Les Loups-Garous: Arline de Barioux

Arline de Barioux

La légende d’Arline de Barioux est une histoire de loup-garou qui se distingue des autres par sa singularité: cette fois, le lycanthrope est une femme, ce qui est assez rare pour être souligné. S’il existe plusieurs versions de la légende en question, elles ne diffèrent que par de petits détails sans grande importance. L’histoire est toujours la même, elle raconte le destin tragique d’une femme qui se transforme en loup sous l’effet d’une malédiction.

Nous étions en 1588 et en cette journée de printemps le soleil brillait sur les montagnes du Cantal. Dans son petit château perché sur la colline, Micolas de Barioux, un gentilhomme auvergnat, écrivait l’histoire de sa famille, faisant glisser sa plume d’oie sur le parchemin. Le papier déjà était noirci des noms des morts anciens et pourtant il avait du mal à rester concentré. La journée était trop belle pour rester ainsi enfermé, alors de temps en temps, distrait par la nature qui l’appelait, il s’arrêtait d’écrire et il allait s’accouder à la fenêtre.
Alors qu’il contemplait les arbres en fleurs et les buissons d’aubépine, un homme du pays, Roger Griffoul, vint à passer sur le chemin, son arquebuse sous le bras. Nicolas l’interpella. Roger se rendait à la chasse et il lui promit de lui rapporter du gibier le soir même. Tandis que le chasseur descendait dans la plaine, le gentilhomme se remit au travail et s’efforça de s’y appliquer jusqu’à l’heure du déjeuner.
Puis il quitta sa chambre et se rendit à la salle à manger où l’attendait son épouse, la ravissante Arline, une jeune femme aux longs cheveux bruns et aux grands yeux verts. Elle lui expliqua alors que comme tous les vendredis, elle pensait porter quelque aumône aux pauvres et qu’elle serait donc absente tout l’après-midi. Nicolas de Barioux pensait qu’elle était la meilleure femme au monde. Nulle n’était plus belle, plus douce et plus charitable que sa bien-aimée et lorsqu’il lui avait exprimé ses sentiments, Arline avait baissé les yeux en rougissant.
Après le repas, les deux époux s’étaient tendrement embrassés puis Arline était sortie visiter ses pauvres et Nicolas était retourné à ses ancêtres.

Vers six heures du soir, alors que Nicolas de Barioux travaillait encore sur son arbre généalogique, Roger Griffoul se trouvait à la lisière d’une forêt. Il se sentait de fort méchante humeur car il avait arpenté la campagne toute la journée pour rien. Malgré tous ses efforts, il n’avait pas levé le moindre gibier. Soudain, au coin du bois, surgit un énorme loup. Alors que la bête se précipitait sur lui, le chasseur épaula rapidement son arquebuse et tira fébrilement mais l’émotion lui fit manquer son coup et l’animal bondit sur lui. Griffoul saisit alors son couteau de chasse, prêt à défendre chèrement sa vie. Le corps à corps était effroyable, la lame avait effleuré la créature de nombreuses fois sans jamais la blesser et ses yeux jaunes étincelants semblaient le narguer.
Soudain, dans un geste désespéré, il saisit la patte avant droite de la bête et il réussit à la couper. Le loup, maintenant estropié, s’enfuit en gémissant et disparut dans les bois.
La nuit commençait à tomber et le chasseur décida alors de rentrer au village. En chemin, il s’arrêta au château de Barioux et lorsque Nicolas lui demanda si la chasse avait été bonne, Griffoul soupira et se mit à fouiller dans sa gibecière. Voila tout ce qu’il rapportait, une patte de loup… Mais, à sa grande surprise, à la place de la patte de loup qu’il avait rangée dans son sac, se trouvait maintenant une main de femme fine et blanche. L’un de ses doigts était orné d’une bague que Nicolas de Barioux reconnut aussitôt et son cœur se figea. Cette bague, c’était celle de sa bien-aimée.
Il demanda alors à Roger Griffoul de lui laisser son sinistre trophée puis il le congédia. Après son départ, le châtelain partit à la recherche d’Arline. Il la trouva dans la salle à manger, près du feu. Son bras droit était dissimulé sous son tablier.

Micolas lui déclara qu’il connaissait son secret et Arline devint livide. Elle tenta maladroitement de se défendre, mais lorsqu’il lui présenta sa main coupée, elle s’effondra brusquement.
Elle ne pouvait que l’admettre, c’était bien elle qui avait attaqué Roger Griffoul, et le chasseur lui avait coupé la patte alors qu’elle était sous la forme d’un loup… Elle avait ensuite consulté le rebouteux du village qui avait ligaturé son bras mutilé.
Mais ça n’était pas de sa faute, elle n’était pas responsable de son état. Toutes les femmes de sa lignée subissaient une terrible malédiction depuis que l’un de leurs ancêtres avait signé un pacte avec le diable. Alors, une fois par semaine, chaque vendredi, elle se transformait en loup.
Elle aurait alors voulu se précipiter dans ses bras, mais alors qu’elle s’approchait, Nicolas la repoussa. Il n’avait malheureusement pas le choix. Il était un bon chrétien et il se devait de la livrer à la justice. Alors, le cœur brisé, il sortit dans la nuit pendant qu’il s’en sentait encore le courage.

La légende s’arrête à ce moment-là… La suite nous plonge dans la réalité d’une arrestation et d’un procès dont le procès-verbal existerait toujours.
Nicolas de Barioux raconta son histoire devant l’inquisiteur et les juges, qui le crurent sans l’ombre d’un doute et Arline fut arrêtée. Elle réfuta sa prétendue confession mais la torture sut la persuader d’avouer que tous les vendredis, elle se transformait bien en une terrible et maléfique créature. Lors de son procès, Arline se confessa en pleurant. En effet, elle se transformait en loup et elle avait dévoré des enfants. Et c’était bien elle qui avait attaqué le chasseur Griffoul, avait-elle déclaré en montrant son bras mutilé à la cour.
Les juges lui posèrent des questions extrêmement précises quand à sa lycanthropie, auxquelles elle répondit sans une hésitation, en donnant de nombreux détails. Selon ses dires, elle avait même eu des relations amoureuses avec un loup.
Durant tout le procès, le greffier avait retranscrit sa confession et les divers témoignages le plus sérieusement du monde et elle avait été reconnue coupable de lycanthropie. Alors, le 10 juillet 1588, Arline de Barioux fut brûlée vive sur la grand place de Riom.

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