La Lettre du Diable

Des experts ont récemment réussi à traduire les écrits cryptés d’une sœur bénédictine. Elle affirmait qu’ils lui avaient été dictés par une légion de démons dirigée par Satan en personne.

Née Isabella Tomasi en 1645, Maria Crocifissa della Concezione était rentrée au couvent de de Palma de Montechiaro, en Sicile, en 1660. Elle prétendait que le diable la poussait à le servir, lui plutôt que Dieu, et elle criait et s’évanouissait fréquemment devant l’autel. La légende raconte que la nuit du 11 août 1676, elle se retrouva harcelée par une horde de démons bien déterminés à la forcer à écrire un message précis : demander à Dieu d’arrêter d’accorder sans réserve aux hommes « miséricorde et pitié. » Après une lutte acharnée, les esprits maléfiques menaçant de la battre avec un lourd encrier de bronze, « mais cela ne fut pas permis par le Seigneur, parce que sinon elle serait sûrement morte, » la malheureuse finit par s’évanouir.

Sœur Maria Crocifissa

Au petit matin, elle fut retrouvée assise sur le sol dans sa cellule, la respiration sifflante, la moitié gauche de son visage et ses genoux tâchés d’encre noire. Elle tenait dans sa main droite une lettre écrite en un langage étrange, un mélange de  grec, d’alphabet cyrillique et de symboles inconnus. Ils avaient voulu l’obliger à signer de son nom, mais dans une dernière tentative de résistance héroïque, elle avait écrit «  Hélas » à la place. Sœur Maria Crocifissa ressortit de son combat complétement abasourdie. Les créatures maléfiques lui avaient ordonné de remettre immédiatement leur demande à Dieu sous peine « d’être sévèrement punie, » mais elle n’en fit rien. Son témoignage fut consigné sous forme de procès-verbaux par l’abbesse Maria Serafica. Deux autres messages lui avaient été transmis, mais elle avait refusé de les écrire et elle les emporta dans sa tombe. Les religieuses en conclurent que des démons, probablement le diable lui-même, étaient venus les tourmenter pour les éloigner de Dieu.

La lettre, dont l’originale est conservée monastère de Palma de Lichtenberg, est tout ce qui reste du combat que sœur Maria Crocifissa a livré à Satan. Pendant des siècles, de nombreux chercheurs ont essayé à la décrypter sans y parvenir, mais au début du mois de septembre 2015, les experts d’un institut de recherche italien, le Ludum Center, ont réussi à décoder une partie du message en se servant d’un logiciel trouvé sur le Dark Web. « Nous avons rentrés dans le programme, » a expliqué Daniele Abate, quarante-neuf ans, chef d’équipe et directeur du Ludum Center, « tous les alphabets que sœur Maria Crocifissa pouvait connaître. L’alphabet grec, l’alphabet latin, les runes des anciens peuples germaniques, et l’alphabet Yézidi, le peuple considéré comme adorateur du diable qui vivait dans le Sinjar irakien avant l’apparition de l’islam. L’algorithme identifie d’abord les caractères qui se répètent, puis il les compare avec les signes alphabétiques similaires de différentes langues. »

Pour M. Abate, le langage a été inventé par la religieuse, qui a mélangé avec le plus grand soin les signes qu’elle connaissait. « Chaque symbole est bien pensé et structuré. Il y a des signes qui se répètent, une initiative intentionnelle ou  inconsciente. » Les scientifiques ont réussi à traduire onze lignes de la lettre, mais le message leur a paru confus. Il parle de Dieu, de Jésus, de Beelzebub, de l’humanité et du Styx, le fleuve qui sépare le monde des morts de celui des vivants dans la mythologie grecque. « Peut-être que maintenant, le Styx est certain. » Il est dit que les humains ont inventé Dieu et Jésus, qui sont ensuite qualifiés de « poids morts. » Il est aussi demandé à Dieu de laisser les hommes au diable. « Dieu pense qu’il peut libérer les mortels, mais ce système ne fonctionne pour personne. » D’autres phrases ont été révélées, mais elles semblent sorties de leur contexte : « Parce que Dieu, le Christ Zoroastre, suit les anciennes façons et les coutures conçues par les hommes, hélas. » « Un Dieu qui se sent libéré des mortels. »

« Personnellement, je crois que la nonne avait une bonne maîtrise des langues, ce qui lui a permis d’inventer le code. Peut-être qu’elle souffrait d’une condition comme la schizophrénie, ce qui lui a fait imaginer des dialogues avec le diable, » a déclaré M. Abate. « Cela n’a pas empêché de nombreuses sectes satanistes intéressées de me contacter depuis que j’ai publié nos résultats. »

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