Letchworth, le Village des Secrets

Letchworth Village

En 1911, un hôpital psychiatrique ouvrit ses portes, qui proposait des méthodes révolutionnaires visant au bien-être du malade. Tout le monde le pensait promis au plus bel avenir mais quelques années plus tard le Letchworth Village était rempli d’enfants sales qui dormaient à même le sol. Leurs âmes n’auraient jamais quitté l’endroit.

L’Histoire du Letchworth Village

Carte Postale Letchworth Village

En 1907, pour palier aux demandes croissantes d’hébergement en hôpital psychiatrique, des crédits furent débloqués afin de construire un établissement destiné aux faibles d’esprit et aux épileptiques sur le grand terrain de 2362 âcres que M. William Pryor Letchworth, un humaniste réputé, avait gracieusement proposé à cet effet. L’année suivante, un hôpital s’y dressait, qui fut baptisé le Letchworth Village Rehabilitation Center en l’honneur du généreux donateur.

Situé à Thiells, un petit village de la banlieue new-yorkaise, le Letchworth devait accueillir des handicapés manteaux et physiques de tous âges, des nouveaux-nés aux personnes âgées, et il était présenté comme un hôpital psychiatrique modèle. Certains points spécifiques avaient été exigés par M. Letchworth, qui était familier des conditions de vie en institution, et ils avaient été scrupuleusement suivis lors de la conception et de la construction de l’établissement, qui visait à assurer des soins de la plus grande qualité.

  • Les patients devaient être regroupés suivant leur genre et hébergés dans des locaux bien distincts, que le ruisseau qui traversait la propriété devait séparer.
  • Les bâtiments ne devaient pas faire plus de deux étages de haut et rassembler plus de 70 pensionnaires chacun. Les sous-sols ne devaient pas être utilisés à d’autres fins que le stockage (Ces deux derniers points étaient destinés à éviter le surpeuplement, un problème malheureusement trop courant dans les hôpitaux psychiatriques de l’époque).
  • Les bâtiments devaient être divisés et affectés à certaines catégories de malade, qui devaient être regroupés suivant leurs capacités mentales et ne jamais rentrer en contact les uns avec les autres.
  • Les dortoirs devaient être éloignés d’au moins 60 mètres de distance les uns des autres, et de grands espaces de jeux devaient être aménagés entre chaque bâtiment.
  • L’emplacement de chaque bâtiment devait prendre en considération la beauté naturelle du site.

Ces mesures n’étaient pas sans rappeler celles préconisées par le Dr Thomas Kirkbride, qui était à l’origine d’un plan appliqué dans la conception d’un grand nombre d’hôpitaux, et il avait sans nul doute inspiré certaines dispositions du Lechworth Village. Comme l’expliquait Charles S. Little, qui fut le premier surintendant de l’hôpital, tout avait été pensé pour le bien-être des patients:  » Il est un bâtiment où les faibles d’esprit et les épileptiques de tous âges pourront avoir les plaisirs et le confort d’une maison ordinaire. A cette fin, nos salles de jour seront fournies avec des jeux, des images colorées, des fleurs, de la musique etc… Chaque dortoir aura ses propres terrains de jeux, et les enfants pourront jouer au base-ball, au football, au basket-ball, au croquet etc… Des balançoires, des hamacs et des aires de pique-nique seront également proposées dans un bosquet. Les vacances seront célébrées d’une manière appropriée et américaine. Une fête d’anniversaire sera donnée chaque mois pour ceux ayant leur anniversaire ce mois, en organisant une soirée dansante pour tous. Les détenus et les employés se rejoindront lors d’un bal hebdomadaire. Il y aura des services le dimanche, appropriés à la condition et aux croyances des différents pensionnaires. « 

Letchworth Village

En 1911, quand le Letchworth Village accueillit ses premiers résidents, cent trente bâtiments avaient été construits, qui étaient divisés en six quartiers identiques proposant chacun des dortoirs, une cuisine, une salle à manger, une salle de sport, un théâtre et une école du dimanche. Les patients, qui étaient séparés en trois groupes distincts suivant leurs capacités mentales, et ce pour chaque sexe, occupaient ces différents quartiers. Le premier groupe était constitué des plus jeunes, qui étaient supposés pouvoir s’améliorer, le second des adultes aptes au travail, et le troisième des personnes dépendantes. Les autres bâtiments abritaient des résidences privées, celle du préposé, du médecin etc…, des bureaux administratifs, des laboratoires, une chaufferie, une buanderie, une usine de réfrigération, une boulangerie, un magasin, divers ateliers, une caserne de pompiers, et un hôpital pour tuberculeux. Comme tous les établissements de cette époque, le Letchworth Village n’était pas subventionné, il se devait donc d’être automne et les patients étaient nourris grâce aux différentes fermes qui se trouvaient sur la propriété et dont ils s’occupaient eux-mêmes.

Le nouvel hôpital améliorait tellement la qualité des hospices, dont la plupart dataient du XIXe siècle et continuaient à appliquer des méthodes d’un autre âge, qu’il fut salué par tous les progressistes. Ses concepteurs espéraient qu’il deviendrait une référence mais malheureusement, la réalité fut tout autre. Afin d’aider à leur réinsertion, les patients auraient du être encouragés à étudier ou à travailler suivant leurs possibilités mais en 1921, sur les 506 résidents hébergés à Letchworth, 317 étaient âgés de 5 à 17 ans et 11 avaient moins de 5 ans, qui étaient employés dans les champs, gardaient les troupeaux de bétail, construisaient des routes, pelletaient du charbon et fabriquaient des jouets à Noël. La plupart des travailleurs étaient donc des enfants, qui étaient souvent déposés à l’hôpital par leurs parents et rapidement oubliés. Ils souffraient fréquemment de dénutrition et les rares visiteurs qui venaient voir ces malheureux soulignaient leur apparence chétive et maladive.

En 1921, le Letchworth Village abritait 1200 malades, qui étaient divisés en trois groupes que le Dr Charles Petit décrivait ainsi dans son rapport annuel: le groupe des imbéciles, le groupe des crétins et celui des idiots. En 1940 l’hôpital psychiatrique avait atteint le double de ses capacités maximales, et les conditions de vie s’étaient terriblement dégradées. Les patients s’entassaient dans les dortoirs, certains dormaient sur des lits pliants, parfois l’eau était coupée et ils manquaient cruellement de nourriture.

Au cours des années qui suivirent, le nombre de patients continua à s’accroitre, mais l’état refusa de débloquer les fonds nécessaires à la construction de nouveaux bâtiments et la situation devint plus dramatique encore. En 1940, Irving Haberman, qui était photographe, vint à visiter l’établissement, révélant au public la sordide misère qui se dissimulait derrière l’apparence policée du Lechworth Village. Sur ses photos, qui bouleversèrent l’opinion publique, des patients à moitié nus, malingres, sales et négligés étaient laissés à l’abandon dans les salles de jour. L’établissement fut alors surnommé  » Le Village des Secrets  » mais malgré ce scandale, il resta ouvert.

En 1950, 4000 patients résidaient au village, dont certains dormaient sur des matelas dans les couloirs ou à même le sol. Depuis 1947, le Code de Nurenberg réglementait l’expérimentation sur les êtres humains mais dans les hôpitaux publics de nombreux enfants servaient toujours de sujets d’expérience. Le 27 février 1950, après que le Dr Jervis, qui était le surintendant de l’époque, ait insisté pour que les essais se déroulent dans son établissement, le premier vaccin contre la poliomyélite fut testé sur un enfant abandonné de 8 ans, qui était mentalement déficient et bien trop jeune pour donner son consentement. Puis, comme aucun effet secondaire ou symptôme de la maladie n’étaient constatés, le vaccin fut ensuite inoculé à 19 autres jeunes patients de l’hôpital psychiatrique.

Patients et Expérimentation
Patients et Expérimentation

Apparemment, cette pratique n’était pas isolée. Certains rapportaient que les malades étaient utilisés comme cobayes humains pour une grande variété d’expériences et que leurs cerveaux étaient prélevés après leur mort puis stockés quelque part dans le laboratoire. A cette époque, malgré les horribles rumeurs qui couraient sur le Letchworth village et l’image sulfureuse qu’il avait auprès du public, il était toujours hautement considéré par la communauté médicale.

En 1972, la chaine de télévision ABC News réalisa un reportage intitulé Willowbrook: The Last Great Disgrace, qui mettait en évidence les mauvais traitements dans les hôpitaux psychiatriques aux alentours de New York, principalement à l’encontre des enfants. Le journaliste Geraldo Rivera souligna que les conditions de vie à Letchworth étaient dépassées et cruelles, que l’établissement était épouvantablement sale, qu’il était surpeuplé, que les malades manquaient d’hygiène et qu’ils souffraient de graves carences. Mais plus que les mots, les images parlaient d’elles-mêmes. Elles montraient des enfants misérables qui restaient prostrés pendant des heures dans la même pièce sans que rien ne vienne jamais les distraire. Ils pleuraient, se balançaient d’avant en arrière, se recroquevillaient sur le sol, complétement nus, se tortillaient, les mains attachés dans le dos par une camisole de force, et certains, qui étaient sur des fauteuils roulants ou qui souffraient de graves handicaps, étaient tellement maigres qu’ils en étaient décharnés. Ces jeunes malades ne recevaient jamais aucune instruction et personne ne s’occupait d’eux.

Les membres du personnel, mal payés et peu nombreux, étaient complétement dépassés par la situation. Ils ne parvenaient plus à surveiller les enfants, qui partageaient les mêmes toilettes, contractaient les mêmes maladies, et se déshabillaient dès qu’ils le pouvaient. Durant leurs jours de repos, certains employés revenaient s’occuper d’eux, mais leur nombre restait insuffisant. Tout comme les enfants, des adultes maladifs, qu’ils soient handicapés mentaux ou physiques, déambulaient dans les salles de jour, dormaient sur le plancher, ou passaient le temps assis sur des chaises ou dans leurs fauteuils, sans aucun espoir de voir leur vie changer un jour. Dans son reportage, le journaliste déclarait:  » Voila à quoi ça ressemblait. Ça ressemblait à ça. Mais comment puis-je vous parler de l’odeur? Ça sentait les ordures, ça sentait la maladie, ça sentait la mort. « 

Enfants Letchworth Village
Images du Reportage

Si ce documentaire montrait l’horreur des hôpitaux psychiatriques, le Letchworth Village continua cependant à héberger des malades sans autre conséquence que sa réputation ternie. Puis, les mentalités évoluèrent, de nouveaux médicaments furent découverts, qui permirent à certains patients de se réinsérer dans la société, et le manque de moyens accélérant sa déchéance, l’hôpital devint peu à peu un mouroir pour ceux qui étaient obligés d’y rester. En 1996, des associations de défense des droits de l’homme réussirent à faire fermer de nombreux établissements aux États-Unis, parmi lesquels le Letchworth village, dont les derniers pensionnaires rejoignirent d’autres établissements.

Au cours des années suivantes, une petite partie de la propriété fut vendue et réaménagée en terrain de golf et en école secondaire, mais la plupart des terres et les structures qui s’y dressaient furent laissées à l’abandon. Alors peu à peu, le lierre grimpant, les vignes montantes, le sumac vénéneux et toutes sortes de plantes rampantes envahirent les murs, les fenêtres et les portes des différentes structures. Des inscriptions griffonnées sur les vieilles pierres commencèrent alors à apparaitre, qui décourageaient les curieux de s’aventurer sur les planches pourries, les fenêtres furent brisées par des vandales, et un incendie, qui avait tout de criminel, ravagea certains des bâtiments.

La Hantise

Chaise Letchworth Village

De nos jours, les ruines du Letchworth Village dressent toujours leurs silhouettes sombres près de New York et certains disent qu’elles ressemblent à un tombeau. Il se dégage un terrible sentiment de tristesse des bâtiments qui donnent l’impression d’avoir été abandonnés sous l’effet d’une quelconque catastrophe. Des rideaux déchirés s’accrochent désespérément à des fenêtres aux vitres brisées, et des meubles, des livres, des boites de souvenirs, des landaus, du matériel médical, de gros téléviseurs, des lits, des chaises rouillées, des jouets, des vêtements, des chaussures, et d’autres effets personnels gisent sur le sol des différentes pièces aux murs délabrés où des posters et de vieilles photos sont toujours épinglés. Dans une certaine salle, une pile de cartons, qui menace de s’écrouler à chaque instant, grimpe vers le plafond. Sur le côté, une simple inscription au feutre mentionne leur contenu: Décès. Ces boites contiennent les dossiers de tous les patients qui sont rentrés à Letchworth mais qui n’en sont jamais ressortis.

Leurs corps reposent non loin de là, dans un petit cimetière qui est connu comme le Old Letchworth Village Cemetery. La plupart des patients qui mouraient à l’hôpital étaient enterrés à cet endroit, mais comme leurs familles ne tenaient que rarement à ce que leur nom soit associé à celui d’un parent handicapé, ils l’étaient souvent dans des tombes anonymes où étaient gravés de simples numéros. Il y a quelques années, une pierre commémorative a été érigée dans le cimetière, où il est écrit:  » Ceux qui ne Seront pas Oubliés.  » Sur ce monument, les noms de certains des patients ont été gravés, mais tout comme les nombreuses tombes anonymes, personne ne vient jamais le visiter. Les seuls qui pénètrent dans le cimetière sont les ouvriers de la maintenance, qui tondent l’herbe et ramassent les ordures, les amateurs de sensations fortes et les vandales.

Cimetière Letchworth Village
Cimetière Letchworth Village

Les hôpitaux psychiatriques abandonnés sont souvent réputés hantés par leurs anciens pensionnaires et le Letchworth Village n’échappe pas à la règle. Il est difficile d’imaginer que les esprits des hommes qui ont souffert en ces lieux puissent avoir volontairement envie de s’y attarder, mais peut-être n’ont-ils pas le choix.

D’une étrange manière, ceux qui le visitent se disent inexplicablement attirés par l’endroit et pour une raison qu’ils ignorent, ils y reviennent régulièrement. Certains pensent que les esprits qui hantent le vieil hôpital les attirent afin de se nourrir de leur énergie, et si rien ne vient le prouver, l’hypothèse est séduisante. La nuit, des bruits de pas pesants et des raclements sur le plancher se feraient entendre, des crissements s’élèveraient des murs et des chuchotements, des voix suppliantes et des cris viendraient troubler le silence. Des orbes et des lumières dansantes seraient fréquemment observées, des rires d’enfants retentiraient dans les bâtiments déserts, des objets voleraient à travers les pièces, les équipements électriques s’allumeraient et s’éteindraient tous seuls et certaines pièces deviendraient brusquement glaciales, surtout l’ancienne morgue qui donnerait parfois l’impression que son système de refroidissement vient de se rallumer.

Morgue Letchworth Village
La Morgue

Parfois, des silhouettes sombres traverseraient silencieusement les pièces obscures, tentant de se fondre dans la pénombre, et certains visiteurs auraient été touchés, poussés et même maintenus à terre par une force invisible. Dans une des salles de l’ancien bâtiment un pentagramme se trouverait dessiné sur le sol, et une certaine activité satanique aurait été rapportée à cet endroit. L’ancien hôpital pour tuberculeux semble particulièrement animé. De nombreuses manifestations y auraient été observées, et les agressions spectrales y seraient fréquentes. D’une sinistre manière, dans un coin du laboratoire médical, se trouvent toujours un certain nombre de bocaux, qui renferment les cerveaux prélevés sur les malades décédés.

De nombreuses photos, des vidéos et des enregistrements de voix présumées d’outre-tombe ont été ramenés de leurs visites nocturnes par différents explorateurs, mais la plus célèbre des enquêtes a probablement été menée par l’équipe de Ghost adventures. Dans un épisode consacré au Letchworth Village, Zak et ses deux compagnons disent avoir pu observer différents phénomènes et Dave, un jeune homme de la région, raconte son étrange mésaventure, affirmant avoir vu une créature de plus de deux mètres de haut, aux jambes tordues et aux grands yeux blancs incandescents, alors qu’il visitait l’hôpital avec des amis. Cependant, son histoire ne s’arrête pas là car un peu plus tard, alors qu’il conduisait pour rentrer chez lui en écoutant la radio, les programmes se seraient brusquement interrompus, puis le poste se serait mis à grésiller et une voix grave se serait faite entendre, dont il n’aurait pas compris les mots. Après quoi, les programmes auraient repris leur cours habituels.

Zak et Dave
Zak et Dave

Si l’histoire de Dave est pour le moins surprenante, il ne serait pas le seul à avoir été suivi par quelque chose. Deux ans avant le tournage de cette émission, une femme avait écrit un sujet qui parlait de Letchworth sur son blog, décrivant sa visite des lieux et affirmant qu’un esprit l’avait suivi jusqu’à chez elle. La femme pensait qu’il était l’esprit d’un enfant car toutes ses manifestations ressemblaient à des jeux et elle expliquait que le phénomène avait duré environ trois semaines avant de s’arrêter brusquement.

Depuis que l’émission de Zak Bagans a été diffusée à la télévision, de nombreux enquêteurs du paranormal tentent de rentrer dans les bâtiments à la nuit tombée, mais la police veille, interpellant sans hésitation tous ceux qui sont surpris sur la propriété. Si les anciens membres du personnel du Letchworth Village n’ont jamais été témoins de quoi que ce soit, certains sont pourtant persuadés que l’endroit est réellement hanté. Et ils pensent savoir pourquoi. Ils croient que les enfants handicapés ne sont jamais vraiment partis de l’hôpital, mais que depuis leur mort, débarrassés de ce corps qui les emprisonnait, ils hantent la propriété, enfin libres.

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