se rapprocher de lui. Leurs pensées le guidaient comme un phare dans la nuit. S’ils arrêtaient de penser à lui, alors il les perdait. Pour l’aider dans sa tâche, il s’était fabriqué un compagnon, cousant littéralement les langues et les globes oculaires ensemble. Il avait réussi à lui donner vie grâce à ses connaissances en magie noire, ou peut-être en vaudou, personne n’en était sûr. Il l’appelait le Gloomsinger. Quand il arrivait dans une ville où il avait été « appelé, » le Bye-Bye Man envoyait son chien maléfique sur le malheureux qui avait pensé ou parlé de lui. Certains ne savaient même pas d’où ils connaissaient son nom. Une fois sa proie localisée, le Gloomsinger se mettait à siffler d’une manière particulière pour prévenir son maître. Il était ses yeux. L’épouvantable créature se détériorait en permanence et le Bye-Bye Man devait tuer sans cesse pour se procurer les langues et les globes oculaires nécessaires à sa restauration.

– Où est le Bye-Bye Man maintenant ? demanda un soir Eli.

– Chicago, lui répondit aussitôt l’Esprit-du-Ouija. Il vous connait. Il se rapproche.

Horrifiée, Katharine enleva précipitamment ses doigts de la planchette. Elle n’en pouvait plus de toutes ces histoires. Ils tentèrent de la raisonner, mais aucun de leurs mots ne put la rassurer. Alors, comme elle refusait obstinément de continuer et qu’ils n’avaient de résultats qu’en sa présence, le Ouija retourna au grenier.

Il Arrive

Bye-Bye Man et Gloomsinger

Les trois amis avaient été terriblement affectés par l’expérience. Toutes les nuits d’abominables cauchemars les réveillaient, paniqués et en sueur, à trois heures du matin. Un week-end, Eli et Katherine se rendirent à un concert à Wausau, dans le Wisconsin. Ils marchaient le long du pont ferroviaire de l’île de Barker Stewart, plus connue sous le nom de Body Island, parce que les corps des bûcherons morts étaient autrefois lavés sur une rive en amont, quand Eli aperçut une tortue dans la rivière. Excité, il décida de descendre pour l’observer de plus près, et Katherine l’attendit sur le pont. En son absence, un sifflement strident se fit entendre, qui commença à se rapprocher, et elle pensa aussitôt au Bye-Bye Man. Terrifiée, elle se mit à courir à toute vitesse et elle s’enfuit, sans même prévenir Eli. (Peu de temps après, Eli et Katherine se séparèrent et elle commença à sortir avec John.)

La nuit suivante, John dormait profondément quand des coups sourds résonnèrent à sa porte.  « Hey, John ! Viens ! On sort pour le petit-déjeuner ! »  lui cria une femme depuis le couloir. Sa voix ressemblait étrangement à celle de Katherine. Il ouvrit les yeux. La chambre était toujours plongée dans l’obscurité. Troublé, il jeta un rapide coup d’œil à son réveil. Trois heures du matin. Un peu tôt pour aller prendre un petit-déjeuner. Une nouvelle série de coups retentit, et soudain il se souvint. Katherine et Eli se trouvaient dans le Wisconsin. Brusquement paniqué, il se leva précipitamment de son lit mais dans son affolement, il se prit les pieds dans ses draps et s’effondra sur le sol. Comme il était allongé, la tête tournée vers la porte, il distingua deux ombres par l’interstice, une grande et une petite, et l’idée lui vint que le Bye-Bye Man était venu le chercher. Il avait pensé à lui à de nombreuses reprises. Il ne pouvait pas s’empêcher de penser à lui. Horrifié, il décida de ne pas bouger et d’attendre. Quelques heures plus tard, quand il se réveilla, les premières lueurs de l’aube éclairaient faiblement la pièce. Il gisait toujours sur le plancher, mais les ombres avaient disparu.

Naissance d’une Légende

Une dizaine d’années s’écoulèrent sans incident notable. Au début des années 2000, Eli, qui avait pour habitude de raconter son histoire à ses amis les nuits d’Halloween, finit par attirer l’attention de Robert Damon Schneck, un écrivain qui avait déjà rédigé plusieurs ouvrages regroupant des histoires vraies. Après la sortie de son livre, en 2005, l’histoire du Bye-Bye Man se répandit sur les forums Internet. Les émissions de radio en parlaient dans leur programme de fin de nuit, et les passionnés du paranormal commencèrent à s’y intéresser. Le Bye-Bye Man devint alors une légende urbaine, un peu comme le Slender Man.

De nos jours, Katherine refuse de s’exprimer sur leurs séances de Ouija ou sur le Bye-Bye Man. John mène une vie banale en Amérique du nord. Eli, le seul membre du groupe à ne pas avoir eu d’expérience paranormale, vit maintenant à New York. Il est le fondateur de The White Crow Society, une association à but non lucratif qui vient en aide aux victimes de phénomènes paranormaux. Il possède toujours la vieille planche Ouija qui a servi à leurs séances. Il l’a enfermée dans une cabane avec d’autres objets occultes, la barre à savon d’un évier hanté, un livre de magie noire, et une lance maudite acquise auprès d’un anthropologue local.

Le Bye-Bye Man oscille entre réalité et légende. Des séances de Ouija ont bien été tenues, au cours desquelles son nom et son histoire ont été révélés. Cependant, rien ne prouve la réalité de son existence, bien au contraire. M. Schneck a effectué des recherches, mais il n’y a jamais eu d’orphelinat à Algiers et il n’a pas trouvé d’informations sur un tueur en série officiant près des voies ferrées à l’époque indiquée. « Sans un orphelinat ou une preuve de meurtres, l’histoire semble être une invention, » a-t-il déclaré. « Mais qui l’a inventée, et pourquoi ? » M. Schneck doute de l’existence du Bye-Bye Man, mais il prend néanmoins quelques précautions. Quand il pense à lui, ou quand il en parle à la radio, il n’utilise pas son nom, seulement ses initiales, BBM. Il ne sait pas d’où vient le monstre, mais il se dit fasciné.

En admettant que les faits se soient bien déroulés comme le prétend M. Schneck, les explications sont peu nombreuses. L’inconscient collectif des trois étudiants a pu créer le Bye-Bye Man. L’histoire a peut-être été inventée par l’Esprit du Ouija, comme l’esprit de Patience Worth avait prétendument dicté ses livres à Pearl Curran, ou par un esprit maléfique, qui espérait ainsi les vulnérabiliser pour mieux les posséder… Ou alors, le Bye-Bye Man existe réellement. L’hypothèse est peu probable, mais qui pourrait en jurer…

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