Jan Reynold et le Diable

Église de Widecombe

Une légende raconte que le 21 octobre 1638, à Widecombe-in-the-Moor, en Angleterre, le diable descendit dans l’église de Saint-Pancras pour y prendre Jan Reynolds, et qu’il repartit avec lui. La légende de Jan Reynolds et du Diable trouve sa source dans une véritable histoire, celle de la Grande Tempête de Widecombe, mais de l’avis de la population locale, ce jour-là, le démon est vraiment venu à Widecombe.

La Légende de Jan Reynolds

Jan Reynolds Widecombe

Au début du 17e siècle, Jan Reynolds habitait Widecombe, en Angleterre, et il travaillait dans une mine d’étain. Le jeune homme était courageux, il ne rechignait pas à la tâche, mais rien ne pouvait égaler son amour pour le jeu, l’alcool et les femmes. Malheureusement, comme ses faibles revenus ne lui permettaient pas de s’adonner autant qu’il le voulait à ses folles passions et qu’il se désespérait de voir toujours sa bourse vide, Jan décida de vendre son âme au diable. L’histoire ne dit pas combien il en obtint, mais apparemment la somme fut suffisante pour le combler, car il se livra à tous ses vices et connut tous les excès, allant plus loin qu’il n’avait jamais été. Sa nouvelle vie était tellement agréable que bientôt il en oublia le pacte. Il faut avouer qu’il s’était joué du démon d’une belle manière. L’accord stipulait que le diable pourrait s’emparer de l’âme de Jan si ce dernier s’endormait dans une église, ce qui n’inquiétait guère le jeune homme qui les fréquentait déjà le moins possible.

Souvent, les dimanches après-midi, quand se tenait la messe, tous les jeunes gens de Widecombe  » réfractaires à l’église  » se retrouvaient à la taverne de Poundsgate, qui était suffisamment éloignée du village pour leur permettre d’échapper à la vigilance et aux sermons soporifiques du vicaire. Ce jour-là il faisait particulièrement chaud et la salle était remplie. La serveuse, qui était également la propriétaire de l’établissement, allait et venait, distribuant de la bière, quand soudain, couvrant le brouhaha des conversations, le bruit d’un cheval au galop se fit entendre. Le cheval, qui était noir comme le jais, s’arrêta devant l’auberge, et un cavalier en descendit, aussi sombre que sa bête, qui se dirigea résolument vers la porte. Il s’arrêta un moment à l’entrée de la pièce, survolant du regard les clients attablés, et aussitôt, le silence se fit.

Entièrement habillé de noir, l’inconnu était bel homme mais quelque chose dansait dans ses yeux qui fit se tasser sur leurs chaises les plus audacieux. A ce moment-là, la tenancière s’avança vers l’homme et nullement intimidée, elle lui demanda ce qu’il voulait boire. Certains pensent qu’elle avait reconnu le diable à ses sabots, mais rien n’est moins sur. Une chope de bière moussante lui fut alors versée, qu’il paya aussitôt d’une pièce d’or et de quelques pièces de cuivre. Tous les regards se tournèrent alors vers la pièce d’or qui brillait sur le bois sale, mais craignant peut-être que l’homme ne change d’avis, la serveuse s’empressa de la ramasser et de la porter en caisse. Indifférent à l’intérêt qu’il suscitait, l’étranger commença à boire sa bière mais lorsque le liquide arriva dans sa gorge, cette dernière émit un curieux grésillement qui laissa ses voisins perplexes. Une fois son verre terminé l’homme se releva, et jetant un dernier regard à l’assemblée, il sortit de la salle. Le bruit d’un cheval au galop fut alors entendu, laissant à penser qu’il se dirigeait vers Widecombe. Puis, comme il s’éloignait, l’un des habitués demanda à voir la pièce d’or que l’étranger avait laissée mais quand la serveuse voulut la lui présenter, elle ne trouva à sa place que quelques centimes et un tas de feuilles desséchées.

Pendant ce temps, ignorant tout de la tragédie qui se jouait à la taverne, Jan Reynolds s’était rendu à l’église de Widecombe où il espérait attirer l’attention d’une certaine jeune fille qu’il avait remarquée. Connaissant le vicaire et sa tendance aux longs discours, Jan s’était assis sur un banc tout au fond de l’église et pour passer le temps, il jouait négligemment avec le paquet de cartes qu’il transportait toujours avec lui. Malheureusement, comme la messe s’éternisait, les paupières de Jan commencèrent à s’alourdir et bientôt, il s’endormit. Le prêtre n’en prit pas ombrage, en fait il ne le remarqua même pas, et il continuait son sermon quand un éclair illumina brièvement l’église, suivi de près par le grondement du tonnerre. Un orage s’annonçait, peut-être même une violente tempête, mais Jan dormait si profondément qu’il ne se réveilla pas.

Puis un énorme bruit ébranla les vieilles pierres de l’église, faisant pleuvoir de la poussière et des débris, et terrifiant l’assistance, le diable apparut au milieu des gravas. Se redressant d’un bond, il se dirigea vers le fond de l’édifice, où Jan Reynolds, qui avait tout oublié de son pacte, était toujours endormi. Une effroyable confusion s’en suivit. Certains rapportèrent que le démon avait défoncé le crâne du jeune homme, mais d’autres affirmèrent qu’il l’avait simplement emporté avec lui. Le diable repartit comme il était venu, portant celui qu’il était venu chercher dans ses bras, puis il retourna dans la cour de l’église, où l’attendait son cheval. Après avoir jeté sa victime sur le dos de la bête, le démon enfourcha son cheval et poussant un cri terrible, il s’envola dans une pluie d’étincelles. Le cheval commença alors à s’élever dans le ciel orageux, mais comme il bondissait dans l’air, il arracha une partie du clocher de l’église, qui s’écrasa sur le bâtiment.

Certains aperçurent Jan Reynolds alors qu’il passait au-dessus de la lande, non loin de la mine Birch, et ils furent les derniers à le voir. Mais alors que le cheval maléfique disparaissait dans les nuages, quatre cartes à jouer, quatre as, s’échappèrent de la poche de Jan, et voletant, elles redescendirent jusqu’à la Terre. En touchant le sol, les cartes laissèrent les empreintes de leur quatre symboles, qui restent toujours visibles aujourd’hui, et pendant des siècles elle servirent de témoignage, avertissant tous les vendeurs d’âme potentiels et quiconque oserait jouer aux cartes dans l’église du risque encouru.

Le Grand Orage de Widecombe

Paroissiens Widecombe

Messieurs Wykes et Rothwell détaillèrent la véritable histoire de la Grande Tempête de Widecombe dans un compte-rendu intitulé:  » Une vraie narration de ces accidents étranges et regrettables qui se déroulèrent dans l’église paroissiale de Wydecombe, près de Dartmoors, dans le Devonshire.  » Le diable ne s’y montre peut-être pas, mais elle est tout aussi fascinante.

Le dimanche 21 Octobre 1638, dans l’église paroissiale de Wydecombe, près de la Dartmoors, dans le Devonshire, il tomba, en même temps que le Divin Service, une étrange obscurité, qui augmenta de plus en plus, de sorte que les gens rassemblés là ne parvenaient plus à lire leurs livres. Un coup de tonnerre effroyable résonna alors dans le ciel, suivi de cliquetis étranges, qui ressemblaient au son de nombreux canons, et un éclair illumina l’église, éclairant brièvement l’assistance.

L’orage approchait. Les ténèbres se firent plus épaisses encore, il faisait tellement sombre que les fidèles ne se voyaient plus les uns les autres, puis brusquement, l’église devint flamboyante et une odeur répugnante, qui était en tous points semblable à celle du souffre, emplit l’atmosphère. Une grande boule ardente était venue par la fenêtre, traversant le bâtiment et rebondissant sur les murs, qui avait tellement effrayé les paroissiens qu’ils en étaient tous, ou presque, tombés de leurs sièges. Certains se retrouvaient à genoux, d’autres face contre terre, et quelques uns s’étaient effondrés sur leurs voisins et poussaient de grands cris.

De nombreuses personnes avaient été blessées, dont certaines si grièvement que rien ne put les sauver. George Lyde, le prêtre de la paroisse, se trouvait debout dans sa chaire au moment de l’incident et par la miséricorde de Dieu, il avait été épargné. Horrifié, il regardait sans comprendre le sinistre spectacle qui se jouait devant lui. La foudre avait touché sa pauvre femme, brûlant son corps en différents endroits et enflammant ses vêtements. Mme Diftford, qui était assise que le même banc qu’elle, avait subi le même sort. Une femme courait vers la porte de l’église, ses habits en feu, mais elle n’était pas simplement brûlée, sa chair était cruellement déchiquetée, presque jusqu’aux os. Une dame d’un certain âge paraissait elle-aussi gravement affectée et sa chair, en particulier celle de sa main, se trouvait dans un tel état qu’elle en semblait pourrie. Une autre femme avait le corps si lacéré et la peau tellement brûlée qu’elle mourut dans la nuit. M. Roger Hill, un gentilhomme estimé de la paroisse, était assis près du cœur au moment du drame mais sa tête avait frappé si violemment contre un mur qu’il ne vit pas le lendemain. Sir Richard Reynolds avait été projeté contre un mur de l’église et sa tête avait laissé une profonde empreinte dans la pierre, comme celle d’un boulet de canon. Sous le choc, son crâne s’était fendu en trois morceaux, laissant échapper son cerveau, qui gisait sur le sol.

D’une étrange manière, certains des témoins avaient eu leurs vêtements brûlés mais leurs corps avaient été épargnés et d’autres présentaient des brûlures alors que les habits, leurs brodequins, leurs bottes de cuir ou de tissu, n’avaient pas un fil de roussi. Quelques sièges avaient été renversés dans le corps de l’église, et pourtant ceux qui y étaient assis n’avaient pas grand chose. Un garçon était resté en place, son chapeau coupé en deux, mais il ne présentait aucune blessure. Un homme était sorti précipitamment par la porte du chœur, un chien courant devant lui, mais brusquement, l’animal s’était mis à tourbillonner puis il était tombé raide mort et voyant cela, l’homme avait reculé, ce qui lui avait probablement sauvé la vie.

Si les pertes humaines étaient terribles, le bâtiment était gravement endommagé. Une partie du toit s’était effondré, tuant une femme de chambre de Manaton qui était venue voir des amis, et le clocher avait été touché en un endroit, projetant de grosses pierres à grande distance. Elles faisaient un tel poids que l’homme le plus fort ne pouvait les soulever. Le pilier contre lequel se tenait la chaire, qui avait été blanchi récemment, était maintenant du noir le plus profond. Un homme avait pu observer de la poussière de chaux se soulever d’un coin de l’église et tourbillonner dans l’air mais une bourrasque de vent l’avait projeté dans ses yeux, et il en resta aveugle pendant des heures.

Une fois la tempête passée, tout le monde resta silencieux pendant un long moment, puis M. Ralph Rows, qui était vigneron, se leva et proposa:  » Les voisins, au nom de Dieu, allons-nous nous aventurer hors de l’église?  » Ce à quoi le révérend répondit prudemment:  » Il est préférable de terminer les prières, car il serait mieux de mourir ici que dans un autre endroit.  » Mais regardant autour d’eux, et voyant l’église si terriblement abimée, aucun des paroissiens ne se sentit le courage de continuer et tout le monde finit par sortir. En certains endroits, près du cimetière, le phénomène avait creusé des fosses et laissé des tas, comme si la terre venait d’être labourée. Au même moment, à Brickstone, près de Plymouth, il était tombé de la grêle dont les grêlons étaient aussi gros que des œufs de dinde ordinaires et qui étaient particulièrement lourds.

Sur les trois cents fidèles qui se trouvaient dans l’église au moment du drame, quatre étaient morts sur le coup ou peu après, deux les jours suivants et soixante avaient été blessés, plus ou moins gravement. L’instituteur du village, Richard Hill, qui était le fils de M. Roger Hill, l’une des victimes, composa un poème sur la tragédie, qu’il inscrivit sur des panneaux de bois. Ce poème, qui raconte l’histoire de la tempête, est exposé dans l’église de Saint- Pancras. Le révérend George Lyde enregistra également l’événement dans ses registres, son travail couvrait cinq pages, qui peuvent être vues dans le livre de Dymond. Si les deux versions de l’histoire sont tout aussi terrifiantes, la croyance locale veut que la catastrophe ait été l’œuvre du diable. Une anecdote rapporte qu’un jour, alors qu’elle demandait à un petit garçon où le diable pouvait être trouvé, l’enfant répondit à son institutrice:  » Voyons Madame, il vit à Widecombe. « 

Source: Legendary Dartmoor, Prehistories.

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