Les Sorcières de Salem

The Lords of Salem est un film d’horreur réalisé en 2013 par Rob Zombie et, comme bien d’autres, il s’inspire d’une histoire vraie, celle des sorcières de Salem qui se déroula au XVIIe siècle, dans la petite ville de Salem Village, au Massachusetts. La procédure et les procès eurent lieu, quand à eux, dans la ville de Salem Town. Salem Village est aujourd’hui devenu la ville de Danvers alors que Salem Town a conservé son nom. Voici la vraie histoire des sorcières de Salem.

En Amérique du Nord, au 17e siècle, le surnaturel faisait partie de la vie quotidienne. Il était aisément admis que Satan rodait sur Terre et qu’il y était fortement actif.
Le révérend Samuel Parris, qui était autrefois négociant aux Indes Occidentales, s’était installé dans la petite ville de Salem Village avec sa femme, sa fille Elizabeth, âgée de 9 ans, sa nièce Abigaël William qui avait alors 11 ans, et leurs deux serviteurs, John et Tituba Indian.

Tituba et les Fillettes

Tituba, dont les origines restent incertaines, connaissait les rites magiques des Antilles et elle racontait souvent aux deux petites filles de la maison de sulfureuses histoires qui les fascinaient. Selon la légende, dans la cuisine du presbytère, Tituba initia les fillettes au vaudou au cours de l’hiver 1691-1692.
Tituba prédisait parfois l’avenir aux jeunes filles de Salem Village en se servant d’une boule de cristal improvisée, faite d’un blanc d’œuf et d’un miroir. Elle répondait aux questions que lui posaient ces demoiselles, qui portaient généralement sur le nom ou la profession de leur futur époux, ce qui les amusait follement. Mais un jour, lors d’une séance, Abigaël crut apercevoir la représentation spectrale d’un cercueil dans une boule de cristal improvisée et les deux petites filles de la maison en furent terrifiées. Elles savaient que la divination était considérée comme un péché, et ce cercueil ne pouvait signifier qu’une seule chose: elles étaient damnées.

En janvier 1692, Elisabeth et Abigaël se mirent brusquement à se comporter d’une façon des plus étranges. Elles pleuraient sans raison, elles ne parvenaient plus à prier et elle répondait aux remontrances du révérend par des mots incompréhensibles ou des grognements de bêtes. Puis, très vite, de nouveaux symptômes apparurent. Elles étaient en proie à des crises qui furent décrites comme étant  » au-delà de la puissance de crises épileptiques ou de maladie naturelle  » par le révérend John Hale. Suivant le récit du révérend Deodat Lawson, qui fut lui-aussi témoin de leurs transes, elles criaient, elles jetaient des objets à travers la pièce, elles poussaient des cris incongrus, elles rampaient sous les meubles et leurs corps se crispaient en des positions particulières. Les petites filles se plaignaient aussi d’être pincées et piquées par des épingles mais aucune marque sur leur peau ne fut jamais relevée.
Puis le fléau s’étendit et de nouvelles jeunes femmes du village se mirent à présenter des symptômes similaires. L’épidémie était telle que lorsque le révérend Lawson prêcha dans la salle de réunion de Salem, il fut interrompu à plusieurs reprises par les crises des affligées.

Comme les médecins consultés ne parvenaient pas à identifier la source du mal, l’un d’eux en conclut à une possession démoniaque.
Au cours du mois de février, peu de temps après qu’aient commencé les afflictions, Mary Sibly, qui était la tante de Mary Walcott, l’une des jeunes affligées, demanda alors à John Indian de préparer un gâteau de sorcière en utilisant la magie blanche traditionnelle anglaise afin de découvrir l’identité de la sorcière. Le gâteau, fabriqué à partir de farine de seigle et de l’urine des jeunes filles ensorcelées, fut ensuite donné à manger à un chien.
Selon les croyances populaires anglaises la sorcière aurait du être blessée car les particules invisibles qu’elle avait envoyées pour maudire ses victimes se retrouvaient dans leurs urines et, quand le chien avait mangé le gâteau, la sorcière aurait du crier de douleur, ce qui aurait permis de l’identifier. Bien évidemment, nul cri de douleur ne se fit entendre ce jour là.

Le révérend Samuel Parris et les notables de la ville pressèrent les jeunes filles de leur livrer le nom de la personne qui les avait ensorcelées. Au cours de l’une de ses crises, Elizabeth Parris affirma que Tituba était responsable de son état et les autres jeunes filles soutinrent ses accusations. Il y avait aussi, selon elles, deux autres sorcières, et elles citèrent les noms de deux vieilles femmes qui étaient quelque peu exclues de la communauté: Sarah Good et Sarah Osburne. Sarah Good était la fille d’une aubergiste française qui s’était suicidée alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente, c’était une vagabonde qui n’allait pas à l’église et qui vivait de mendicité. De plus, lorsqu’on lui donnait de la nourriture, elle murmurait des mots incompréhensibles. Quand à Sarah Osburne, que l’on voyait rarement à la messe, on lui reprochait d’avoir spolié ses enfants en offrant à son nouvel époux l’argent qui leur revenait après la mort de leur père.

Mary Walcott en crise devant les deux magistrats

Le 29 février 1692, les trois femmes furent arrêtées et, dès le lendemain, deux magistrats arrivèrent en ville. Dorothy Bon, la fille de Sarah Good, âgée de 4 ans seulement, fut interrogée par les magistrats et ses réponses furent interprétées comme un aveu accablant pour sa mère. Lors de sa comparution, Sarah Good nia avoir des connaissances en magie mais l’une des jeunes affligées fut brusquement prise de convulsions et les autres suivirent son exemple. Elles affirmèrent que le spectre de Sarah Good les pinçait et les mordait. Une des femmes assistant à la scène se leva alors et éclata de rire devant une telle comédie. Lorsque le calme fut revenu, Sarah Osborne fut invitée à comparaitre à son tour et lorsqu’elle réfuta à son tour les accusations portées contre elle, les jeunes filles recommencèrent à se tortiller.
Puis ce fut au tour de Tituba. Lorsqu’elle pénétra dans la salle, les jeunes filles s’agitèrent de plus belle. On demanda à Tituba si elle avait déjà vu le diable et elle répondit:  » Le diable m’a visitée et m’a demandé de la servir « . Puis elle décrivit à la Cour les sabbats auxquels elle participait et elle affirma que d’autres personnes se livraient, elles-aussi, à ces pratiques.
Les trois femmes furent officiellement accusées de sorcellerie et incarcérées le 1er mars 1692. Le 7 mars, elles furent toutes les trois envoyées à la prison de Boston afin d’y être interrogées.

Malgré les prières de la communauté de Salem, les troubles des jeunes filles persistaient. Il fut donc décidé de jeter en prison tous les présumés responsables. L’hystérie avait gagné la ville. Des habitants de Salem affirmaient que des bêtes pénétraient leurs habitations, et certains soutenaient même que Sarah Good venait les visiter dans leur chambre.
Il faut savoir qu’à cette époque la Preuve Spectrale était la preuve la plus fréquemment utilisée contre les accusés de sorcellerie. On appelait Preuve Spectrale le témoignage des affligés, lorsqu’ils prétendaient avoir été visités par une apparition ou la forme spectrale d’une personne soupçonnée.
Il y eut une dispute théologique sur l’utilisation de cette preuve. Certains prétendaient que l’accusé devait donner la permission au diable afin de permettre à celui-ci d’utiliser son apparence alors que leurs opposants affirmaient que le Diable était en mesure d’utiliser la forme qu’il souhaitait sans avoir besoin de demander quoi que ce soit. Finalement, la Cour fit valoir que le Diable ne pouvait pas utiliser l’apparence d’une personne sans avoir son autorisation au préalable, et que, par conséquent, quand quelqu’un prétendait avoir été visité par une apparition, cette affirmation devait être acceptée comme preuve. De ce fait, lorsqu’un témoin disait avoir reçu la visite spectrale d’une personne, l’on jugeait cette personne complice du démon sans l’ombre d’un doute.

Arrestation d’une Sorcière

Dès lors, les arrestations se succédèrent. Le 20 mars 1692, suite aux accusations d’Ann Putman, Martha Cory, celle qui avait ri lors de la comparution des accusées, et Rebbeca Nurse, une vieille femme respectée et aimée de tous, furent arrêtées à leur tour. Durant ce même mois de mars, de nombreuses arrestations eurent lieu, dont celle de Rebecca Nurse.
Les accusations portées troublèrent alors les esprits. Si des personnes aussi respectables que Martha Corey ou Rebecca Nurse étaient des sorcières, alors n’importe qui pouvait avoir pactisé avec le Démon, et les membres de l’église n’échappaient pas à la règle.
Afin de déterminer si une personne était bien une sorcière, outre les témoignages, l’on fouillait chez elle afin d’y découvrir d’éventuels traités de chiromancie, des horoscopes ou des pots de pommades. Le corps des accusées, car c’était bien souvent des femmes, était méticuleusement examiné à la recherche d’une marque spécifique en forme de téton. Il s’agissait, selon les accusateurs, d’un troisième téton appliqué par le Diable lui-même afin de permettre aux sorcières de nourrir leurs familiers.
Lors de l’examen, toutes les parcelles de peau devaient être visibles et les suspectes étaient donc dénudées et rasées. Si l’on ne trouvait rien, il était alors entendu que la marque en question était invisible. Selon le Malleus Maleficarum, si l’on plantait une épingle dans la marque sans provoquer de saignement ni douleur, alors l’accusée était bien une sorcière.
Au mois de juin 1692, plus de 70 personnes avaient été arrêtées et se retrouvaient incarcérées dans les différentes prisons de la région, à Ipswich, Salem, Charlestown et Boston. Parmi les accusés, se trouvaient de nombreuses femmes très pieuses ainsi que le révérend George Burroughs.

Le grand procès s’ouvrit à Salem le 2 juin 1692. Durant les mois d’été, la cour tenait session une fois par mois. William Stoughton siégeait en tant que premier magistrat, Thomas Newton en tant que procureur de la Couronne et Stephen Sewall comme greffier. Dans une lettre envoyée à la Cour, Le Retour de Plusieurs Prêtres Consultés (The Return of Several Ministers Consulted), Increase Mather et de nombreux ministres du culte exhortèrent les magistrats à ne condamner personne uniquement sur des Preuves Spectrales. Les Preuves Spectrales furent par la suite déclarées irrecevables, ce qui entraina une réduction spectaculaire du taux de condamnation et accéléra probablement la fin des poursuites.
Parmi tous les accusés, seule une femme fût relâchée après que ses accusatrices se soient rétractées. De nombreuses autres avouèrent avoir pactisé avec le Diable, espérant ainsi sauver leur vie, mais ce fut en vain et certaines moururent en prison, sans même avoir été jugées. Tous les séances, sans exception, se terminèrent par la condamnation à mort des accusés et aucun acquittement ne fut prononcé. Les seuls inculpés qui évitèrent l’exécution capitale furent ceux qui dénoncèrent d’autres suspects.
Le cas de Bridget Bishop fut le premier soumis au grand jury qui approuva tous les actes d’accusations portés contre elle. L’accusée n’avait pas un mode vie puritain, elle portait d’étranges vêtements noirs qui allaient à l’encontre de la bienséance.
Au cours de son procès, lorsqu’elle fut examinée, l’évêque l’interrogea sur son manteau qui avait été maladroitement coupé ou déchiré en deux endroits. Son manteau et son mode de vie immoral furent décisifs. Elle fut reconnue coupable le jour même et exécutée par pendaison le 10 juin sur la crête de Gallows Hill.

Pendaison de Bridget Bishop

Du 30 juin 1692 à début juillet, le jury approuva les actes d’accusations délivrés contre huit personnes et cinq furent pendues le 19 juillet. Le 19 août cinq nouveaux accusés furent exécutés. Elizabeth Proctor obtint un sursis car elle était enceinte.
L’un des condamné, le révérend George Burroughs, avait été placé dans un panier qui devait traverser les rue de Salem pour le mener sur le lieu d’exécution.
Quand il se trouva sur l’échafaud, il tint un discours émouvant au cours duquel il clama son innocence. Son expression grave et solennelle, ainsi que sa plaidoirie firent l’admiration de toutes les personnes présentes. Sa prière était touchante et elle fut prononcée avec une telle ferveur qu’elle arracha les larmes de nombreux spectateurs. Certains commencèrent alors à demander une suspension de l’exécution mais les accusateurs leur répondirent que l’homme en noir, le Diable, lui dictait ses mots.
Mr Cotton Mather, monté sur un cheval, s’adressa alors au peuple. Il déclara que le Diable se transformait souvent en ange de lumière et le révérend Burroughs fut pendu sans attendre.

Durant le mois de Septembre, dix-huit nouvelles personnes furent inculpées. Le 19 septembre 1692 Giles Corey, un fermier âgé de 80 ans, refusa de se défendre en justice. Il fut alors soumis à ce que la loi prévoyait en un tel cas, une sorte de torture que l’on appelait peine forte et dure, qui consistait à empiler de larges pierres sur la poitrine du prévenu jusqu’à l’écrasement. Après trois jours d’atroces douleurs le vieillard mourut en persistant dans son refus.
Le 22 septembre 1692, huit nouveaux accusés furent exécutés et un sursis fut accordé à Dorcas Hoar, l’un des condamnés, qui avoua être un sorcier ainsi qu’à Abigail Faulkner, qui était enceinte.

Dès son retour de la guerre, où il se battait contre les Indiens, le gouverneur royal du Massachusetts, Sir William Phips, reprit les choses en mains. Effrayé par le nombre d’accusations et d’exécutions, il mit officiellement un terme à la procédure le 12 octobre 1692. Il faut signaler que sa propre femme se trouvait, elle-aussi, sur le banc des accusés.
L’appel du clergé de Boston, lancé par Increase Mather, a probablement influencé sa décision. Le 3 octobre Increase Mather publia un ouvrage, Cas de conscience regardant les esprits maléfiques (Cases of Conscience Concerning Evil Spirits ), dans lequel on pouvait lire la phrase suivante:
 » Il apparaît préférable que dix sorcières suspectées puissent s’échapper, plutôt qu’une personne innocente soit condamnée  » (It were better that ten suspected witches should escape, than that the innocent person should be condemned).

George Jacob accusé par plusieurs jeunes filles de Salem

En janvier 1693, un nouveau procès fut ouvert afin de juger les accusés qui croupissaient encore en cellule. A part trois d’entre eux, tous furent reconnus non coupables et libérés. Le gouverneur Phips pardonna aux condamnés, sauvant ainsi leur vie. Durant l’année 1692, plus de 200 personnes furent accusées de sorcellerie, une trentaine fut exécutée et d’autres périrent en prison. Les deux fillettes avouèrent par la suite qu’elles avaient fait ça pour se divertir, et qu’elles s’étaient bien amusées.
Le révérend Samuel Parris fut considéré comme le principal responsable de ces tragiques événements et après avoir fait des excuses publiques en 1694, il quitta Salem en 1697. Ainsi se termine la terrible histoire des sorcières de Salem, qui hante encore nos mémoires aujourd’hui.

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