Une Extraordinaire Histoire de Fantôme

La Femme et le Fantôme

En 1855, Mme Ann Jenkins, de Ynyshir, au Pays de Galles, entendait des coup étranges dans certaines parties de sa maison depuis plus de deux ans mais elle avait toujours pensé qu’ils provenaient d’une source naturelle et elle ne s’en était guère inquiétée. Enfin, jusqu’à ce qu’elle voit le fantôme.

Un soir, elle était sortie depuis quelques minutes, laissant ses enfants seuls, lorsqu’un cri perçant s’éleva de la maison, qui put être entendu dans tous les alentours. Aussitôt, Mme Jenkins courut jusqu’à chez elle, accompagnée de ses voisins, et elle retrouva son fils de huit ans terrifié et tremblant. Balbutiant, le garçon leur raconta une histoire invraisemblable, qu’un homme étrange était venu dans la pièce derrière la cuisine, qui avait frappé sur la table avec ses mains et lui avait fait des grimaces, mais comme l’enfant était encore jeune, personne ne le crut.

Peu de temps après, alors que Mme Jenkins recevait Mme Jones, l’épouse de M. R. Jones, le charbonnier, et qu’elles discutaient tranquillement assises près de la chaleur du foyer, soudain un bruit épouvantable résonna dans la cheminée qui les fit sursauter. Intriguées, elles en cherchaient la source quand la bouilloire se souleva de l’une des plaques de cuisson et volant dans les airs, elle alla doucement se poser sur une autre. Terrifiées par ce phénomène inexplicable, les deux femmes coururent se réfugier à l’étage et elles y restèrent un long moment, tremblant de tous leurs membres sans oser redescendre.

Un autre jour, alors que son mari était sorti et que ses enfants dormaient, Mme Jenkins alla s’asseoir dans la grande pièce qui lui servait de salle à manger et tirant une petite table ronde près d’elle pour y poser ses affaires, elle commença à coudre. Elle se concentrait sur son ouvrage lorsque quelque chose caressa doucement le côté droit de son visage mais comme elle avait vu le chat monter sur la table, Mme Jenkins s’imagina avoir senti sa fourrure et elle n’y prêta guère attention. Elle continuait à travailler, perdue dans ses pensées, quand il lui sembla sentir la queue de l’animal effleurer sa joue et s’agaçant de cette distraction elle releva les yeux d’un air sévère, pensant surprendre l’importun et le calmer d’un regard, mais à sa grande surprise le chat avait disparu et un vieil homme très pâle la regardait fixement, qui portait un bonnet sur la tête et un gilet à manches longues. Horrifiée, Mme Jenkins, qui était persuadée de se trouver face à un démon, commença à l’invectiver, mais loin de s’en émouvoir l’homme continua à la dévisager sans rien dire.

Ce silence inquiéta tellement la pauvre femme qu’elle décida de s’enfuir. Bondissant subitement de sa chaise elle s’apprêtait à se mettre à courir quand soudain le vieil homme se posta devant elle, lui bloquant le passage. Il se mit ensuite à parler en gallois d’une voix forte et pointue, mais Mme Jerkins était bien trop effrayée pour l’écouter. Elle essaya une nouvelle fois de crier, mais la peur semblait lui avoir ôté la parole car aucun son ne sortit de sa bouche. Aussi impuissante qu’une enfant, elle l’accompagna dans l’arrière-salle, défit le verrou qui retenait la porte de derrière et sortit dans la cour avec lui. Elle remarqua alors qu’une étrange lumière semblait les éclairer, sans pouvoir se l’expliquer. L’esprit du vieil homme, elle avait enfin compris qu’il était un fantôme, désigna une pierre lâche dans le mur face à l’arrière de la maison, et Mme Jerkins la sortit de son emplacement, découvrant un petit objet qu’elle reconnut comme un outil de charpentier. Alors, se tournant vers elle, le revenant lui demanda d’une voix solennelle:   » Ne parlez de cela à personne. » La pauvre femme en fut tellement effrayée qu’elle se promit de ne pas en dire un mot à quiconque, même pas à son mari.

Le fantôme, qui semblait contrôler le corps de Mme Jenkins à sa convenance, l’obligea à traverser la maison, puis la faisant passer par la porte d’entrée, il la conduisit dans la rue. En arrivant sur le trottoir d’en face, la malheureuse tenta une nouvelle fois de crier et comme elle ne pouvait y parvenir elle regarda frénétiquement autour d’elle, cherchant des yeux quelque chose qui lui permettrait de donner l’alerte. Avisant un seau vide, elle le prit alors dans sa main et le jeta violemment contre le mur, espérant que le bruit attirerait l’attention de ses voisins les plus proches. Étrangement, le le vieil homme la laissa faire, semblant porter peu d’intérêt à ses agissements.

En arrivant à la route, une bouffée de panique submergea la pauvre femme qui tenta de faire demi-tour mais brusquement elle se retrouva soulevée dans les airs et portée à quelque distance. Dans sa main, elle tenait toujours l’outil de menuisier que le vieil homme lui avait demandé de prendre. Le fantôme lui fit ensuite traverser le pont du chemin de fer qui menait à Troedyrhiw Siding, puis en arrivant devant la rivière Rhondda Fach, il lui ordonna de jeter l’objet dans l’eau, ce qu’elle fit sans poser de questions. Le fantôme, qui avait apparemment obtenu ce qu’il voulait, la ramena alors jusqu’à chez elle, l’abandonnant sur la route, juste en face de sa propre maison. Il était environ vingt-et-une heure, et la lueur de la lune éclairait faiblement les environs.

Ayant entendu dire que certaines déclarations extraordinaires avaient été faites par une certaine Mme Ann Jenkins, M. Menhennick, agent de police, et M. Morien, journaliste, se rendirent à son domicile pour l’interroger. Les deux hommes la trouvèrent dans sa maison avec ses quatre enfants. Quand le journaliste lui expliqua le motif de leur visite, alors la femme poussa un long soupir et elle lui répondit en langue galloise que tout ce qu’il avait entendu était vrai, et que quelques nuits plus tôt, elle avait bien vu un fantôme dans la pièce où ils étaient maintenant réunis.

Après que Mme Jenkins eut terminé son récit, Emily Evans, une jeune voisine, vint trouver le journaliste, et elle lui raconta que le soir des événements, elle avait entendu le bruit du seau et des cris des plus pénibles. Sa mère et elle en avaient alors conclu que Mme Jenkins battait son fils pour une raison quelconque, et que le garçon pleurait. Se précipitant à la fenêtre, la jeune fille avait vu Mme Jenkins traverser rapidement la route en direction de la rivière, et les deux femmes s’étaient dit qu’elle poursuivait son fils qui s’était échappé. Un peu plus tard, Emily avait entendu le son d’une voix qui venait de l’extérieur et criait désespérément son prénom:  » Emmy! Emmy! Emmy! « 

Intriguée, la jeune fille était alors sortie et elle avait vu Mme Jenkins qui revenait de la rivière, mais personne ne se trouvait avec elle. L’instant d’après, la malheureuse avait perdu connaissance et elle était tombée dans ses bras. Emily l’avait alors traînée dans la maison de sa mère, où elle était restée longtemps inconsciente, puis la pauvre femme avait repris ses esprits et elle leur avait raconté sa terrible mésaventure.

Quelques temps plus tard, la rumeur se répandit que Mme Jenkins avait vu un fantôme et certains, parmi les plus anciens habitants du village, se rappelèrent qu’une dizaine d’années auparavant, un charpentier était mort dans la maison qu’elle occupait maintenant. Cette information expliquait probablement la présence du fantôme, mais il restait néanmoins un mystère. Pourquoi le vieil homme tenait-il autant à se débarrasser d’un objet aussi banal et pourquoi, s’il avait la force de soulever une femme, n’avait-il pas jeté lui-même l’outil dans la rivière?

Source: The Medium and Daybreak, 6 November 1885.

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